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L’Italie prend le leadership européen de la production de textiles techniques

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26 mai 2023

Déployés dans une multitude de domaines, les textiles techniques restent encore méconnus et peu visibles. Ils jouent pourtant un rôle de plus en plus important dans la mode, en particulier dans le secteur du luxe avide d’innovations. Sa consommation en Europe est passée de 8 milliards d’euros en 1995 à près de 30 milliards aujourd’hui. Mais il est difficile néanmoins de quantifier ce secteur très disparate. Les tisseurs italiens, qui ont pris le leadership européen de la production de textiles techniques, ont tenté d’en définir les contours lors d'un inédit colloque, intitulé "Textile Made in Italy 5.0", qui s’est tenu à Milan le 18 mai.


Appliqué dans de multiples domaines, le textile technique reste méconnu - ph DM

 
Des uniformes ou fibres technologiques utilisées par la médecine aux gilets de protection des forces de l’ordre en passant par les combinaisons aérospatiales ou celles ignifuges des sapeurs-pompiers, et bien sûr l’habillement sportif, les textiles techniques sont partout. Mais ils n’ont jamais été aussi invisibles. L’industrie est le principal débouché des tissus techniques en Europe avec une part de 19%, selon des données de 2018, suivi notamment par les transports (17%), l’ameublement et les emballages (13%) et la construction (11%).
 
Au total, ce secteur pèse 160 milliards d’euros dans le monde, dont 60% sont réalisés par la Chine, suivie par l’Union européenne avec une part de 15%, à hauteur de 26 milliards d’euros. Plus d’un quart de ces textiles techniques européens (25,8%) sont produits par l’Italie avec un chiffre d’affaires s’élevant à 6,71 milliards d’euros en 2021, qui a pris la tête du classement, devançant l’Allemagne et la France.

La péninsule transalpine, plutôt connue pour la grande qualité de ses tissus traditionnels, emploie dans ce secteur près de 27.000 personnes au sein d’environ 2.800 PME, se distinguant par leur niveau très élevé de spécialisation et de recherche. Ses exportations atteignent un peu plus de 3 milliards d’euros, soit près de la moitié de sa production, ce qui la place en termes d'export derrière l’Allemagne, mais devant la France. 
 
Cette production record reste néanmoins sous-estimée, selon les participants du colloque organisé par la confédération patronale Sistema Moda Italia (SMI), qui fédère les entreprises du textile et de l’habillement italiennes, et par sa section Textiles techniques. "Le textile technique italien est largement méconnu alors qu’il est incroyablement présent à travers tous les aspects de notre vie quotidienne", fustige ainsi le président de SMI, Sergio Tamborini.
 
"Dans les tissus techniques, la fonctionnalité est essentielle. Ils sont conçus avec des fonctions spécifiques, qui sont mesurables, et sont créés pour remplir une mission, alors que les tissus traditionnels utilisés pour l’habillement naissent dans le but de réchauffer ou d’offrir des sensations, par exemple de légèreté, sans avoir de but précis", résume le directeur monde pour technique et recherche & développement du fabricant textile Saati. "Chaque secteur d’application a ses propres règles et normes. Le secteur du tissu technique couvre toutes les typologies de fabrication, du fil au tissu, et autres procédés chimiques", poursuit-il.
 

La Chine, premier producteur au monde



"Les applications sont tellement vastes, et le tissu technique offre tellement de niches, qu’on a vraiment du mal à en définir et connaître le périmètre. Pourtant, il est en pleine ascension. La Chine, qui est le principal producteur au monde, a vu ses volumes s’envoler de 110% ces cinq dernières années. Cette dernière exporte autant que l’Europe, mais en termes de valeur unitaire pour chaque produit, l’Europe fait le double par rapport à la Chine, car ses produits ont une valeur ajoutée nettement plus élevée", souligne Aldo Tempesti, le responsable de la division Textiles Techniques de SMI-TexClubTex. Il rappelle que l’Europe est supérieure à toutes les autres régions en termes de brevets, l’Allemagne étant le pays qui investit le plus, avec le nombre de brevets le plus important.


La répartition mondiale de la production de textiles techniques - ph DM

 
Pourtant, derrière ses chiffres en forte croissance, les excellences italiennes du textile technique ont dû mal à se faire valoir. "Durant la pandémie, l’Italie a développé une filière industrielle dédiée aux tenues techniques pour le secteur médical. Mais une fois la crise passée, le système sanitaire s’est à nouveau approvisionné en Chine pour des raisons de coûts. Loin de nous décourager, nous avons redoublé d’efforts pour innover en réalisant des combinaisons durables, par exemple dans une mono-matière facile à recycler", rapporte Chiara Ferraris, directrice de la communication du groupe textile de Bergame Radici Group, spécialisé dans les polyamides et polymères.

Durabilité et technicité, un duo gagnant


 
Le développement durable, grand demandeur en termes d’innovation, va sans aucun doute accélérer la demande en termes de textiles techniques, en particulier dans le secteur de la mode, comme l’illustre Luca Sburlati, directeur général de Pattern. Le groupe italien, coté en Bourse et dont le chiffre d’affaires dépasse les 100 millions d’euros, développe et produit des vêtements pour les grandes griffes. "Les principaux groupes de luxe sont en train d’orienter leur stratégie vers la durabilité, en particulier à travers la matière. Ils sont de plus en plus exigeants aussi en termes de performances", note-t-il. "Avant, le meilleur cachemire au monde était celui fabriqué à Bielle (au nord de l'Italie). Aujourd’hui, on nous demande qu’il soit aussi imperméable et doté d’autres fonctions", glisse-t-il.
 
Quelques années à peine se sont écoulées depuis que Pattern a commencé à travailler sur le tridimensionnel. Il a été l’un des premiers fabricants à se lancer sur le terrain. La technique 3D est désormais utilisée par toutes les marques.

"Pourtant à l’époque, aucune maison ne voulait en entendre parler", se souvient l’entrepreneur, qui se qualifie "d’artisan technologique". "Notre rôle est, fondamentalement, celui de traduire les idées du styliste en des prototypes réalisables. Mais les applications techniques sont tellement infinies que forcément les marques ne peuvent tout connaître. C’est à nous de jouer les médiateurs culturels pour leur expliquer, comme à un client final, les différentes innovations qu’ils peuvent exploiter", explique-t-il.

"La production de textiles techniques italiens a progressé de 3 à 4% en 2022. Avec le potentiel qu’il y a, nous devrions viser au moins une croissance de 15 à 20%", conclut-il, en appelant les entreprises italiennes à s'unir.
 
 
 

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