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10 sept. 2020
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Un été en eaux troubles pour le monde du luxe

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10 sept. 2020

Pas de répit pour le luxe durant la pause estivale. La crise sanitaire s’est prolongée tout l’été de manière plus ou moins intense selon les marchés. Si l’Asie a envoyé des signaux positifs aux entreprises du secteur, en Europe, en revanche, les difficultés ont perduré. Seuls les grands groupes ont pu tirer leur épingle du jeu en limitant les dégâts. Tour d’horizon.


Comme ses concurrents, Hermès espère une fin d'année plus clémente - Hermes.com


Des comptes en berne



Le deuxième trimestre a accéléré la chute des ventes avec des baisses à deux chiffres pour la plupart des maisons qui ont publié leurs résultats semestriels cet été. Seule l’Asie, et en particulier la Chine, ainsi que les ventes en ligne ont enregistré des progressions. A l’exception d’Hermès et des géants LVMH, Kering et EssilorLuxottica, la plupart des grandes griffes ont plongé dans le rouge sur les six premiers mois de 2020.

A commencer par Moncler qui, au premier semestre 2020, a enregistré pour la première fois une perte nette (de 31,6 millions d’euros) depuis son introduction en Bourse. Ses ventes se sont élevées à 403,3 millions d'euros, reculant de 29% par rapport au premier semestre 2019. La marque de doudounes de luxe a annoncé par ailleurs vouloir gérer son e-commerce en direct, mettant fin à son partenariat avec YNAP.

Pour Prada, la perte atteint 180 millions d’euros, tandis que son chiffre d’affaires de 938 millions a reculé de 40%. Le lunetier Safilo, qui a annoncé 700 licenciements, affiche une perte nette de 74,8 millions d’euros et un chiffre d’affaires de 335,6 millions (-32,3%).

Brunello Cucinelli plonge aussi dans le rouge avec une perte nette de 47,52 millions et un chiffre d’affaires de 205,1 millions d’euros (-29,5%), mais la marque table sur un recul annuel limité à 10%. Même constat pour Hugo Boss, qui accuse une perte de 204 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 830 millions (-38% par rapport au premier semestre 2019).

Aeffe, qui contrôle notamment Moschino, essuie une perte de 10,9 millions d’euros pour 118,9 millions d’euros de chiffre d'affaires (-31,4%). Moschino, qui représente 79% du chiffre, a vu ses ventes reculer de 27,5%. Salvatore Ferragamo enregistre sur six mois une chute de 46,6% de son activité, à 377 millions. Quant au chausseur Tod’s, il dévoilera ses résultats semestriels ce 8 septembre.

Les maisons qui ont le mieux résisté



Pour certains, le semestre n’a pas été aussi sombre. Ainsi Hermès a vu son bénéfice net chuter "seulement" de 55 %, à 335 millions d'euros. Son chiffre d’affaires de 2,488 milliards d’euros a diminué, lui, de 25%. LVMH a dégagé au 30 juin un bénéfice net de 522 millions d’euros -certes en baisse de 84% par rapport au 1er semestre 2019- et un chiffre d’affaires de 18,4 milliards d’euros (-27% pour l’ensemble du groupe et -24% pour la division Mode et Maroquinerie).

Le spécialiste de l’optique franco-italien Essilorluxottica, qui pourrait renoncer au rachat de Grandvision, a réalisé quant à lui un chiffre d’affaires de 6,23 milliards d’euros (-29%) et fait état en données ajustées d'un résultat net de 7 millions d'euros au premier semestre 2020 contre 1,047 milliard un an plus tôt.
 
Quant à  Kering, il a vu son bénéfice net chuter de 53 % sur un an pour s'établir à 272 millions d'euros. Mais il bénéficiait d'une base de comparaison favorable, puisqu’au premier semestre 2019 son bénéfice net avait plongé à 579 millions d'euros -contre 2,3 milliards un an plus tôt- en raison surtout d'un redressement fiscal record en Italie lié à sa marque Gucci.

Comme l’a résumé François-Henri Pinault, le patron du groupe, dont le chiffre d’affaires semestriel a atteint 3 milliards d’euros, (29,6%) :  "Le premier semestre 2020 restera sans aucun doute la période la plus complexe à laquelle nous ayons été confrontés".

Une chute accentuée entre avril et juin



Pour Ralph Lauren, les ventes entre avril et juin, correspondant au premier trimestre de son exercice fiscal 2020/21, ont plongé de 65,8% à 487,5 millions de dollars (412,3 millions d'euros) avec une perte nette de 127,7 millions de dollars (108 millions d'euros). Pour Piquadro, qui a clos aussi son premier trimestre fin juin, la tendance est identique avec une chute de 63,5% de ses ventes à 12,2 millions d’euros (-56% pour sa marque Lancel). 

Capri Holdings, qui détient Michael Kors, Versace et Jimmy Choo, voit son chiffre d’affaires dégringoler de 66,5% à 451 millions de dollars (381,5 millions d'euros) en ce même premier trimestre fiscal, accusant une perte de 156 millions de dollars (132 millions d'euros). Dans le détail, les ventes de Versace enregistrent en repli de 54,1% (à taux de change constants) à 93 millions de dollars millions, et celles de Michael Kors de 68,5% à 307 millions de dollars, avec respectivement une perte opérationnelle de 41 et de 48 millions de dollars.

Plongeon radical aussi pour Richemont, qui divise par deux ses ventes sur la même période à 1,993 milliard d’euros (-47%). Burberry est pour sa part à -45 % au cours du premier trimestre de son exercice décalé, à 257 millions de livres (environ 286 millions d'euros). La griffe prévoit la suppression de 500 postes dans le monde, dont 150 à son siège social à Londres.

Enfin, Tapestry (Coach, Kate Spade, Stuart Weitzman) a terminé le quatrième trimestre de son exercice fiscal avec une perte de 293,8 millions de dollars et un chiffre d’affaires de 714,8 millions, plus élevé par rapport aux prévisions des analystes, mais en recul de 52% (à taux de change constants) par rapport à la même période un an plus tôt. Du coup, sur l’ensemble de son exercice 2019-20, le groupe américain enregistre une baisse de 18% à 4,96 milliards de dollars, avec une perte de 652 millions contre un bénéfice net de 643 millions dégagé l’année précédente.


Les griffes comptent sur un fort rebond en Chine - Shutterstock

 

Le rebond de la Chine



Alors que l’empire du Milieu a été l’un des premiers pays à se déconfiner, il s’est révélé l’un des marchés les plus dynamiques pour le luxe cet été. Et la plupart des maisons y ont multiplié les opérations de marketing et communication. Fin août, notamment, les queues ont augmenté devant les boutiques telles que Chanel, Louis Vuitton et Dior, les consommateurs chinois redoutant une augmentation des prix de la part des grandes griffes.

Par ailleurs, la limitation des voyages à l’étranger en raison du Covid-19 a poussé la riche clientèle à dépenser sur place, également motivée par un sentiment de "revanche" après avoir été privée de shopping pendant de longs mois. Dans son magasin le plus grand, à Shanghai, Louis Vuitton a engrangé l’équivalent de 22 millions de dollars au mois d’août, selon la presse locale. En avril, la boutique Hermès de Guangzhou avait aussi battu son record de ventes en journée, encaissant 2,7 millions de dollars lors de sa réouverture.
 

Fusions et acquisitions



Cette période estivale a donné le la à la vague de reprises attendues dans les prochains mois. Alors que la finalisation du rachat de Tiffany par LVMH a été reportée à novembre, quelques opérations ont été conclues, concernant pour la plupart des marques déjà fragilisées avant la crise.

L Catterton, le fonds d’investissement américain relié à LVMH, a mis la main sur deux marques de maillots de bain australiennes, Jets Swimwear et Seafolly qui avait été déclarée insolvable.

Au bord de la faillite, l’historique marque américaine Brooks Brothers, détenue depuis 2001 par l’italien Claudio Del Vecchio, a été cédée pour 325 millions de dollars à Sparc Group, coentreprise constituée par le groupe de mode Authentic Brands (Juicy Couture, Forever21, Nautica, etc.) et par Simon Property Group, premier exploitant américain de centres commerciaux.

Et ce n’est qu’un début. Parmi les labels qui pourraient ouvrir leur capital dans les mois à venir, les analystes citent notamment Tod’s et Salvatore Ferragamo.

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