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23 avr. 2019
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The Big Blue Project s’interroge sur la construction de modèles plus durables dans la mode

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23 avr. 2019

Du 16 au 18 avril, la Galerie Joseph du Marais à Paris bruissait d’idées et d’échanges autour du vaste thème de la durabilité dans la mode grâce à 12 conférences organisées sous la bannière du Big Blue Project. Un événement lancé l’an dernier par Marie Wittmann, Olivia Chammas et Gabrielle Hervochon, ayant pour but de sensibiliser les acteurs du secteur textile aux enjeux environnementaux et sociaux soulevés par leur industrie.


Douze conférences organisées sur trois jours - The Big Blue Project


Lors de la table ronde « Quelle place pour les créateurs écoresponsables ? », la directrice générale de Nelly Rodi, Nathalie Rozborski, a introduit son propos en attestant que « développer une conscience éthique de la conception à la vente, sur tous les points de contact, est aujourd’hui incontournable pour une marque de mode souhaitant se lancer ». « Ce ne sont plus les marques qui poussent leurs produits, mais le consommateur – engagé et conscientisé - qui prescrit et décide ». Une inversion du rapport qui mène à un double enjeu pour la griffe, celui d’être désirable sur le plan créatif et conscient et investi sur les sujets de développement durable de son activité.

Au lancement de sa marque de bodys et culottes écoresponsables, Body & Clyde, Olivia Louvet ne parlait surtout pas de son engagement éthique par peur d’être cataloguée dans une niche green et pas très mode, mais voulait avant tout que sa marque « soit connue pour son univers créatif ». « Je reçois des dizaines de questions précises par semaine sur l’origine de nos produits, mais il ne faut pas se leurrer, cette sensibilité ne concerne qu’une petite partie de la population. »

Convaincu que le digital et le développement durable sont les deux mouvements qui obligent le retail à évoluer, Damien Pellé, directeur développement durable des Galeries Lafayette et du BHV, a détaillé le projet Go for Good, lancé par le groupe de grands magasins en 2018 avec l’objectif de s’adresser à toutes les marques, à peine lancées ou établies, en soulignant leurs efforts en matière de durabilité par le biais de critères dédiés. « Nous ne sommes pas là pour répondre à la demande, qui est, selon nous, encore faible, mais pour la créer. Si on veut sortir de la niche, il est crucial de faire venir des jeunes marques dans les grands réseaux distribution comme le nôtre. Nous n’avons pas encore un modèle de rentabilité là-dessus, mais dans cinq à dix ans, on espère que cela paiera ». Le groupe va d’ailleurs étendre ce mouvement Go For Good à La Redoute en septembre et au BHV en 2020.


L'exposition - The Big Blue Project


Du côté de la production, selon Alexia Tronel, cofondatrice en 2014 de la marque de vêtements Atelier Bartavelle, « un label n’est pas forcément gage d’écoresponsabilité, ce qui compte, c’est de très bien connaître ses fournisseurs directement ». « Le secret du sourcing s’estompe et c’est une bonne chose. Nous avons été réticents au départ sur ce point, car on avait mis beaucoup de temps à trouver le bon atelier, mais l’intérêt commun doit l’emporter », affirme-t-elle, en soulignant le besoin d’informations disponibles en open source.

Cela a aussi été « un vrai chemin de croix » pour Chrysoline de Gastines, la cofondatrice de Balzac Paris, pour identifier le bon fournisseur : « Nous avons commencé avec du made in Paris, mais nous nous sommes vite rendu compte des zones d’ombre de notre partenaire d’alors. Nous travaillons maintenant avec une usine portugaise près de Guimarães et, au lieu de deux grandes collections par an, nous leur assurons du travail en continu toute l’année ». La dirigeante se pose désormais la question du packaging, car toute la chaîne de valeur doit être passée au crible : « Les étiquettes des vêtements seront en carton et tissu recyclés dès cet hiver, nos boîtes en carton sont en option lors de l’expédition et nous allons supprimer le tote bag en tissu qui accompagnait jusqu’à maintenant chaque commande. Il permet une belle publicité gratuite dans la rue, mais la consommation d’eau pour le fabriquer est délirante. »  

Lorsque l’on aborde le sujet de la seconde vie des textiles, les vêtements en matières recyclées peuvent également être une réponse dans une optique circulaire, mais pas forcément lorsqu’il s’agit des polymères. « Je ne suis pas convaincue que le vêtement soit une solution de seconde vie pour le plastique recyclé, car il va à nouveau diffuser des microparticules plastiques lors du lavage notamment, exprime Rosalie Mann, de la fondation No More Plastic, lancée en 2018. La seconde vie du plastique est davantage indiquée dans les secteurs du design et du mobilier. »


Jeanne Vicerial et Coralie Marabelle - Big Blue Project


Alors que les domaines de l’alimentation et de la beauté sont en avance, « la mode est à un moment charnière, la préoccupation première des clients est leur propre santé plutôt que la protection de la planète ». « Ils ne font pas le lien entre vêtement et santé, alors que ce produit touche la peau », indique Damien Pellé. La prochaine étape, selon Nathalie Rozborski, est que ce mouvement initié par certains dans la mode ne reste pas anecdotique et n’officie plus comme un contre-pouvoir, mais comme une norme. « Toute la filière, luxe, industriels, créateurs, enseignes, doit s’engager sinon cela restera une utopie si l’on s’en tient aux micro-initiatives. »

Pour clore ces trois journées de débat, The Big Blue Project remettait pour la première fois un Prix de la création durable. C’est Jeanne Vicerial, de Clinique Vestimentaire, qui remporte cette distinction, qui lui a été remise par Coralie Marabelle, marraine de cette seconde édition de The Big Blue Project.

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