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Soldes : un coup d'envoi teinté d'un espoir de rattrapage

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9 janv. 2019

Paris, 9 janvier 2019 (AFP) - Les soldes d'hiver ont débuté mercredi. A 8h, la secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, a lancé l'événement aux Galeries Lafayette à Paris, libérant des dizaines de consommateurs avides de bonnes affaires.


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Ces clients, dont beaucoup de femmes et de touristes asiatiques, se sont alors éparpillés dans les rayons, « où les remises sont de l'ordre de 30 à 70 % sur l'ensemble du magasin dès aujourd'hui », a précisé à l'AFP son directeur, Alexandre Liot.

« Il est très important pour les commerçants de récupérer les clients qu'ils n'ont pas eu au mois de décembre et pour les Français, c'est aussi intéressant car il y a beaucoup de stocks, donc c'est gagnant-gagnant », a affirmé Agnès Pannier-Runacher lors d'un bref point-presse au Printemps, le grand magasin voisin.

A 17h, son directeur général, Pierre Pelarrey, a annoncé à l'AFP avoir réalisé un chiffre d'affaires en baisse de 10 % par rapport au même jour de l'année dernière, « ce qui n'est pas bon », avec notamment une matinée très calme. « Ce sont les accessoires (-15 %) et la mode femmes (-5 %) qui sont à la peine, en raison sans doute d'une carence de la clientèle internationale », peut-être rebutée par les violences liées aux « gilets jaunes », tandis que la mode hommes (+12 %) et la beauté/maison (+5 %) ont résisté, a-t-il précisé.

Rencontrée par l'AFP à Lyon, Marcelle, responsable d'un restaurant, déclare avoir « attendu les soldes », mais « n'achète que si elle a besoin », tandis que pour Gérard, fonctionnaire hospitalier, les soldes sont « un complément » avec « un budget de 100-150 euros maximum ».

Malgré des rabais élevés proposés dès ce premier jour, de l'ordre de -50 % en moyenne voire même de -70 % sur certains produits, « les files d'attente se font rares, même dans les boutiques situées sur les grandes artères commerçantes parisiennes », observait mercredi la CCI de Paris et d'Ile-de-France.

Peu avant Noël, la FCD, la fédération du secteur, avait estimé à deux milliards d'euros les pertes pour le commerce de détail à la suite des différents « actes » mis en place par les « gilets jaunes », qui réclamaient une hausse de leur pouvoir d'achat.

Baisse d'intérêt ?

L'espoir d'un rattrapage pourrait néanmoins être douché par l'appétence de plus en plus faible des Français pour ce rendez-vous. Selon un sondage Odoxa datant d'octobre dernier, 56 % d'entre eux estiment que les soldes ne servent « à rien », contre 41 % en 2010, en raison notamment de la multiplication des évènements commerciaux tout au long de l'année.

Cette désaffection n'étonne pas Laurent Landel, directeur associé chez Bonial, une société du groupe Axel Springer spécialisée dans les promotions et le marketing numérique. « On sent bien que ce temps fort commercial attire moins de monde et génère moins de chiffre d'affaires », souligne-t-il à l'AFP : « les promos, c'est partout et tout le temps et du coup, la notion de "juste prix" devient extrêmement floue » pour le consommateur, habitué qui plus est à comparer sur internet.

Sur la toile justement, les ventes s'envolaient mercredi matin, avec une croissance de 156 % par rapport à la veille chez Rakuten France, tandis que le site de vente de chaussures en ligne Spartoo avait déjà expédié 10 000 colis durant la première heure.

Compte tenu du contexte « gilets jaunes », les soldes revêtent clairement une dimension de survie pour certains. Ainsi, à Bordeaux, Christian Baulme, président de la Ronde des quartiers, principale association de commerçants, a constaté « sur la période novembre-décembre, une baisse de 20 % de ventes, grandes et petites enseignes confondues ».

Pour lui, « le mouvement des "gilets jaunes" a créé un état d'esprit de morosité et il y a beaucoup de stock invendu », a-t-il affirmé à l'AFP, donc « on compte sur les soldes pour écouler, mais encore faut-il que la ville soit accessible », Bordeaux ayant été l'une des villes les plus bloquées par les manifestations.

Année déjà difficile avant les « gilets jaunes »

« Mais il n'y a pas que les "gilets jaunes", renchérit Colas Michard, à la tête du chausseur bordelais Michard & Ardillier, c'est toute l'année qui a été très compliquée, très tributaire de la météo : rappelez-vous qu'on a eu un printemps pourri, avec de la pluie jusque fin juin. Et fin septembre, on avait 34 degrés quand on devait écouler nos bottes et chaussures fourrées... »

Début décembre, l'Institut français de la mode (IFM) prévoyait que la consommation de textile et d'habillement en France terminerait l'année 2018 en recul de 2,9 %, soit l'une des pires depuis 10 ans.

Et la confiance des ménages en décembre, annoncée mercredi, est là aussi en chute libre, l'indice perdant 4 points à 87, à son plus bas niveau depuis depuis novembre 2014 selon l'Insee.

A Marseille, Mansour, gérant d'un magasin de chaussures confie ainsi à l'AFP avoir vu son chiffre d'affaires baisser ces derniers mois mais estime que cela n'est pas dû aux « gilets jaunes » : « C'est la crise, les gens n'ont pas d'argent ». « Malheureusement, les soldes ne vont pas nous permettre de nous rattraper », déplore le commerçant, en montrant son magasin presque vide.

D'un côté, « les besoins en trésorerie des commerçants sont par conséquent élevés » et de l'autre, « les échelonnements de paiement des charges fiscales et sociales annoncés par le gouvernement s'avèrent en réalité complexes et lents à mettre en place », selon l'Alliance du commerce, qui regroupe 26 000 enseignes.

Pour Céline Choain, spécialiste du secteur mode et distribution au sein du cabinet Kea & Partners, malgré une situation « sous très forte tension », les acteurs du textile ne semblent pas pour l'instant « pris dans la tentation de démarquer plus que d'habitude, une bonne nouvelle pour les enseignes ».

Par Laure Brumont avec les bureaux de l'AFP en régions

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