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Marguerite Capelle
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15 juin 2018
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Scène de crime dans un jardin toscan pour Craig Green

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Marguerite Capelle
Publié le
15 juin 2018

Esprit Rashomon chez Craig Green au Pitti, qui nous rappelle que la vérité est relative et que les gens peuvent garder un souvenir radicalement différent d’un même incident. Surtout quand il s’agit d’un crime.


Craig Green Printemps 2019 - Photo: PixelFormula


C’est le créateur conceptuel de mode masculine qui règne sur Londres depuis quelques années. En Grande-Bretagne, il présente souvent ses collections sous les arcades de briques froides et humides d’une ligne de chemin de fer, dans le sud de Londres. En Italie jeudi soir dernier, il a embarqué son public dans le plus célèbre parc de Toscane : le Jardin Boboli, au-dessus de Florence.

« J’avais envie de prendre un lieu florentin beau et très connu, et de lui donner ce petit côté plus sombre qui nous est propre. Comme une scène de crime en fait », explique Craig Green en souriant, après le défilé dans un coin de bois plein d’ombres.

Craig Green a ouvert le bal avec ce qu’il appelle des « anges modernes », des mannequins en blouse de chirurgien ornée de cordes d’escalade et de liens. Et puis des cadres en bois attachés à plusieurs de ces employés d’hôpital, comme des halos surréalistes, ou des silhouettes. « Je pensais à la manière dont les policiers dessinent à la craie le contour des cadavres après un meurtre non résolu », glousse-t-il avec malice.

Si la plupart des plus beaux bâtiments de Florence sont connus pour leur parfaite symétrie, le jardin de Boboli est particulièrement brut, naturel. Avec cette collection, c’était la première fois qu’un créateur y présentait ses créations depuis les travaux de rénovation à deux millions d’euros entrepris par Gucci dans ces jardins.

A Londres il y a un an, Craig Green avait proposé d’immenses tuniques en coton double fil, assemblées avec des coutures multiples, comme des corsets du 18e siècle, et réalisées dans des imprimés floraux abstraits pour un défilé chamanique et paradisiaque. Tandis qu’en juin 2016, il avait fait défiler une tribu de nomades de l’Himalaya, en vestes rembourrées et couvertures taillées en longs paréos, complétées par de faux bonnets de ski. Plus un quatuor de vagabonds de style népalais en vestes Mao matelassées et pantalons coupés au niveau de la cuisse. Il avait intitulé cette collection « pèlerinage en terre inconnue. »

Mais au Boboli, il a présenté des ensembles plissés avec des silhouettes graphiques en surimpression, un peu comme les haies encadrant les statues dans ce parc. Le final était phénoménal : des caftans funky décalés à trois imprimés, futurs must-have pour toutes les fashionistas, qui vont sûrement inspirer des copies à la pelle. Le défilé a également dévoilé la dernière amourette en date de Craig Green : une série de cinq paires de baskets et de looks en tissu technique – des tops entrelacés évoquant presque des algues – réalisés en collaboration avec Nike.


Craig Green Printemps 2019 Prêt-à-porter masculin - Photo: PixelFormula


Défiler au Pitti est un moment décisif dans la carrière de tout jeune créateur : en matière de mode, cela équivaut à recevoir un bâton de maréchal. En plus de ses idées pour les podiums qui incarnent la plus pure avant-garde londonienne, Craig Green a aussi produit une collection principale de pièces plus pratiques pour la vie de tous les jours, qui représente actuellement 75 % des revenus de sa toute jeune maison. Après Florence, Craig Green prendra le chemin de Paris, où il gère personnellement les ventes dans son showroom français.

Il a aussi été bien occupé à Milan. En février, il était l’un des sept créateurs choisis pour travailler sur le projet Moncler Genius Building. En septembre, il dévoilera sa deuxième série d’idées pour le Genius. Il a aussi développé une ligne de chaussures avec le spécialiste britannique Grenson : des modèles dont les semelles sont ornées de moules à fabriquer des petits soldats.

En dehors de la mode, il a créé les costumes du film Alien : Covenant de Ridley Scott, sorti l’année dernière. Ces derniers s’inspiraient des pulls entortillés et caleçons funky de sa collection 2015.

Né à Londres, Craig Green a très tôt été repéré comme un futur grand : il a gagné le prix British Fashion Men’s Wear Designer en 2016, quatre ans après avoir obtenu son diplôme à Central Saint Martins. Il a aussi été finaliste du prix LVMH. Ses vêtements se vendent désormais partout, de Barneys et Bergdorf Goodman à New York au Dover Street Market, en passant par les Galeries Lafayette et Mr Porter.

Contrairement à beaucoup de jeunes créateurs invités à présenter leur travail à Florence, Craig Green n’a donné aucun aperçu de son travail aux critiques de la presse italienne, une tradition ici où ils sont particulièrement puissants. En fait, ses idées semblent avoir évolué jusqu'à la toute dernière minute avant le défilé.

Des idées qui ont déjà été intégrées dans les expositions « Chine : à travers le miroir » et « Corps célestes : la mode et l’imaginaire catholique » du Metropolitan Museum of Art. Les pièces présentées aujourd’hui finiront un jour dans les musées elles aussi. En résumé, un triomphe de mode décalée à Florence, par un artiste londonien très admiré.

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