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4 nov. 2020
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Paul Smith : "Mon parcours d'homme d'affaires n'a rien d'habituel"

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Paul Kaplan
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4 nov. 2020

Sir Paul Smith, qui va bientôt fêter le 50e anniversaire de sa maison, n'a pas l'intention de lever le pied. Le créateur britannique vient de créer sa fondation, et a accepté de répondre aux questions de FashionNetwork.com.


Sir Paul Smith - Foto: Paul Smith


S'il a passé la quasi-totalité du printemps dernier enfermé dans son atelier de Covent Garden à Londres, seul au siège de sa marque, le chevalier de la mode a quand même réussi à proposer plusieurs collections au sortir du confinement, pour l'homme et pour la femme.

Paul Smith vient également d'ouvrir sa fondation, une structure qui a pour objectif de guider les jeunes talents, et de les aider à éviter les obstacles qui se présenteront au cours de leur carrière. Un domaine dans lequel le créateur dispose d'une expérience certaine, puisqu'il a été le mentor du jeune Alexander McQueen dans les années 1990.

À l'époque, Paul Smith était déjà une figure reconnue de la mode londonienne. Après l'ouverture de sa première boutique, dans sa ville natale de Nottingham, en octobre 1970, celui-ci avait nommé son lévrier afghan gérant du magasin, signant ainsi sa première déclaration d'excentricité britannique.

Paul Smith, qui a fêté ses 74 ans au mois de juillet, a également trouvé le temps de sortir un nouveau livre pour célébrer son demi-siècle d'influence sur la mode, avec la complicité de l'ancien éditeur de Wallpaper, Tony Chambers, et un avant-propos signé par le designer Jony Ive. L'occasion de raconter son parcours dans la mode à travers 50 images de ses objets préférés: de l'appareil photo Kodak Retinette offert par son père jusqu'à son incroyable collection de boîtes d'allumettes en passant par cette vieille loupe bien-aimée et le vélo Paramount de ce dingue de cyclisme.


Paul Smith - Primavera-Estate 2021 - Menswear - Paris



FashionNetwork.com: Bonjour Paul. Comment allez-vous?
Sir Paul Smith (PS):
Très bien. Je vous appelle de Covent Garden. Je suis resté tout seul ici pendant 16 semaines, lors du dernier confinement. Aujourd'hui, il y a environ 20 personnes, contre 200 personnes habituellement, car nous avons mis en place une rotation du personnel.

FNW : Comment se portent vos affaires?
PS :
Horriblement mal! Mais en ce moment, on est tous dans le même bateau, même Louis Vuitton ou Marks & Spencer.
 
FNW: Pouvez-nous nous dire plus sur la création de votre fondation?
PS :
Eh bien, nous travaillons sur cette idée depuis quelques années et chaque année, nous mettons un peu d'argent de côté pour la Paul Smith's Foundation. Pas une somme énorme. J'ai pensé qu'à l'occasion du 50e anniversaire, il serait bon de faire profiter les jeunes d'une partie de mon expérience. Avant la pandémie, nous recevions des visites scolaires au mois une fois par semaine.
 
FNW: Quel est l'objectif de cette nouvelle structure?
PS :
C'est vraiment fascinant de démystifier la façon dont on se lance dans un projet. Comment désacraliser l'idée d'une carrière? On peut commencer par demander au jeune talent: vous êtes-vous intéressé à telle ou telle université? Avez-vous déjà essayé telle ou telle manière de faire? Il s'agit d'aider les gens à savoir où diriger leur énergie.

FNW: Quand avez-vous commencé à enseigner la mode ?
PS :
Il y a des années, lors d'un événement au cinéma Odeon Marble Arch, après des interventions de Terence Conran et d'une grande créatrice appelée Jean Muir. J'ai jeté un regard dans la salle, il y avait 800 personnes, j'étais terrorisé! En plus, j'ai réalisé que tout le monde lisait son discours... et impossible pour moi de lire un prompteur, car je suis dyslexique.

Lorsque Terence Conran a demandé "Des questions ?" à la fin de son intervention, personne ne s'est manifesté. Quand c'était à mon tour, j'ai demandé si je pouvais projeter des photos, et la conférence s'est transformée en un exposé très visuel. À la fin, j'ai lancé : "Ceux qui me poseront une question repartiront avec une récompense" et environ 80 mains se sont levées. Quand on m'invite à parler quelque part, encore aujourd'hui, je me munis toujours de quelques cadeaux: des écharpes, des chaussettes...
 
FNW: Mais avez-vous déjà été le mentor de quelqu'un ?
PS :
Oui, de manière informelle, avec de jeunes designers comme Grace Wales Bonner ou Priya Ahluwalia qui développe une superbe démarche de recyclage. J'ai même aidé Alexander McQueen à ses débuts, quand il était étudiant à St Martins, un peu perdu, et que Suzy Menkes lui a conseillé de venir me voir. On a fini par se connaître assez bien. Un jour, il m'a dit: "Il y a des gens qui veulent faire quelque chose sous mon nom", il m'a demandé "Qu'est-ce qu'un contrat?". Évidemment, il n'en avait aucune idée. C'était un créateur de mode! (rires

Grace Wales Bonner, je l'ai rencontrée trois fois et nous ne faisons que discuter. Elle vient avec un petit carnet de notes rempli de questions auxquelles je m'efforce de répondre. Lorsque nous nous rencontrons pour prendre un café, elle est toujours très organisée.
 

Paul Smith - Primavera-Estate 2021 - Womenswear - Paris



FNW : Pourquoi avoir choisi cette forme inhabituelle pour votre prochain livre?
PS :
C'est Tony Chambers qui m'a suggéré de ne pas me lancer dans une rétrospective trop rébarbative du type "voici le look 15 du défilé de 1982, et le look 33 de 1983"... Il m'a dit: "Pourquoi ne pas choisir 50 objets dans votre bureau tout biscornu, et écrire un petit texte d'une page sur chacun d'eux?

Mon parcours d'homme d'affaires n'a rien d'habituel. J'étais un jeune designer, très vite soutenu par un fonds spéculatif, ce qui m'a permis d'ouvrir de nombreux magasins. Je possède toujours environ 80% de la société, sauf au Japon, parce que ma femme a voulu vendre ses parts pour ses petits-enfants. Je crois qu'ils ne sont même pas encore au courant! (rires

FNW: Quand organiserez-vous votre prochain défilé?
PS :
Franchement, nous ne sommes plus certains que ce soit la chose à faire en ce moment, et puis nous repensons nos calendriers de livraison. Tout le secteur est en crise et personne n'est assez courageux pour prendre des décisions radicales. Même les gros bonnets. Mais nous avons un beau showroom à Paris, donc si nous sommes de nouveau autorisés à nous déplacer l'année prochaine, nous y présenterons nos collections à la fin du mois de janvier. 

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