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Clémentine Martin
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21 janv. 2020
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Oteyza a ébloui Paris avec avec ses costumes espagnols d'avant-garde

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
21 janv. 2020

Deux jeunes gens au corps élancé marchent d’un pas décidé au rythme marqué par le regard attentif de Caterina Paneda. Les mains de Paul Garcia de Oteyza vérifient les plus petits détails, arrangeant au millimètre le drapé des pièces, avant que l’appareil photo d’un iPhone n’immortalise en image les modèles du défilé. Nous voici sur la place de Valois, à quelques pas du Musée du Louvre, et les fondateurs d’Oteyza mettent la touche finale aux préparatifs de leur première présentation lors de la très chic Fashion Week parisienne. "Cette étape, c’est le début de la consécration", affirme sereinement Paul García. Il ne reste que 24 heures avant le défilé qui doit se tenir le 15 janvier à l’ambassade d’Espagne à Paris.


Caterina Pañeda et Paul García de Oteyza sont le couple qui se cache derrière Oteyza - Oteyza


"Ce n’est vraiment pas facile d’être accepté au sein de la Fédération", souligne le cofondateur d’Oteyza. "Pour pouvoir se présenter, il faut pouvoir justifier d’une longue trajectoire, sinon, c’est un suicide. Ici, la mode qui ne vend pas n’est pas considérée comme de la mode. Ils regardent si l’entreprise est solvable, pas seulement ses capacités créatives", poursuit-il. Ils ont réussi à entrer au calendrier officiel après avoir présenté six collections au salon florentin Pitti Uomo, proposé des défilés marquants lors de la Fashion Week de Madrid et remporté le Prix national de la mode espagnole en 2018.

Avant-garde, tradition et artisanat

"L’homme a besoin de références, d’éléments de caractère, il doit s’appuyer sur une histoire pour changer son image. Celle que nous proposons est très forte", affirment les deux créateurs de la marque de costumes. Ils ont misé sur un "exercice risqué : repenser le vestiaire espagnol, les capes et les chapeaux avec une vision avant-gardiste, subtile et sans tomber dans le folklore". Une identité marquée qui, à ses débuts, a suscité les réticences de certains secteurs. Caterina Paneda se souvient notamment de l’introduction des chapeaux traditionnels de Cordoue au vestiaire d’Oteyza : "Finalement, les gens ont fini par comprendre que des pièces aussi iconiques pouvaient s’intégrer naturellement au look complet d’un costume".

Un style classique renouvelé qui est peut-être arrivé au bon moment. "La mode masculine a besoin d’évoluer. Le culte de la laideur est arrivé à son terme. C’est la fin d’un cycle qui conduit à une nouvelle forme de beauté, qui doit être le fil conducteur des collections", analyse Paul Garcia de Oteyza, qui cite l’exemple de l’influence de Balenciaga. Le duo n’est apparemment pas friand des tendances sport et street qui ont dominé les défilés ces derniers temps, et qui commencent aujourd’hui à lasser.


Les capes étaient les vedettes du défilé d’Oteyza à Paris - Oteyza


Les deux créateurs lorgnent aussi du côté de la mode féminine. "La femme est à un moment où elle va revenir vers l’homme", expliquent-ils, ajoutant qu’ils ont déjà intégré des jupes à leur garde-robe. "Une nouvelle ère avec de nouveaux codes va commencer. Et Oteyza sera aux avant-postes".

Une activité en pleine construction



Catapultée par les médias au-delà des frontières espagnoles grâce à une chorégraphie du Ballet national d’Espagne devenue virale pour son défilé printemps-été 2019, la marque a réussi à capter l’attention de nouveaux clients russes, mexicains et nord-américains. Maintenant, Oteyza veut renforcer sa présence à l’étranger. Après avoir récemment signé un contrat avec le groupe Tsum pour se développer en Europe de l’Est, la griffe envisage d’implanter ses premiers points de vente à Paris, à New York et au Japon.

Oteyza
se positionne sur le segment du luxe, les capes et les cabans allant de 1 250 à 1 500 euros. La griffe se targue d’avoir choisi "un modèle de croissance lente" fondée sur la qualité de vêtements réalisés "avec soin". "Nous savions parfaitement que nous ne serions jamais concurrentiels au niveau des prix", assurent-ils. Selon eux, leurs clients ont compris "la valeur de l’artisanat et de la confection". Ils ajoutent : "Même si la culture espagnole est dominée par Inditex depuis très longtemps, le client espagnol exige de plus en plus de qualité."


L’ambassade d’Espagne à Paris a accueilli le premier défilé d’Oteyza dans la ville - Oteyza


Habillé de son costume de scène surmonté d’une impeccable cape noire classique, Paul Garcia de Oteyza parcourt les salons de l’ambassade d’Espagne à Paris, où le défilé de la marque commencera dans quelques minutes. Un espace idéal pour présenter les modèles traditionnels d’Oteyza, sur fond de toiles célèbres de Goya. L’ambassade d’Espagne soutient activement sa mode nationale et accueille également les expositions annuelles d’ACME, l’Association des Créateurs de Mode en Espagne. D’autres marques y ont aussi présenté leurs collections, comme Leandro Cano, Palomo Spain ou Yolancris.

À Paris pour y rester



Dans une pénombre solennelle, les mannequins avancent calmement, illuminés par les bougies qu’ils tiennent dans leurs mains, à la façon d’une procession. Une jolie référence aux « Lumières », le titre de la collection choisi par Oteyza en hommage à la ville de Paris. Oteyza compte bien revenir dans la capitale française pour poursuivre son projet. "Étant donné que c’est notre première fois à Paris, nous avons voulu présenter notre ADN", commentent les deux créateurs. Et cela se voit : les coupes sont typiques d’Oteyza, déclinées sous forme de capes, de cabans, de longs vêtements fendus, déstructurés ou asymétriques, de volumes étudiés et de modèles sans coutures où le drapé joue un rôle central. Sans oublier les fameux chapeaux andalous.

Inspirée du style avant-gardiste du Bauhaus, la collection utilise des tissus d’origine espagnole et française, avec une prédilection marquée pour la laine mérinos. De plus, les jupes longues, les pantalons à bretelles, les chemises plissées et les larges cols se déclinent dans des tonalités progressives : on passe du noir si typique de l’Espagne à un blanc éclatant en faisant un arrêt par un jaune moutarde, un bleu marine, un vert d’eau ou un bordeaux. "La perfection est ennuyeuse. Quand on regarde les coutures faites main, elles sont irrégulières, elles dépendent du pouls de la personne qui les a faites", revendique le couple. "C’est ça qui est beau, comme c’est le cas d’un modèle d’activité qui peut avoir des imperfections, mais qui est fait avec le cœur. Les franchises ne séduisent personne." Oteyza, oui.

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