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Clémentine Martin
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19 févr. 2022
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London Fashion Week débute avec un avis de tempête, Edward Crutchley et Conner Ives

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
19 févr. 2022

La tempête Eunice a frappé Londres de plein fouet vendredi soir, et la Fashion week s’est ouverte en pleine alerte rouge avec le défilé d’Edward Crutchley.


Edward Crutchley - Automne/hiver 2022 - Photo : Edward Crutchley


 Un déluge d’imagerie gothique avec une bonne dose de décadence dandy imprégnait le défilé d’Edward Crutchley, l’un des acteurs à suivre de la scène londonienne.
 
La fluidité des genres était omniprésente dans cette collection, présentée dans la soupente vieillotte de l’entrepôt de Bargehouse, sur les berges de la Tamise. Depuis vendredi, Londres est le théâtre de près de 40 défilés physiques officiels au calendrier et de multiples autres présentations dans toute la capitale britannique. Les journalistes et les acheteurs semblent enfin prêts à retourner en masse aux événements physiques.

Et l’ouverture proposée par Edward Crutchley ne manquait pas de panache, avec ses coupes moulantes ajourées, sa magnificence digne des Tudor et son élégance androgyne.
 
Peu de créateurs sont aussi calés en histoire de la mode qu’Edward Crutchley, qui se distingue systématiquement par sa capacité à mélanger des ères différentes dans des créations pointues et séduisantes.
 
Il signe un manteau blanc boyfriend moderniste à boutonnière croisée, parfaitement coupé et réalisé en drap de laine, ainsi qu’un manteau noir en daim de style édouardien, porté comme une jupe, dans une représentation d’une mystérieuse beauté. On retiendra aussi l’irréprochable blazer en drap de laine, porté avec une jupe-tube en velours et viscose, chic et tendance. Le tout dans des matières intéressantes, ce qui n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où Edward Crutchley est aussi celui qui développe des tissus pour Kim Jones.


Edward Crutchley - Automne/hiver 2022 - Photo : Edward Crutchley


Edward Crutchley est un touche-à-tout qui aime montrer l’étendue de ses possibilités, ce qu’il fait avec brio avec un long cardigan en mohair dont le motif rappelle les ailes d’un papillon, ou avec un corset à manches gigot porté avec une jupe portefeuille ultra-sexy, ou encore avec un costume masculin glamour à longs revers porté avec un pantalon lilas. Le genre de look qu’aurait pu imaginer Saint Laurent s’il avait fait Central Saint Martin’s.
 
Et juste au moment où l’action commençait à s’enliser dans une politesse bourgeoise, Edward Crutchley a le génie d’envoyer sur le podium un mannequin barbu teint en blond au corps digne de Thor, (dé)vêtu d’un justaucorps troué en maille léopard, de chaussettes montantes et de bottes violettes.
 
“Le côté queer est omniprésent dans le gothique, à tel point que sa principale fonction consiste à démontrer la relation entre la marginalité et le mainstream”, affirmait une citation du programme en ligne du défilé ‘Queering the Gothic’, un essai philosophique étudiant des textes depuis la perspective des théories queer.
 
En tout cas, il n’y a rien à redire de cette collection, portée par des modèles aux yeux charbonneux et aux cheveux brillantinés, arborant des ras-de-cou en palladium à triple logo, pour la plupart accompagnés de boucles d’oreilles en forme de pince-tétons. Les mannequins foulaient le sol en parquet poussiéreux avec des compensées en cuir vieilli, décorées de clous, d’anneaux et de lacets en métal.
 
Une collection en tous points idéale pour ce vendredi sauvage et balayé par les vents de la tempête Eunice, emportant une partie du toit du centre commercial O2 de Finchley Road.
 

Conner Ives : inspiration Hudson Valley




Conner Ives - Automne/hiver 2022 - Photo : mise à disposition par Conner Ives


Il est fort agréable de voir des propositions résolument assumées sur les podiums londoniens, comme celle de Conner Ives, un Américain qui a été demi-finaliste du prix LVMH.
 
Cette saison, Conner Ives s’est inspiré de l’école de l’Hudson Valley, un mouvement artistique du XIXe siècle glorifiant les paysages sauvages et sublimes de la campagne new-yorkaise.
 
“J’ai moi-même grandi dans la vallée de l’Hudson et je me rends compte que mes sources d’inspiration sont les mêmes que celles de ces artistes des centaines d’années avant moi”, explique-t-il.
 
Et même si les vêtements présentés lors du défilé n’avaient souvent pas grand-chose à voir avec les nuances ocres et les panoramas audacieux du mouvement artistique en question, ils étaient quand même dans leur majorité de grande qualité.
 
Comme à son habitude, Conner Ives dessine ses collections pour des archétypes. Chacun de ses 26 looks était d’ailleurs dûment nommé, depuis la “Femme au foyer” jusqu’à la “Vice-présidente”.
 

Conner Ives - Fall-Winter2022 - Womenswear - Londres - © PixelFormula



Ou encore l’adolescente ultra-médiatisée et connectée, interprétée par la géniale Edie Campbell, dans un caban oversize jaune et blanc et une casquette à visière plate avec des bottes en cuir verni rouge vif, comme l’un des couchers de soleil de Frederic Edwin Church.
 
“Sexy, espiègle et expressive. Elle joue les idiotes avec les garçons mais a réussi haut la main les tests d’entrée des meilleures universités”, commente le créateur.
 
Un pull rouge dont la couleur évoque un incendie de forêt semble taillé sur mesure pour Diana Ross. Une enfant sauvage de Laurel Canyon porte une robe foulard minimaliste et un top à bretelles croisées. Une superbe étudiante en pleine année sabbatique à Bali est vêtue d’une robe jaune d’or sans manches avec un drapé à couper le souffle. L’un dans l’autre, une jeunesse très glamour.
 
L’idée de génie de Conner Ives consiste à s’emparer d’éléments typiques de l’iconographie américaine pour les mélanger avec des drapés classiques et des silhouettes de grande dame. Un style tendance et original, qui ne fonctionne cependant pas à tous les coups, comme dans le cas d’une terrible robe en coton rouge avec un logo de basket-ball des Buckeye Champions, un véritable supplice pour les yeux.
 
Mais cela reste un défilé plein d’entrain et coloré et Conner Ives, un designer dont la carrière ne peut que décoller. En réalité, c’est même déjà fait.
 

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