Les douze meilleurs défilés de la saison, par Godfrey Deeny
La saison des défilés s’est achevée ce 5 octobre à Paris, au bout de quatre semaines d’événements répartis dans quatre capitales de la mode. Nous avons sélectionné les douze collections qui ont marqué les Fashion Weeks européennes, alors que New York restait inaccessible aux rédacteurs étrangers.

Le clou de la saison, même s’il s’agissait du dernier événement programmé, c’était l’hommage rendu par 45 créateurs au grand Alber Elbaz, disparu récemment, à l’occasion d’un défilé collectif qui a fait verser des larmes à plus d’un. On avait rarement vu un secteur aussi exigeant et concurrentiel que la mode se rassembler ainsi, avec beaucoup d’émotion, pour témoigner son respect à ce collègue regretté et maître incontesté de la création. Une deuxième collection réalisée par l’atelier d’Alber pour AZ Factory a également été très applaudie, et laisse entrevoir un avenir brillant pour la toute jeune maison d’Alber Elbaz.

Au sortir du défilé Loewe, présenté dans un manège de la Garde républicaine à Paris, l’enthousiasme était général, plaçant cette collection loin devant toutes les autres. Des robes tétraèdres semblables à des sculptures métalliques aux brillants escarpins à talons en forme de roses à l’envers ou d’œufs au plat, c’était le défilé le plus interpellant de la saison.
Balenciaga

C’était sans nul doute l’événement de la saison, puisque Demna Gvasalia a volé la vedette à tout le monde (Met Gala compris) avec son défilé "tapis rouge", et sa vidéo des Simpsons en fashion victims. Et la collection était aussi un véritable baromètre des tendances: attention, le noir fait un nouveau retour!
Yohji Yamamoto

Art du drapé sous sa forme la plus pure de la part du maître créateur, 77 ans et toujours à l‘avant-garde avec ses ravissantes robes enveloppant intimement les mannequins. Et après un déluge de couleurs sur Instagram ces cinq dernières années, cette collection presque intégralement noire était rafraîchissante, en plus d’amincir toutes celles qui la portent.
Versace épouse Fendi

En cette époque marquée par les collaborations en tout genre, ces deux marques italiennes ont tenté une alliance inédite par son ampleur. Les fiançailles étaient restées top secrètes. Et le mariage lui-même, celui du monogramme double-F et des frises grecques de Versace sur une série de minirobes et tenues de soirée, était assez sensationnel.
Rokh

Rok Hwang semble avoir atteint la maturité. Le créateur né en Corée et installé à Londres, lauréat du Prix Spécial LVMH en 2018, livre avec son talent considérable l’interprétation la plus élégante (et facile à porter) d’une tendance clé dans la mode actuelle: la déstructuration tout en délicatesse.
Del Core

Alors que la saison est marquée par une mode à fort potentiel commercial, c’était rafraîchissant de découvrir une authentique collection d’avant-garde, par un couturier né qui est aussi un rebelle plein de courage. Des robes biomorphiques, des tenues de belle du Sud déchaînée et des formes fantastiques évoquant la faune tropicale dans ce superbe défilé par Daniel Del Core, italo-allemand qui habillait autrefois les VIPs pour Gucci.

C’était la collection la plus jeune, la plus cool et la plus aboutie de Giambattista Valli, ode post-Covid pleine de charme à une vision puriste de la beauté. Des formes réduites, des ourlets plus hauts, un excès de cristaux et des volumes épatants – très dame, mais sexy.

Alors que cette marque proposait un luxe chinois de qualité depuis déjà dix ans, son nouveau propriétaire Exor (holding du clan Agnelli, ce qui se rapproche le plus en Italie d’une famille royale) a engagé Yang Li comme créateur. Il a mis dans le mille en toute décontraction avec cette collection hybride, mêlant la noblesse imposante de l’empire du Milieu aux couleurs intenses de Paris, et à l’énergie urbaine de Londres.

On aurait jamais imaginé voir Alberta Ferretti figurer dans notre Top 12, et pourtant la voilà. Des robes sculpturales aériennes, des tops en mousseline de soie froncée assemblés par des pierres semi-précieuses, et les plus beaux exemples de crochet chic, LE matériau de la saison. Et c’était le paradis des influenceurs au premier rang grâce aux talents de magiciens de Salvo Nicosia, le tant apprécié responsable de la communication de la maison.

Enfin et surtout, ce qui était sans doute la plus belle collection de toutes, celle de Simone Rocha. Son romantisme expérimental, ses vestes déstructurées et ses trenchs ornés de perles oversize, de bandes de satin et de corail rebrodés étaient inoubliables. Dans la frénésie de cette programmation si dense en défilés, c’était un véritable moment de grâce dans une vieille église médiévale londonienne.
Labrum of London

Malgré l’amertume du Brexit, Londres conserve sa capacité unique à surprendre avec son énergie pluriethnique et ses croisements multiculturels. Comme lors de ce défilé brillamment mis en scène par Foday Dumbuya, créateur de la tenue olympique des sportifs de Sierra Leone. Son épatante mode de la diaspora, mariant le style des immigrés d’Afrique de l’Ouest à la couture sur mesure à la britannique, était présentée sur fond de concert de Balimaya Project, un orchestre de cuivres qui mêle funk et tubes de Fela Kuti. Le défilé le plus énergisant de tous.
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