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26 janv. 2021
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Le plan de LVMH pour Tiffany

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26 janv. 2021

Le géant français du luxe LVMH prévoit de remanier la vaste gamme de produits de Tiffany & Co pour se concentrer davantage sur l'or et les pierres précieuses, tout en montant en gamme ses célèbres bracelets en argent, après avoir conclu ce mois-ci le rachat du joaillier américain pour 13 milliards d'euros.


Tiffany



Six sources, dont deux personnes connaissant bien les activités de Tiffany, ont déclaré à Reuters que le propriétaire de Louis Vuitton allait probablement aussi remodeler l'apparence des boutiques et renforcer sa présence en Europe et en Asie.

Plus d'un tiers des 320 vitrines du joaillier américain, connu pour son bleu turquoise "Tiffany" et son packaging sophistiqué, se trouvent aux États-Unis et deux sources ont décrit certaines d'entre elles comme dépassées et ayant besoin d'être rénovées.

"LVMH peut donner à Tiffany le temps et l'argent nécessaires pour faire de gros investissements dans la gamme de produits et dans les magasins du monde entier, et attendre que ces investissements soient rentables à moyen terme", a déclaré l'une des sources.

Le 8 janvier dernier, au lendemain de l'installation de la nouvelle équipe dirigeante, les nouveaux patrons du groupe ont présenté aux 14.000 employés de Tiffany réunis à New York leur projet qui prévoit de se concentrer sur la joaillerie haut de gamme, a déclaré une personne qui y assistait.

Le groupe envisage également de renforcer la gamme de montres de Tiffany, a déclaré une autre source familière du sujet.

Contrairement à des concurrents tels que Cartier et Van Cleef & Arpels, propriété de Richemont, ainsi que Bulgari, une autre marque de LVMH, la gamme des produits de Tiffany va des pendentifs en argent à 150 dollars aux colliers en diamants dont les prix peuvent aligner quatre zéros.

Les bijoux en argent ont une marge brute d'environ 90% et offrent un point d'entrée parfait pour les jeunes consommateurs moins fortunés. Les grands noms de la joaillerie ont cependant aussi besoin d'une gamme moyenne à haute, avec un prix supérieur à 100.000 dollars pour créer un sentiment d'exclusivité, estiment les experts.
 

Renforcer la désirabilité



Le patron de LVMH, Bernard Arnault, a déclaré aux employés de Tiffany dans une vidéo diffusée pendant la réunion de New York, qu'il voulait renforcer le standing de la marque, même si cela prenait du temps.
"Nous allons également privilégier la 'désirabilité' à long terme de Tiffany plutôt que les contraintes à court terme", a déclaré l'homme le plus riche de France, selon une personne présente.
Le plus grand groupe de luxe du monde, qui produit également le champagne Moet & Chandon, a été ébranlé par la pandémie de COVID-19 et les ventes dans les duty-free des aéroports ont chuté, mais ses plus grandes marques ont maintenu le cap.
Certains salariés de Tiffany sont néanmoins préoccupés.
LVMH va apporter plus de sophistication au bijoutier américain, estime un employé d'un grand magasin en Europe, mais la réputation d'exigence de Bernard Arnault inquiète.
"Si un magasin ne fonctionne pas tout à fait, ils le ferment tout simplement", a déclaré cette personne, sous couvert d'anonymat.
Bernard Arnault est connu dans l'industrie pour ses visites inopinées dans les boutiques. Il a notamment fait un passage dans un magasin Tiffany à Séoul, après l'annonce de l'accord fin 2019, où il a signalé des anomalies telles qu'un produit de nettoyage laissé sur une vitrine et une note adhésive rose portant la mention "non disponible" apposée sur un produit, ont indiqué des personnes proches du groupe.
LVMH et Tiffany ont refusé de commenter. LVMH doit publier ses résultats de 2020 ce mardi après la clôture de la Bourse.
 

Des paroles apaisantes



Alors que Tiffany et LVMH se sont lancé dans une âpre bataille judiciaire à mi-parcours du processus d'acquisition, qui s'est soldée par une renégociation à la baisse du prix d'achat, Bernard Arnault a eu des paroles apaisantes pour le joaillier américain.

La résilience de Tiffany au cours des derniers mois a dépassé les attentes de LVMH, a-t-il concédé, durant la réunion à New York, selon l'une des personnes présentes.

Le groupe avait précédemment qualifié les perspectives de Tiffany de "lamentables" en raison d'une mauvaise gestion pendant la crise du COVID-19.
Tiffany a regagné du terrain grâce aux ventes en ligne et en Chine au cours du dernier trimestre. La bijouterie dans son ensemble, l'un des secteurs du luxe qui a connu la plus forte croissance ces dernières années, a mieux résisté que d'autres secteurs à la pandémie.

Tiffany est moins exposé que ses concurrents à l'Asie-Pacifique - un moteur important des ventes de luxe - qui a représenté 28% de ses ventes mondiales de 4,4 milliards de dollars en 2019. L'Europe en représentait 11%.
LVMH va examiner les performances et les emplacements des boutiques, et pourrait utiliser son influence pour obtenir de meilleurs baux ou de meilleures vitrines libérées par d'autres marques du groupe.
 

Nouvelle impulsion marketing



La société new-yorkaise Tiffany, fondée en 1837, a atteint une renommée mondiale avec le film "Breakfast at Tiffany's" en 1961, mettant en vedette Audrey Hepburn, mais une nouvelle impulsion marketing pourrait relancer la marque.

Alexandre Arnault, l'un des quatre enfants Arnault occupant des fonctions chez LVMH, est devenue directeur exécutif produits et communication de Tiffany. Il a annoncé vouloir se concentrer sur les campagnes publicitaires et sur l'amélioration de l'attractivité de la marque auprès des jeunes clients. À 28 ans, Alexandre Arnault travaillera aux côtés du nouveau PDG Anthony Ledru, qui a dirigé les activités commerciales mondiales de Vuitton, mais qui est également connu pour le lancement de sa ligne de bijoux haut de gamme et a déjà travaillé chez Tiffany et chez Cartier.

Il succède à Alessandro Bogliolo, qui avait déjà supervisé la rénovation sur plusieurs années du magasin phare de Tiffany à New York, sur la Cinquième Avenue, et a été à l'origine de l'achat d'un diamant ovale de plus de 80 carats, serti dans un collier qui est devenu le bijou le plus cher de la marque. (Avec Melissa Fares et Vanessa O'Connell à New York, version française Kate Entringer)

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