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20 oct. 2021
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L'immobilier commercial face à la transformation des villes et des modes de vente

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20 oct. 2021

Le SIEC, salon parisien de l’immobilier commercial, a ouvert ses portes le 20 octobre. Premier rassemblement du secteur depuis le Mapic de novembre 2019, le rendez-vous est l’occasion pour les promoteurs de témoigner de leur optimisme, tout en tirant le bilan d’une crise sanitaire qui laissera des traces. En termes de comportements d’achat, d’inflation, mais aussi de rapport avec les pouvoirs publics, comme en ont témoigné les échanges ayant rythmé ces retrouvailles.


Geoffroy Roux de Bezieux (Medef), entourés de Jacques Ehrmann, Marie Cheval et Gontran Thuring, respectivement président, vice-présidente et directeur général du CNCC, sur le SIEC 21 - Carmila



“Nous sortons de la crise avec un sentiment partagé”, a souligné ainsi Jacques Ehrmann, président du CNCC (conseil national des centres commerciaux) mercredi matin, rappelant les fermetures administratives, couvre-feu et pass sanitaire. “Nous avons été parmi les mieux soutenus d’Europe, économiquement parlant, et d’un autre côté on a été bousculés, mal compris, un peu ostracisés avec la Loi Climat. Il y a deux tendances dans ce gouvernement. Celle qui comprend les problèmes du commerce, et l’autre non. Il nous faut comprendre comment être mieux compris dans les hautes sphères“.

Le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, venu ouvrir le salon, voit quelques nuages à l’horizon. “D’abord dans le recrutement, quelque soit le secteur, lieu ou taille d’entreprise. Il y a des gens qui ne reviennent pas sur le marché du travail, ou ne restent pas en entreprise. Je pense qu’il y a là un avant/après qui mérite qu’on y réfléchisse”, a indiqué le représentant, qui s’inquiète en outre d’une inflation difficile en 2022. “Cela va être compliqué à gérer, car sur 2021 on va voir tous secteurs confondus les meilleurs résultats depuis 10 ans. Là où 2022 est plus incertain”.

Le patron du Medef a par ailleurs insisté sur la re-régionalisation des chaînes de valeurs, induite à moyen terme par coûts de transport et politiques vertes. Il incite d’ailleurs le commerce à regarder du côté de l’industrie, qui a réussi à devenir une “grande cause nationale” à l’occasion de la crise. “Il faut que le commerce essaie ce qu’a brillamment réussi l’industrie”, indique-t-il. “Il y a un certain nombre d’élus pour lesquels le centre commercial est le symbole d’une économie passée. Il faut arriver à démontrer publiquement qu’il y a une autre manière de penser le centre commercial”.

E-commerce et crispations sur l'iniquité fiscale



“Nous sommes en effet très modernes. Moderne, ce n’est pas rester devant son écran, commander des trucs livrés par des livreurs prolétarisés, plein d’emballages cartons et plastiques, et qui repartiront car ils ne conviennent pas”, a renchéri Jacques Ehrmann, rappelant le combat de longue date contre l’iniquité fiscale entre le commerce physique, pour lequel existeraient 90 taxes, et l’e-commerce. “Nous n’aurons de cesse de dénoncer ces iniquités, car nous sommes pour la concurrence, sauf quand elle est déloyale”, a insisté le responsable. A la tête du promoteur Frey, Antoine Frey, qui s’inquiète de voir sacrifier l'équipement commercial français sur l’autel du développement de Jeff Bezos (sic): “Une plateforme Amazon de 100.000 mètres carrés, c’est l’équivalent en vente de plus de 3.000 commerces, qui doivent eux avoir l’aval des CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial)”.


Le centre "Mon Beau Buchelay" - Compagnie de Phalsbourg



Sur ce front, cette première matinée du Siec recevait justement le sénateur du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc, qui avait proposé au printemps que les entrepôts e-commerce soient soumis aux CDAC, notamment pour lutter contre l'artificialisation des sols. “Cette proposition, équitable, a finalement disparu en commission mixte paritaire (CNP), car le gouvernement n’est pas favorable à ce que l’e-commerce soit réglementé à ce stade. Mais c’est un très gros combat que l’on va très vite retrouver”, indique l’élu, qui rappelle qu’un “droit de proposition” permet jusqu’au 22 février aux territoires de formuler des propositions de demande de consommation foncière. “Or personne ne sait comment s’y prendre. Et c’est au moment où les élus locaux sont épuisés qu’ils doivent refaire des démarches pour obtenir des droits de construire. Une énième injonction contradictoire, puisqu’on leur demande de réduire par deux leur consommation de foncier, pour atteindre zéro en 2050”. 

La lutte pour la transférabilité des mètres carrés



Antoine Frey avoue être “dans le flou” total concernant la lutte concernant l’artificialisation des sols, et attend un décret précisant le sens légal d’artificialisation. “Mais je vois néanmoins cela comme une grande opportunité. On a un besoin impérieux de restructurer le matériel commercial excitant, en majorité obsolète, pour beaucoup à l’entrée de villes, qui vont pouvoir s’étendre sur ces sols déjà artificialisés. En travaillant à grande échelle sur tous ces espaces, on arriverait à recréer de vrais morceaux de villes, et ce ne serait plus en périphérie, puisque la ville à rattrapé ces espaces”. L’ancien président du CNCC rappelle à ce titre l’importance du combat pour la transférabilité des mètres carrés, qui permettrait à un commerce de déménager dans des locaux nouveaux sans que cela soit considéré en CDAC comme des mètres carrés supplémentaires. “Cela nous faciliterait énormément la tâche”, a indiqué Antoine Frey, qui rappelle l’échec à Montpellier du projet Ôde à la Mer, coulé grâce aux recours engagés à l’occasion des procédures de transfert engagées auprès de la CDAC.


François Bayrou sur le stand de sa ville de Pau sur le SIEC - Ville de Pau


Un combat sur lequel a également mis l’accent la vice-présidente du CNCC et PDG de Carmila, Marie Cheval. “La question est de savoir comment trouver des mécanismes de conversion, voire des primes à la conversion, pour transformer ces entrées de villes moches en de nouveaux espaces. Et de pouvoir transférer ces commerces existants en centre-ville ou en centre commercial, afin de pouvoir récupérer ces espaces”, a expliqué la responsable, qui pointe en outre l’importance de la responsabilité environnementale dans l’immobilier commercial. “Nous n’avons pas à rougir. Le centre commercial est vertueux car il s’inscrit dans le quotidien des gens, et a vocation à centraliser dans un même espace plusieurs achats”. Là encore, la critique de l’e-commerce n’est jamais loin. Comme le montre une étude comparative entre centres commerciaux et e-commerce dévoilée en ouverture du salon.

"La plaie des villes, ce sont assez souvent leurs entrées"



Des vertus durables du centre commercial sur lesquelles François Bayrou s’est permis d’afficher une certaine prudence. “On doit apprendre à mettre des toits photovoltaïques et à végétaliser les parkings des centres commerciaux”, pour le Haut-Commissaire au Plan, maire de Pau et président de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées, qui partage par ailleurs le diagnostic des professionnels. “La plaie des villes, ce sont assez souvent leurs entrées. Déqualifiées. Disqualifiées. Parce qu'on a pas fait attention à l’organisation, à l'esthétique, dans ce qui a été mis en place à la va-vite il y a plusieurs décennies. D'où une généralisation des friches, aujourd'hui, où le secteur du commerce a un rôle absolument majeur à jouer”, a indiqué l’élu, dans une allocation qui fut l’occasion de faire des partenariats public-privé la seule solution d’avenir pour la réinvention des villes.

Le commerce physique d’habillement aura été directement évoqué durant ce lancement du Siec, étant désigné par Jacques Ehrmann comme l’une des principales victimes de la vente en ligne. “Il faut trouver le bon équilibrage dans nos centres pour l’équipement de la personne” indique le responsable. Le textile, jadis parent fort de l’offre, va continuer à céder de la place aux services et restaurants. “Ce sera long et progressif”, indique le président du CNCC, qui estime que cette pandémie aura eu le mérite de pousser les fédérations à s’allier autour de positions communes. “Et cela a beaucoup plus porté ! Démonstration que quand on est unis, on est plus forts”, indique le responsable, qui espère voir le Conseil du Commerce de France revoir ses statuts pour ne plus décider ses positions à l'unanimité, afin d’amener la confédération à être plus vocale et audible auprès des pouvoirs publics. 

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