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Fashion Tech Days : à quoi pourrait ressembler l'usine du futur ?

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26 sept. 2019

Ce 25 septembre, la mairie de Roubaix a accueilli la dernière édition des Fashion Tech Days. Une session qui s'est interrogée sur le futur visage de la filière textile, avec une industrie 4.0. lorgnant aussi bien du côté de l'optimisation et de la rapidité que du côté du made in France et de l'écoresponsabilité.


Quelques 220 professionnels ont pris part à cet événement - Fashion Tech Days



Un futur dans lequel ont déjà mis le pied des entreprises comme Bivolino ou Nemmès. Le premier, fabricant belge de chemises, a installé en Roumanie et en Tunisie des machines générant des patrons dès la commande du client en ligne. "Produire à proximité plutôt qu'en Asie permet de livrer rapidement, car aucun client n'accepte d'attendre des mois, même pour du sur-mesure", explique le dirigeant Michel Byvoet. Nemmès propose pour sa part la personnalisation de bijoux, taillés par laser en Bourgogne et Île-de-France. "Au-delà de l'aspect ludique, c'est une façon de se rapprocher du client, et de ne produire qu'à son intention spécifique", explique le responsable Arnault Daubresque.

Pour la spécialiste Amélie Attias, du groupe de conseil Attias, le 4.0 est plus qu'une possibilité : "Usine du futur, mythe ou réalité ? Le fait est que, de toute manière, nous n'avons pas le choix", affirme-t-elle, pointant le fait que même l'automatisation et le sur-demande n'affranchiront pas l'industrie des questions de stocks de matériaux et composants.

Des usines automatisées en France capables de concurrencer les fabricants asiatiques ?

"L'automatisation va juste permettre de focaliser l'homme sur les tâches à plus forte valeur ajoutée", pour Jean-Baptiste Clouard, qui officie pour le spécialiste de la gestion des flux de production Flowlity. "Le rôle de la machine est d'apporter aux marques des recommandations, mais c'est l'humain qui prendra la décision."

Un rapport à la machine qui reste cependant délicat. "Il y a encore un vrai fossé entre la data science et le métier", déplore Olivier Colin de la société Fashion Data, qui accompagne les marques dans leur stratégie de sourcing. Ce que constate également Renard Ferret, du spécialiste des solutions de contrôle qualité Onogone, qui relève "qu'en dépit de la complexité de ses process, le textile est très en retard sur le contrôle des défauts, fait encore principalement par des personnes penchées sur des machines".


Fashion Tech Days



La directrice générale du Défi, Clarisse Reille, venue présenter son rapport du salon SXSW d'Austin, relève quant à elle que le sens a cette année fait irruption sur le rendez-vous technologique. "Ce qui va nous amener vers un monde très polarisé, avec d'un côté des géants à même d'exploiter toutes ces datas, et de l'autre des entreprises affichant des raisons d'être sans concession".

Christian Kinnen, du groupement de marques Fashion3 (Bizzbee, Brice, Jules, Grain de malice, Orsay, Pimkie, Rouge Gorge), a pour sa part exposé le projet d'une usine automatisée nordiste capable de faire concurrence aux productions asiatiques. "Le projet n'est pas de faire du made in France pour le made in France, mais de ramener un système global à une offre locale", précise le responsable pour qui cette étape est un préalable à une évolution circulaire de l'activité. Tout en soulignant qu'il "n'y a pas une solution unique".

Plus de produits, moins de stocks

Pour Thierry Cusanno, représentant du spécialiste de l'optimisation des productions Gerber Technology, la base technique des futures usines est essentielle : "Nous travaillons beaucoup avec Indidex, qui a pour force une réactivité permanente à la demande des magasins et aux décisions de réapprovisionnement cadencées en fonction des nouveaux produits : c'est vers cette logique là qu'il faut chercher."

De son côté, la solution de facilitation et d'accélération des commandes Tekyn caresse l'objectif d'avoir une cinquantaine de stocks de préproduction fournissant les pièces à 500 ateliers partenaires. "Toute l'idée est d'offrir aux marques la possibilité d'avoir plus de produits sans avoir à en supporter les stocks", explique le cofondateur Donatien Mourmant, pour qui le premier frein est le rejet de toute évolution par certaines marques. Pour Jean-Baptiste Chot-Plassot, de l'école de formation La Fabrique, la mutation de l'industrie posera tôt ou tard le problème de la recherche d'effectifs qualifiés.


Fabrice Jonas (MyFashionTech), Martin Breuvart (Lemahieu), Thomas Huriez (1083), Sébastien Ramel (Fitizzy) et Armelle Weisman (Deloitte) - MG/FNW


Après avoir repris la société Lemahieu durant l'été 2018 avec Loïc Baert, Martin Breuvart se dit surpris du nombre de marques contactant l'entreprise avec le souhait de lancer une production made in France. "Nous, si nous produisons ici, c'est pour être meilleur, mais aussi plus rapide que les autres", indique le responsable, qui n'appelle pas de ses vœux une automatisation aveugle de la production. "En produisant avec des humains, c'est aussi toute une économie que l'on irrigue."

De son coté, le cofondateur de la solution de recommandation de taille Fitizzy, Sébastien Ramel a profité de cette journée dédiée au futur pour rappeler le péril pesant sur la filière. "C'est dommage de voir des entreprises attendre d'être face au mur pour renaître de leurs cendres et s'essayer à des choses différentes, comme Grain de Malice ou Promod", relève l'expert. "Aujourd'hui, tout le monde a compris que produire plus n'a plus de sens si ce n'est pas maîtrisé."

Fabriquer en France et être rentable, c'est déjà possible

Figure de proue d'une industrie textile made in France prônant la déconsommation, Thomas Huriez, président de 1083, a pour sa part tenu à rappeler que toutes les perspectives évoquées durant cette journée ne relèvent pas du fantasme. "Depuis notre première année, nous sommes rentables, et c'est important que les marques sachent qu'on ne fait pas de sacrifice financier pour en arriver là, et qu'il y a un modèle à fort potentiel", explique le dirigeant de la marque de jeans fabriqués dans l'Hexagone.

Ce dernier a notamment profité de l'occasion pour trouver une qualité au greenwashing. "Si des marques viennent vers ça de manière opportuniste, ne leur tombez pas dessus : une fois dedans, elles n'auront ensuite d'autre choix que de persévérer et d'aller plus loin dans cette direction". Cette journée tournée vers l'usine du futur a, au final, notamment permis d'établir que l'industrie 4.0 se trouvera par nature à l'intersection des grands enjeux de la filière, de la RSE au made in France en passant par la formation et l'optimisation des stocks.

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