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18 nov. 2021
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Fashion Reboot: Alexandre Mattiussi partage son optimisme et ses projets

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18 nov. 2021

Ce 18 novembre, la journée Fashion Reboot organisée par l'Institut français de la mode (IFM) dans ses locaux refaits à neuf des bords de Seine, à proximité de la gare d'Austerlitz, a apporté quelques éléments rassurants sur la santé du secteur et les perspectives des mois à venir. Mais l'échange entre Alexandre Mattiussi, fondateur et designer de la marque Ami, et Leyla Neri, professeur de l'IFM, a apporté une dose d'optimisme supplémentaire.


Alexandre Mattiussi lors du Fashion Reboot de l'IFM - FNW



Souriant et détendu, le créatif, qui est aussi président de son entreprise, est revenu sur l'incroyable montée en puissance de sa marque mais aussi sur la manière dont la période Covid a eu un impact sur son métier.

"Avec mon associé, Nicolas Santi Weil, nous avons eu très peur le 17 mars 2020 quand nous avons été les derniers à partir et à fermer la porte. J’ai un peu chouiné en me demandant ce qui allait se passer avec une sensation de fin du monde. Mais dès le lendemain, nous avons pris la décision de garder le contact en instaurant un comité de continuité. En tant que gérant, j'étais seul au bureau à envoyer les fiches de paie au comptable, à recevoir les colis DHL, mais aussi à travailler à distance avec les équipes, les usines, les ateliers... Nous avons tous appris à travailler à distance. (...) Au niveau de la création, ces deux années nous ont peut être apporté un confort inédit, car nous n'avions plus la même pression du calendrier. Mais globalement je n'ai pas la sensation de manquer de temps. Les journées peuvent terminer un peu tard mais avec la notion de plaisir. Je suis passionné je n’ai pas la sensation d’être victime".

Le designer a ainsi travaillé un peu différemment mais, Ami connaissant une progression importante, s'est aussi lancé dans de nouveaux projets. La marque a ainsi initié son offre femme. "La collection femme a modifié mon approche. Mon goût pour les pièces homme est plus pragmatique. J’aime l’idée que ce soit un vestiaire au départ pour tous. Je m’habille dans les fringues que je dessine. La femme offre une opportunité différente. Il y a des choses que je me permets de faire avec la femme que je n’oserai pas sur l’homme. Cela aurait été le piège d’assouvir cet attrait créatif dans des collections homme déjà bien établies. Je prends des risques chez l’homme, mais avec la femme j'ai découvert d'autres ressources. C’était en moi, mais je n’avais pas la confiance ou la maturité pour le développer".

Autre changement impulsé par la période: le développement de films pour présenter les collections, les défilés physique n'ayant pas pu se tenir ces dernières saisons. Même si Ami va revenir en physique pour la prochaine Fashion Week, son designer star décrit cette nouvelle expérience. "Je n’ai pas la sensation d’être digital, même en étant sur Instagram toute la journée. J'étais très attiré par la réalisation, mais je ne savais pas si on saurait faire cela. Mais c'était passionnant, notamment parce que l'on peut affiner si quelque chose ne nous paraît pas parfait. Alors pour la première scène, on a refait la prise quatre fois. Ce qui est intéressant, c'est cette maîtrise, par rapport au défilé ou quand c'est parti vous ne pouvez plus modifier les choses. Après, mon idée n’était pas d’envoyer un personnage sur Mars, mais on avait envie de quelque chose de cinématographique".

Née il y a dix ans, Ami est maintenant une maison importante du paysage de la mode. Et avec plus de 230 personnes en son sein, il s'agit aussi d'emmener les salariés dans une histoire. "Je suis très fier d'avoir un agrandissement de cette famille. J’ai commencé tout seul il y a 10 ans. J’avais conscience de ce que je pouvais réaliser. Mais en tant que créatif on se pose toujours des questions. On a peur au départ de ne pas être à sa place. Et avec l’expérience on se rend compte qu’on ne pouvait pas faire autre chose. A présent on parle de 250 personnes, de centaines de points de vente, de boutiques qui s’ouvrent et vont s’ouvrir. Je dois laisser cela se développer de manière autonome. Nous n'avons pas construit la société de manière pyramidale. Je n'ai pas toujours raison. Les bonnes idées viennent des autres aussi. C’est important de responsabiliser les membres de la famille. Avec Nicolas, nous sommes au centre et l’idée c’est que l'on fonctionne avec des cercles. Mais surtout, on a envie de s’amuser et de faire des belles choses. D'être sérieux sans se prendre au sérieux". 

Et dans cet esprit, répondant aux questions du public d'étudiants et de professionnels du secteur réunis dans l'amphithéâtre de l'IFM, le designer a livré quelques pistes sur ses envies prochaines. "Les questions autour des métaverses m'amusent beaucoup. Je ne peux pas mettre de côté une génération qui a envie d'expérience dans un univers digital. Cela ouvre des possibilités extraordinaires. Pour nous il est prévu d'aller vers d'autres médias que la mode.  Jusqu'à nos sept ans, le développement était intense mais j’étais extrêmement concentré sur les collections, les défilés, les pré-co, les réseaux sociaux... Maintenant je suis attiré par du cinéma, de la musique, des expériences... Je crois que les gens ont envie de voir comment une marque s'exprime dans des projets parallèles. Nous travaillons aussi sur l’ouverture d’une fondation. L'idée est d'offrir des moments qui ne sont pas mercantiles. Des moments de partages simples. Dans cette idée, notre présence dans le métaverse devra proposer une expérience et pas seulement un défilé de mode digital".

En conclusion de son intervention, répondant à une interrogation de Leyla Neri, sur un conseil pour un jeune entrepreneur qui se lancerait, Alexandre Mattiussi a apporté une considération plus intime. "Je conseille, très humblement, des marques qui vont se créer. Mon assistant se lance. Mais je trouve que c’est plus compliqué qu'il y a dix ans. Il n’y avait pas de réseaux sociaux. C'était égocentré. On se disait: 'je veux être créateur de mode'. A présent, il faut que la collection soit écoresponsable, que le créateur soit hype, presque dès son lancement qu'il habille Dua Lipa. Mais tout cela ne doit pas l'empêcher de développer ses idées. Il doit respecter sa créativité. Trouver le bon équilibre. Je crois que c'est valable pour chacun. L'important est de bien se connaitre, d’être au plus proche de soi et de ses émotions. Et tout est possible".
 

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