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Entre Pékin et Washington, une guerre économique à coup de traités de libre-échange

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13 juin 2022

Via l'accord de libre-échange RCEP (Partenariat économique régional global ou, en anglais, Regional Comprehensive Economic Partnership) entré en vigueur le 1er janvier, Pékin a créé des facilités d’accès entre les marchés de Chine, d’Inde et d’Asie-Pacifique. Accord que l’administration Biden tente à ce jour de contrer via un autre accord, l’IPEF (Cadre économique pour l'Indo-Pacifique ou Indo-Pacific Economic Framework), dont les avantages économiques semblent cependant bien moindres. Une lutte pour le commerce extérieur qui intervient sur fond de tensions diplomatiques.


Joe Biden, Fumio Kishida et Narendra Modi - Shutterstock


Signé en 2016 sous l'administration Obama, le TPP (Accord de partenariat transpacifique ou Trans-Pacific Partnership) devait révolutionner le commerce entre l'Asie et les Amériques, instaurant une zone de libre-échange entre le Vietnam, l'Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, Singapour, la Nouvelle-Zélande, le Pérou et les États-Unis.

Une arme destinée à freiner l’influence grandissante de la Chine, mais qui disparu avec l'élection de Donald Trump en 2016, au grand dam de l'American Apparel & Footwear Association (AAFA). La nature ayant horreur du vide, fût-il commercial, Pékin avait alors donné un coup d’accélérateur au RCEP, dont les négociations étaient déjà en cours depuis 2011.

Cet accord promet un libre-échange entre Chine, Australie, Japon, Corée du Sud, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Nouvelle Zélande, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Il engloberait ainsi 30% du PIB mondial, et a trouvé dans la complexe reprise post-pandémie une justification complémentaire. La Chine, dont les capitaux se sont largement invités dans les industries nationales de ses voisins, promet un accès facilité à son marché de consommation, l’un des plus importants au monde. 

Mais un autre grand marché brille par son absence, l’Inde, qui avait fini par quitter les discussions. Une opportunité qui n’a pas échappé à Washington. Le 22 mai 2022, Joe Biden s’affichait fièrement aux côtés des premiers ministres indiens et japonais Narendra Modi et Fumio Kishida. L’IPEF, d’une ampleur moindre, repose davantage sur des normes communes dans une logique d’équité et de viabilité des chaînes d’approvisionnement avec, en toile de fond, la promesse d’une accélération des échanges.


Les représentants des pays négociateurs du RCEP, avant que l'Inde ne quitte le projet - RCEP


"L’IPEF est une déclaration de notre volonté commune de faire de la région un moteur de la croissance économique mondiale", déclarait fin mai Narendra Modi, soulignant l’importance d’un périmètre intégrant Inde, États-Unis, Australie, Brunei, les Fidji, Indonésie, Japon, Corée du Sud, Malaisie, Nouvelle Zélande, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.

De nombreux pays communs avec le RCEP, donc, mais qui permettent à Washington de brandir un chiffre: 40% du PIB mondial est potentiellement concerné par l’IPEF, contre 30% pour le RCEP chinois.

Outre le poids économique des nations concernées, c'est le contexte diplomatique qui donne à ce duel commercial une importance à ne pas sous-estimer. La tension entre Pékin et Washington était déjà forte, entre autres sur la question de l'exploitation des Ouïghours, et elle n'a fait que se renforcer ces derniers mois autour de la souveraineté de Taïwan. L'Australie et la Nouvelle Zélande ne sont pas en reste, s'attirant les foudres de la Chine, dont ces nations veulent limiter l'influence économique sur leur territoire.

Mais la lutte sino-américaine par accords commerciaux interposés n'en est pas terminée pour autant. La Chine espère rejoindre le CPTPP (Partenariat transpacifique global et progressiste ou, en anglais, Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership). Effectif depuis décembre 2018, celui-ci poursuit sans les États-Unis le travail du TPP, instaurant un libre échange entre Canada, Mexique, Pérou et Chili, d’un côté, et Japon, Australie, Nouvelle -Zélande, Singapour et Vietnam, de l’autre. Si Pékin rejoignait le dispositif, la Chine parviendrait à encercler le marché américain via l’un des plus massifs accords de libre-échange jamais signés. 

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