7 minutes
Diversification et qualité, la stratégie de transformation de l’industrie textile portugaise
La pandémie a porté un dur coup à l’économie mondiale et a redistribué les cartes. Durant la crise sanitaire, le Portugal s’est imposé comme le principal allié du reste de l’Europe pour une production textile de proximité. Aujourd’hui en plein processus de transformation, le secteur a réussi à se positionner au cours des dernières années grâce à d’importants volumes de fabrication et à des tarifs compétitifs, malgré la concurrence d’autres pays comme le Maroc et la Turquie. Le Portugal doit maintenant se démarquer avec une offre plus qualitative portée par son industrie manufacturière, sérieuse et professionnelle. Les critères d’écoresponsabilité devront aussi faire partie de l’équation.
Ana Paula Dinis est la directrice exécutive de l’ATP, l’Associação Têxtil e Vestuário de Portugal (Association du Textile et du Vêtement au Portugal). Elle explique à FashionNetwork.com: “Aujourd’hui, nous ne travaillons plus avec les mêmes types de marques qu’avant. Nos missions ont évolué. Les griffes et les designers qui produisent actuellement au Portugal ne sont plus uniquement préoccupés par le prix et viennent chercher des pratiques respectueuses de l’environnement. Nous n’avons plus de solutions à proposer à ceux qui recherchent du low-cost. Cela nous a valu de perdre en volume de commandes, mais de gagner en qualité“, souligne-t-elle.
Pour la principale représentante de l’association professionnelle portugaise, la diversification des clients est centrale. Les ateliers portugais, qui travaillaient principalement avec de grandes entreprises et des multinationales textiles, s’ouvrent aujourd’hui aux plus petites marques avec des quantités plus faibles mais plus exigeantes concernant la qualité, les matières et la confection. Cette adaptation a entraîné une hausse des prix qui a permis de compenser la baisse du nombre de commandes. De plus, les usines ont gagné en indépendance, puisqu’elles ne dépendent plus autant des méga-commandes qui étaient auparavant la norme.
Une industrie fondamentale pour ce petit marché
L’industrie du textile et de l’habillement représente 9% des exportations au Portugal (et 3% des exportations de textile et d’habillement de l’Union Européenne). Elle concentre 8% du volume d’affaires et 8% de la production de l’industrie manufacturière portugaise. Le secteur emploie 19% (128.600 personnes) des travailleurs de l’industrie de la fabrication dans le pays.
En 2022, les exportations du secteur dans le monde entier se sont chiffrées à 6,122 milliards d’euros (914 millions d’euros pour le linge de maison, 1,66 milliard d’euros pour les autres textiles et 3,548 milliards d’euros pour les vêtements). Un chiffre qui a augmenté de 13% par rapport à 2021 (avec 5,413 milliards d’euros) et de 17% par rapport à 2019 (5,215 milliards d’euros).
Les importations, pour leur part, ont progressé de 26% à 5,425 milliards d’euros en 2022. Avec 34% du total, l’Espagne est le principal fournisseur textile du Portugal, suivie de l’Italie (11%), de la Chine (9%), de l’Allemagne (7%), de l’Inde (6%) et de la France (6%).
Les principaux clients du textile portugais: l’Espagne, la France, l’Allemagne et les États-Unis
Les choses ont changé pour l’Espagne, un pays historiquement lié à la production textile portugaise. Le pays reste le principal client du Portugal avec 23% des exportations et 1,424 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2022, mais sa part de marché baisse au fil des années. En 2019, les importations espagnoles représentaient encore 1,598 milliard d’euros; depuis, elles ont baissé de 11%.
“Il y a quelque temps, l’Espagne représentait presque 40% de notre production pour l’étranger. Aujourd’hui, nous en sommes bien loin. Les grandes marques espagnoles vont continuer à fabriquer au Maroc et en Turquie, donc nous n’envisageons pas de forte croissance des exportations vers ce pays. C’est un marché plus dépendant de l’habillement que du linge de maison“, souligne Ana Paula Dinis. Les clients qui s’intéressent au Portugal ont maintenant un tout autre profil. En raison de la proximité et du volume de production, le géant espagnol Inditex reste pourtant l’un des principaux clients espagnols de l’industrie textile portugaise.
Le deuxième pays qui produit le plus au Portugal est la France, avec une part de marché de 15%. D’après les dernières données d’ATP, le volume de chiffre d’affaires représenté par les exportations vers la France a augmenté de 40% entre 2019 et 2022, pour se situer à 942 millions d’euros à la clôture de l’exercice précédent. Le marché allemand arrive en troisième position et concentre 9% des exportations textiles portugaises, pour un chiffre d’affaires 2022 de 539 millions d’euros. À part la France, les marchés qui ont le plus progressé au cours des deux dernières années sont les États-Unis (+40% avec 477 millions d’euros importés en 2022) et l’Italie (+39% avec 452 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022).
Les pays de l’Union Européenne concentrent 73% des exportations textiles portugaises, soit 4,488 milliards d’euros. Les pays extracommunautaires, quant à eux, représentent les 27% restants avec 1,633 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Des prix en augmentation et de nouvelles perspectives d’avenir
“Entre 2009 et 2019, tous nos indicateurs étaient en croissance et la situation du textile était très bonne jusqu’à la pandémie. Pour nous, la reprise a commencé en 2021 et les premiers mois de 2022 ont été très dynamiques. Le deuxième semestre a en revanche beaucoup pâti de l’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité“, regrette Ana Paula Dinis. Elle voit pourtant l’exercice en cours d’un œil optimiste: “Les pires mois sont derrière nous et la situation va s’améliorer.“
“L’inflation et la croissance de la valeur des produits que nous proposons ont entraîné une forte hausse des prix“, reconnaît la représentante d’ATP. Le chiffre d’affaires des exportations 2022 a augmenté de 13%, mais le volume exporté, lui, a réduit de 1% à 524.000 tonnes de textile. “Comme les exportations représentent une grande partie de notre production et que nous sommes un petit marché, la situation en Europe et aux États-Unis nous affecte beaucoup“, indique Ana Paula Dinis. Le contexte social, politique et économique des derniers mois s’est largement fait ressentir au Portugal.
Et qu’en est-il des autres pays de tradition textile ayant une importante industrie de production, comme la Turquie? Selon la dirigeante, la concurrence n’est pas directe et le marché n’est pas le même. “Au Portugal, nous sommes en train de nous préparer pour pouvoir proposer beaucoup de productions différentes en nous adaptant à des conditions variées. C’est l’un de nos meilleurs arguments concurrentiels, cela nous donne accès à de nombreux clients.“
Le président d’ATP, Mario Jorge Machado, souligne l’importance nouvelle de la protection de l’environnement: “Le Portugal est l’un des leaders de cette transformation. Il est l’un des principaux acteurs européens de la mode écoresponsable, avec une longueur d’avance dans le développement et la production industrielle. Le secteur textile portugais a déjà revu ses processus, ses techniques et ses technologies de production. De grands investissements ont été effectués pour renouveler le parc de machines, afin que le “made in Portugal“ puisse être plus durable et servir d’exemple à l’étranger.“
Les projets écoresponsables des quasi 500 membres de l’association se centrent principalement sur la réduction de la consommation d’eau, l’utilisation d’énergies renouvelables, la traçabilité, l’amélioration des processus de teinture, d’impression, de finition ou de recyclage.
Modtissimo, une fenêtre ouverte sur l’industrie portugaise
Le salon textile professionnel Modtissimo a eu lieu les 15 et 16 février derniers à l’espace Exponor de Matosinhos (Porto). Il s’agit de l’événement professionnel de ce genre le plus ancien de la Péninsule ibérique. Pour cette édition 60+1, le record de visites a été battu avec 5.163 participants. Environ 150 exposants ont présenté des tissus, accompagnés de 60 spécialistes de la manufacture et de la confection et d’environ 30 entreprises de services, comme Lectra et Messe Francfurt. Parmi les exposants, la plupart des entreprises étaient portugaises, comme Riopele Texteis, A. Sampaio et Malhas Madalena Beça. Mais plusieurs exposants turcs avaient aussi fait le déplacement.
504 acheteurs étrangers étaient au rendez-vous, venus d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Espagne et d’Autriche, témoignant de l’accélération de l’ouverture du marché textile portugais à l’étranger. Satisfait des résultats et des retours de l’événement après la pandémie, le directeur général d’Associação Selectiva Moda et responsable de l’organisation du salon, Manuel Serrão, a tenu à souligner “la qualité des contacts établis“ et “la bonne réception de notre initiative d’internationalisation, qui participe au développement de l’industrie“.
La prochaine édition de l’événement aura lieu au même endroit les 13 et 14 septembre.
Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com
