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1 déc. 2020
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Décalage ou maintien: la date des soldes d’hiver fait à nouveau débat

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1 déc. 2020

A l’issue du premier confinement, décision avait été prise de reporter de trois semaines le début des soldes d’été. Rebelote en cette fin d’année: des discussions ont été entamées pour évaluer la pertinence (ou non) de décaler la période de rabais hivernale qui s’annonce. Vendredi dernier, les différentes instances représentatives des commerçants ont été réunies autour de la table à Bercy pour en discuter. Mais alors que ces acteurs viennent de faire front commun pour réclamer la réouverture des boutiques, grands réseaux et petits commerçants se divisent à nouveau sur cette question des soldes.


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"Nous sommes ouverts à l’idée de déplacer la date des soldes, mais à condition que cela corresponde à un réel besoin. Donc cela va dépendre de ce mois de décembre: si les stocks diminuent, c’est bien d’avoir un support de soldes dès début janvier; si en revanche on voit qu’on a besoin d’un peu plus de temps, peut-être faudra-t-il les décaler", a commenté le week-end dernier la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher au micro de CNews, insistant sur la concertation en cours avec les fédérations.

Prévue pour débuter le 6 janvier prochain (et se terminer le 2 février), cette période de promotions doit être maintenue selon la fédération Procos, et l’Alliance du commerce, qui réunissent des enseignes spécialisées. A l’inverse, certains représentants des commerçants indépendants, comme par exemple la FNH (Fédération nationale de l’habillement), se prononcent eux pour un report au 27 janvier.

Ecouler à tout prix les stocks exceptionnellement élevés à cause de la fermeture administrative des magasins



"Pour assurer la reconstitution de la trésorerie, cela passe par le maintien d'un début des soldes au 6 janvier", appuie Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, qui ajoute que dans l’hypothèse d’un report, "il ne faut pas aller au-delà du 13 janvier. Sinon, le risque de problèmes sérieux en trésorerie chez les petits commerçants et les réseaux sera important car il n'y a pas eu de chiffre d'affaires en novembre et la probabilité est forte que les ventes de décembre soient fortement impactées. Le week-end dernier, par exemple, le chiffre d’affaires des magasins (panel Procos) se situe en baisse de -20 à -25% dans les centres-villes et centres commerciaux".
 
L’Alliance du commerce renchérit: "Le maintien des dates de soldes d’hiver est décisif puisqu’il permettra notamment aux enseignes d’assurer l’écoulement des stocks de la collection automne-hiver 2021. Ces stocks sont actuellement à un niveau exceptionnellement élevé du fait de la fermeture des commerces non alimentaires depuis le 30 octobre". La fédération rappelle que les soldes représentent "une période essentielle pour les entreprises du secteur de la mode": le mois de janvier contribue à hauteur de plus de 10% au chiffre d’affaires annuel, et le mois de février à environ 8%.

Le report des soldes d’été (du 15 juillet au 11 août 2020) n’a pas été propice pour les adhérents de l’Alliance du commerce, qui souligne qu’à période comparable, leur activité a reculé de 21% sur ces quatre semaines par rapport aux soldes de l’été 2019.

Plus offensif encore, le CNCC (Conseil national des centres commerciaux) souhaiterait même avancer le coup d'envoi des soldes le 2 janvier. "En démarrant à cette date, les commerces bénéficieraient notamment d'un week-end de consommation supplémentaire." Cela rejoint la proposition du CNCC, et ce depuis plusieurs années, d’un Boxing Day à la française (en Angleterre, cette journée est synonyme d’un véritable tourisme de consommation) qui contribuerait également à une équité de concurrence pour le commerce physique. En effet, les acteurs du commerce digital proposent des promotions dès le 26 décembre", argumente le CNCC.

Faire du volume ou faire de la marge, une opposition de conception entre grandes enseignes et petits commerçants



La position des réseaux et pôles commerciaux tranche avec celle des petits commerçants, puisque ces derniers ont pour certains pu sauver les meubles cet été grâce au report des soldes, bénéficiant d’un laps de temps plus important pour écouler leur marchandise sans rabais.

"En fait, ce sont deux conceptions du commerce qui s'opposent. Pour ces grandes structures, l'objectif est de faire du volume. Nous c'est de faire la marge", avance Eric Mertz, président de la Fédération nationale de l'habillement, qui regrette de ne pas avoir été convié à la dernière réunion.

"Nous avons la chance d'être plus agile, mais eux ont des stocks importants et une nécessité absolue de trésorerie. Mais nous nous avons encore la capacité de renforcer notre taux de marge, sauf que pour cela, il ne faudrait pas qu'il y ait une surenchère promotionnelle. Mais cela n'est pas le plus important. L'enjeu, avec un déconfinement au 15 décembre, c'est de réduire le risque de troisième vague et de troisième confinement. Ce n'est pas agir en responsabilité que d'avoir une concentration massive de personnes avec des soldes le 6 janvier et, donc, des ventes privées dès le 26 décembre, alors que les restaurants doivent rouvrir le 20 janvier. Je me mets du côté du président de la République, du Premier ministre, et du ministre de la Santé qui nous expliquent qu’il faut être prudent. Donnons nous trois semaines. Et en plus, avec un début le 27 janvier, cela nous permettra de préserver notre marge mais aussi l’amont de la filière."

Un sondage sur le sujet des nouveaux calendriers de la mode, paru en septembre et interrogeant divers acteurs du secteur de l’habillement, stipulait en outre que 83,4% des répondants souhaitent voir les dates de soldes d’hiver décalées, dont 49,3% d'entre eux opteraient pour un décalage de 3 à 4 semaines.

Soldes d'été et soldes d'hiver, pas la même affaire



Les commerçants indépendants ne sont parfois pas les seuls à souhaiter que cette période puisse être repoussée. L’enseigne Promod est par exemple favorable à cette option: "Un report fin janvier nous permettrait de continuer à vendre nos produits d’hiver plus longtemps à taux plein, au moment où il fait froid. Le contexte n’est pas le même que durant les vacances d’été, où les consommateurs étaient pour beaucoup partis en vacances lors du report de la période de soldes", affirme Julien Pollet, le PDG de la chaîne de mode nordiste.

A noter que certains organes représentatifs ne communiquent pas de position arrêtée, faute de consensus. Leurs membres ayant des visions différentes sur l’éventuel report des soldes. Un élément se dégage cependant, éviter de placer la date de coup d'envoi en même temps que celle de la réouverture des restaurants. Le débat est donc loin d’être clos.

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