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30 mars 2004
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Cure de jouvence pour Jean d'Estrées

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30 mars 2004

Nathalie Rattier, pouvez-vous nous faire un petit historique de la marque Jean d’Estrées ? La marque a longtemps appartenu à l’Oréal puis à Perma. En 1995, l’entrepreneur Philippe Lesieur, l’a rachetée. En 8 ans, cet homme a restructuré l’entreprise, en a consolidé la gestion et l’a rentabilisée. Il en a fait une marque tout à fait saine. En 2002, il a cédé le contrôle au belge Cofintra et a pris en charge Garraud (ex-Wella), une autre marque du groupe. M. Lesieur m’a alors demandé de prendre sa relève chez Jean d’Estrée. Quel est votre parcours professionnel ? Je suis diplômée de l’ESCP. J’ai travaillé 10 ans chez l’Oréal où j’ai participé au développement de Kerastase et de Vichy. J’ai ensuite travaillé pour le parfumeur Annick Goutal. Puis, je me suis chargée pour le groupe Shiseido du lancement de la marque Serge Lutens. Vous êtes arrivée en décembre 2002, quel bilan pouvez-vous faire de ces deux dernières années ? Lorsque nous sommes arrivées, Catherine Brient, directrice marketing, et moi-même, nous nous sommes vite aperçues que la marque était relativement méconnue et vieillissante en terme d’image. Elle était associée à la génération de nos mères. Pourtant, elle fonctionnait bien et son chiffre d’affaire évoluait régulièrement. La société nous paraissait très bien structurée, les produits étaient remarquables et les clientes fidèles. Etant donné ces bases excellentes, nous avons compris qu’il ne manquait plus qu’une étincelle pour faire décoller la marque. Pour l’instant nous avons amorcé le relooking et lancé de nouveaux produits. Nous entrons aujourd’hui dans la phase opérationnelle. L’année prochaine, une fois que nous aurons transformé l’image des soins du visage, nous nous attaquerons aux soins pour le corps, aux crèmes solaires et à la ligne maquillage. Nous projetons également de lancer une ligne Spa. Avez-vous l’intention de travailler la ligne Homme ? Non, la ligne homme a deux ans et fonctionne assez bien. Elle ne constitue pas aujourd’hui notre priorité. Son packaging est déjà très beau. Nous sommes davantage concentrés sur le reste de la ligne. Notre priorité est de renforcer la marque en reconstruisant, dans un premier temps son image et les relations publiques. Quels sont les nouveaux produits phares ? La crème 3-D RIDES, lancée en septembre dernier connaît un succès fulgurant aussi bien en France qu’à l’export. La nouvelle ligne des gestes essentiels fonctionne également très bien. Elle est déclinée en 3 couleurs : verte pour les basiques, bleue pour les peaux déshydratées et nous lançons aujourd’hui la ligne rose des peaux grasses. En janvier dernier nous avons constaté que le panier moyen de notre clientèle était en hausse de 45% par rapport à l’année dernière. Dans quels pays vos produits sont-ils vendus ? Notre plus gros marché à l’export est le Canada. Nous y sommes vendus en pharmacie. Depuis 15 ans, nous travaillons avec le réseau drugstore-pharmacie le plus fort du pays. En Asie, nous sommes présents au Japon, à Taiwan, en Corée, à HongKong, en Malaisie et nous nous attaquons aujourd’hui à la Chine. En Europe, il nous reste beaucoup de travail puisque nous ne sommes distribués que dans 3 pays hors France : le Portugal, l’Espagne et la Belgique. Il nous manque l’Italie, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre. Nous essayons de développer ces marchés. Pensez-vous que la Chine va devenir la « poule aux œufs d’or » ? C’est un énorme marché ! Nous avons déjà un distributeur là-bas en qui nous avons confiance. Nous commençons par HongKong qui nous propulsera en Chine. Pour l’instant, nous traversons la phase très lente qui consiste à enregistrer les produits et les certificats. Puis, nous nous attaquerons aux grosses villes : Canton, Shanghai et Pékin. La Chine est un marché très concentré sur les villes. Pour le moment, nous sommes complètement dans l’expectative. Nous faisons confiance à notre distributeur et nous verrons bien comment cela se passera. Nous avons tout de même beaucoup d’espoirs. Avez-vous des produits spécifiques aux marchés où vous êtes présents ? Pour l’Asie, nous avons formulé une ligne blanchissante. La ligne des peaux grasses fonctionne également très bien là-bas et très peu en France. Avez-vous particulièrement souffert de la crise économique en 2003 ? L’année dernière nous avons principalement souffert en Asie. Nous avons fait moins 70% en Corée et moins 50% à Taiwan. Les problèmes économiques ainsi que le SRAS ont eu des conséquences catastrophiques. D’autant plus que tout en observant cette chute en Asie, nous avons dû maintenir les investissements marketing puisque nous étions en plein lancement. En France, cependant, nous avons atteint notre chiffre. Maintenant, la situation repart et nous sommes déjà au-dessus de nos objectifs. Combien de salariés compte la société ? Au total nous sommes 12 au siège et nous avons 7 représentants sur la route. Notre particularité et notre chance est que nous avons, en interne, notre propre laboratoire et une personne qui s’occupe de créer nos formules. C’est un atout remarquable. Nous pouvons lui demander de réaliser tel ou tel produit très spécifique. C’est une chance immense qui nous permet d’aller aussi loin que les grands laboratoires et de personnaliser nos produits. Nous mettons 2 à 3 mois pour développer une formule alors qu’il faut 2 ans chez l’Oréal. Vous avez lancé la marque Serge Lutens. Vous relancez aujourd’hui Jean d’Estrées. Est-ce le challenge qui vous motive ? Oui, tout à fait, même si ces deux expériences sont très différentes. Lorsque le groupe Shiseido est venu me chercher chez Annick Goutal, la marque Serge Lutens n’existait pas. Il cherchait quelqu’un pour prendre en charge le développement, monter la structure et enfin lancer une ligne de parfum au nom de Serge Lutens. Je suis ainsi partie de zéro pour assister au lancement deux ans après. Avec Jean d’Estrées, c'est une aventure différente qui m’amuse énormément. C’est également un travail très gratifiant. J’aime quand ça bouge. Quelle sont les qualités nécessaires pour lancer ou relancer une marque ? La volonté il me semble, la persuasion, et le sens de l’esthétique. Il faut également posséder un bon sens du relationnel et bien s’entendre avec les gens avec lesquels on travaille. C’est essentiel. Il faut non seulement avoir la confiance des actionnaires et du PDG mais aussi celle de la force de vente. Lorsque toutes ces choses là se mettent en place, ça fonctionne. Comment les salariés de la société ont-ils réagi à votre arrivée ? Je suis arrivée en décembre 2002. Notre premier séminaire a eu lieu en janvier 2003. Nous leur avons expliqué rapidement qu’il y allait avoir du changement. Ils ont vite compris et nous ont suivis. Ils n’attendaient finalement que ça. Notre force de vente est formidable, elle travaille très bien et croit beaucoup en notre produit. Ils attendaient impatiemment que l’on donne un coup de jeune à la marque et qu’elle soit enfin à la place où elle mérite d’être. Lorsque nous sommes arrivées toutes les deux, ils étaient ravis et ils le sont toujours aujourd’hui. Cela se voit dans les résultats. En fin de compte, ce n’est pas très compliqué mais ça demande beaucoup d’énergie, de dynamisme et d’envie. Peut-on imaginer que dans deux ou trois ans, après avoir mis la marque sur des rails solides, vous repartiez vers de nouveaux horizons ? Il reste, à mon avis, encore beaucoup de choses à faire avant que j’estime mon travail fini. Il nous faudra encore 3 ans pour reconstruire la marque. Nous avons également un autre projet totalement confidentiel qui verra le jour l’année prochaine et qui nous occupera encore pas mal de temps. Quand nous aurons lancé la ligne spa et reconstruit la marque, je souhaiterais que l’on attaque vraiment les hôtels et les Spas. Avant que cette ligne atteigne les ambitions que j’ai pour elle, c’est à dire devenir une référence glamour et luxe des instituts et des Spas, nous avons le temps. Je ne suis pas prête de me dire que j’ai fait le tour. Je n’ai jamais fonctionné à long terme. Je ne m’imagine pas une seconde demain en dehors de l’équipe. Pour le moment je suis là et bien là. Prévoyez-vous uniquement de lancer une ligne de produits spécifiques aux Spas ou encore de lancer des instituts Spas Jean d’Estrées ? Nous réfléchissons encore sur cette question. Nous lançons une ligne de produits Spas l’année prochaine et nous essayerons probablement d’aller plus loin. Notre premier objectif est d’entrer dans des hôtels avec la ligne que nous sommes en train de relooker. Ce sera probablement plus facile l’année prochaine lorsque nous aurons déjà relancé la ligne corps, et que l’on parlera de nous de plus en plus. Proposez-vous des techniques de soin pour accompagner les produits? Oui, nous enseignons aux esthéticiennes toute une série de méthodes. La partie conseil et méthodes est le cheval de bataille de la marque, dans le sens où l’institut est un lieu où les femmes viennent prendre soin d’elles. Elles n’entrent pas pour acheter un produit mais plutôt pour faire un soin. Grâce à nos méthodes nous apportons de vrais résultats immédiats. Notre force repose sur une formule active et sur l’accompagnement qui, liés, permettent d’obtenir de vrais résultats. La cabine permet de fidéliser notre clientèle qui profite pleinement de la qualité de nos produits. Il y a un vrai rituel. L’esthéticienne prend soin de la cliente, lui explique l’histoire de la marque et lui fait découvrir le produit. Ensuite, la cliente a la possibilité de se procurer le produit qu’elle a découvert en institut. Propos recueillis par Sonia Chevalier.

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