Publié le
10 janv. 2023
Temps de lecture
5 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Coup d'envoi des soldes d'hiver, avec le pouvoir d'achat en guise d'arbitre

Publié le
10 janv. 2023

Du 11 janvier au 7 février 2023 se déroulent les soldes d'hiver en France. Une rengaine commerciale qui a perdu de son attractivité, mais demeure toujours "un moment important pour le commerce, même si l'impact est évidemment plus faible depuis quelques années avec la montée en puissance des périodes de promotion (Black Friday, ventes privées…)", introduit Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, qui fédère plus de 300 enseignes du commerce spécialisé (mode, beauté, sport, déco, jouet…).


Shutterstock


Si les soldes sont moins attendus que par le passé, cela résulte de trois facteurs majeurs, selon Yann Rivoallan, le président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin: "Les soldes sont perçus comme une opération promotionnelle supplémentaire dans un flot d'événements. Ensuite, il y a une évolution structurelle du marché avec des acteurs de l'ultra fast-fashion qui sont en permanence, au quotidien, en train de travailler sur la régulation de leurs prix et de leurs stocks. Enfin, de l'autre côté du prisme, il y a des marques de plus en plus durables qui ont de meilleures gestions de leurs marges et sont concentrées sur leur évolution responsable et leur transformation numérique."

Un mois de décembre dynamique pour les enseignes

Quel accueil des consommateurs pour ces quatre semaines de prix barrés? "Après un mauvais mois d'octobre et un mois de novembre passable, les ventes des enseignes de mode ont affiché en décembre une hausse moyenne d'activité de 10% par rapport à l'avant-crise. Nous espérons que cette bonne dynamique va se poursuivre en janvier et durant les soldes", souhaite Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce, qui réunit 760 enseignes de mode et réseaux de grands magasins, ajoutant que les premiers jours de 2023 montrent de bons niveaux de ventes.

Emmanuel Le Roch se dit aussi rassuré par des ventes "pas si mauvaises" durant les fêtes de fin d'année pour le commerce spécialisé, montrant "qu'une partie des gens n'a pas arrêté de consommer".

Gildas Minvielle, qui dirige l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode (IFM) est plus réservé: "En 2022, nous nous interrogions sur le fait que, dans un contexte inflationniste, les périodes de soldes allaient bénéficier d'un effet d'aubaine. Nous n'avons pas observé cela. Aussi, nous ne nous attendons pas à ce que cette période soit très dynamique, d'autant que l'inflation est très installée et que la période est difficile pour de nombreux ménages modestes qui sont dépendants des budgets dédiés à l'alimentation".

74% des Français ont le sentiment de réaliser de bonnes affaires grâce aux promotions



De fait, 80% des Français pensent que leur pouvoir d’achat va se dégrader en 2023 par rapport à 2022, alors que 34% n'arrivent pas boucler leurs fins de mois (soit 3 points de plus qu'en août 2022), selon un sondage OpinionWay réalisé en décembre 2022 pour Bonial. Pour 74% des consommateurs tricolores, les promotions leur donnent néanmoins le sentiment de réaliser des bonnes affaires (+4 points comparé à 2022).

Quels niveaux de stocks?



Du côté des enseignes, les situations sont diverses: "Certaines ont beaucoup de stock à écouler, et d'autres en ont peu car elles ont décidé de moins acheter en amont, dans l'optique de faire moins de volume mais plus de marge", observe Emmanuel Le Roch (Procos), qui note par ailleurs que leur état d'esprit est tout de même assez inquiet face aux problèmes du coût de l'énergie et des arbitrages effectués par les clients.

De nombreuses marques "ont réduit la voilure de leurs collections et leurs approvisionnements car elles sont conscientes d'un marché peu porteur", livre pour sa part Gildas Minvielle. L'Observatoire de l'IFM a analysé que la mode homme s'est mieux comportée que le féminin ces dernières semaines. "Les acteurs du prêt-à-porter femme disposent probablement de plus de stock après Noël", indique-t-il.


Shutterstock


Les commerçants indépendants pessimistes



Les détaillants multimarques affichent quant à eux leurs doutes et inquiétudes. 69% des 300 commerçants sondés en décembre par la Fédération nationale de l'Habillement prédisent que la fréquentation de leur boutique pendant les soldes sera inférieure à l'an dernier. 32% pensent qu'ils arrivent trop tôt, et 50% souhaitent que le rythme soit modifié. "Pour redonner du sens aux soldes, il faudrait les décaler plus tard dans la saison", appuie Florence Bonnet-Touré, secrétaire générale de la FNH (Fédération nationale de l'habillement). 15% des détaillants interrogés se prononcent même pour la suppression totale de cette période de promotions.

Peu confiants sur l'année qui débute, certains indépendants envisagent même 2023 comme celle qui pourrait signer la fin de leur activité: selon l'étude, 34% d'entre eux s'avèrent très inquiets quant à la pérennité de leur entreprise cette année.

Des ventes privées offensives



Les taux de démarques qui vont être pratiqués sont difficilement prédictibles, mais ils pourraient être très importants. Les ventes privées, qui ont démarré pour certaines au lendemain de Noël, affichent déjà de sérieux rabais avant même le début des soldes. Un petit tour sur divers sites marchands montre que le Printemps, Le Slip Français ou Zadig & Voltaire ont pratiqué en ventes privées des ristournes maximales de -40%, et même jusqu'à -50% chez Pimkie, Chevignon, Celio, Ba&sh, Cache Cache ou American Vintage.

Le fait que beaucoup de distributeurs aient commencé leurs opérations bien avant les soldes "n’est pas bon signe", pour Gildas Minvielle, "car tout le monde est conscient que cela brouille les repères des consommateurs et que ceux-ci peinent à retrouver la valeur réelle des vêtements". Ce réflexe de vouloir dynamiser les ventes par la promotion "n'est pas surprenant" après une année 2022 décevante, avec des ventes de textile-habillement en chute de 6,6% de janvier à novembre, par rapport à la même période avant-crise, en 2019 (même s'il s'agit d'une hausse de 3,1% comparé à 2021).

Au-delà des ventes privées et des soldes, "il ne faut pas oublier que les acteurs du déstockage sont nombreux et importants", rappelle Gildas Minvielle, citant Noz, qui a racheté le stock de Camaïeu, mais aussi les Stokomani, VeePee et autres Showroomprivé. "Cela représente beaucoup de volumes de vêtements étiquetés à prix barrés toute l’année".

Un démarrage timide dans les départements lorrains



Avant le coup d'envoi national ce mardi, les soldes d'hiver ont déjà débuté depuis plus d'une semaine dans l'ancienne région Lorraine (départements de la Moselle, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et les Vosges), en raison de la proximité avec le Luxembourg. L'Est Républicain décrit "un démarrage en douceur" à Verdun, Le Républicain Lorrain signale que les soldes "ont débuté timidement" et sous la pluie à Metz, tandis que Vosges Matin fait état d'"un public peu présent pour le premier jour" à Epinal le 2 janvier.

Pour les semaines et mois à venir, le secteur de la distribution mode "espère que le climat social sera le plus apaisé possible", évoque Yohann Petiot, et que la confiance à consommer ne s'émousse pas davantage.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com