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24 sept. 2020
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Comment Eram se convertit à la seconde main, vêtements compris

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24 sept. 2020

Chiner un jean rétro chez Eram est désormais possible. Après Kiabi, Gémo, Jacadi… C'est au tour d'une nouvelle enseigne tricolore de dévoiler en cette rentrée ses projets en matière de seconde main. Depuis peu, le chausseur Eram teste plusieurs dispositifs proposant la vente de mode d'occasion en magasin, tant côté chaussure que prêt-à-porter vintage, et prépare l'arrivée d'un site web dédié aux souliers de seconde main. Explications.


Ambiance friperie chez Eram, boulevard Sébastopol à Paris. - Eram


Murs repeints en vert olive, enseignes néon, avions accrochés au plafond… Depuis deux semaines, un premier "corner vintage" a élu domicile dans la boutique du boulevard Sébastopol à Paris : 30 de ses 200 mètres carrés accueillent du denim Levi's de seconde main, des crop tops nineties, des sweats siglés Adidas ou encore des chemises Ralph Lauren, étiquetés à partir de 9 euros.

"Les codes visuels sont forts, il fallait marquer la différence avec notre espace de vente classique de chaussures, et jouer jusqu'au bout le côté friperie, expose François Aspe, codirecteur de la marque Eram (en charge du digital et du marketing) depuis le départ fin 2019 du PDG François Feijoo. Nous avons pour cela décidé de faire appel au groupe Eureka, propriétaire des réseaux Kilo Shop et Hippy Market. Cette entreprise est en lien avec des trieurs collaborant avec Le Relais ou Emmaüs notamment. Elle sélectionne pour nous les pièces et fait le point chaque semaine sur le réapprovisionnement à prévoir. Nous leur rétrocédons ensuite une commission sur les ventes effectuées dans le corner vintage". Pour une expérience d'achat fluide, la caisse est la même pour les souliers neufs que pour les vêtements de seconde main. Réclamée par les premiers clients du corner, une cabine d'essayage va faire son arrivée dans les jours à venir.

Mais pourquoi se tourner vers l'habillement, qui n'est pas le cœur de métier d'Eram ? "La mode vintage est une vraie tendance de fond, et nous sommes en quête de pistes de diversification : ce qui nous guide, c'est d'identifier les services qui peuvent plaire à nos clients. D'autre part, le vêtement est un secteur adjacent à la chaussure, donc c'est assez naturel. S'adosser à un spécialiste nous donne de la légitimité sur ce segment". Pour l'instant uniquement disponible dans cette boutique parisienne, le corner vintage pourrait faire des petits dans quelques magasins test, en province et sur des surfaces plus petites, avant un développement plus massif si le succès est au rendez-vous, de l'ordre d'une trentaine d'adresses sur les 200 unités que compte aujourd'hui le réseau.

Aux petits soins pour les souliers d'occasion



En parallèle de cette initiative de mode vintage, Eram développe aussi la vente de chaussures de seconde main dans ses murs, mais il s'agit bien d'un projet distinct. Ainsi depuis quelques jours, dans trois magasins, il est possible pour un client de venir déposer et mettre en vente une paire d'occasion, ou d'en acheter une. "Eram n'intervient pas seulement comme un intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur de chaussures de seconde main : l'idée est d'apporter un service et une valeur ajoutée, en tant qu'enseigne facilitant le quotidien. A savoir de nettoyer, hygiéniser, redonner de la souplesse, cirer et imperméabiliser ces chaussures d'occasion avant leur mise en vente dans la boutique".

Une remise en forme de la paire qui s'effectue en magasin, devant les clients, autour d'un meuble façon "mini-cordonnerie" (photo ci-dessous). Une façon pour la marque de créer de l'animation et de souligner son savoir-faire. Et Eram drague large, car les souliers émanant de toutes marques, pourvu qu'ils soient en bon état, sont acceptés. A terme, 40 à 50 boutiques du réseau pourraient proposer ce service. La rémunération du vendeur peut s'effectuer en cash, ou par l'octroi d'un bon d'achat abondé de 30% par rapport au prix de vente de la paire, fixé conjointement entre le particulier et le conseiller de vente.


L'espace alloué à la seconde main dans le magasin nantais, avec le chariot dédié à la remise en état. - Eram


"Ce déploiement se complète par le lancement d'ici la fin de l'année d'une plateforme web consacrée aux chaussures d'occasion. Nous voulons nous imposer comme référent de la seconde main sur notre secteur", annonce François Aspe, qui a travaillé chez Google durant cinq ans avant de rejoindre le groupe Eram en 2015, comme directeur e-commerce et CRM d'Eram. Au sein du groupe, il cumule également aujourd'hui la fonction de directeur digital du pôle marques de centre-ville (Eram, Bocage, Mellow Yellow).

Depuis début 2020, une nouvelle direction "à trois têtes" propulse ainsi de nouveaux projets pour Eram, sous l'œil de Luc Biotteau, dirigeant et membre de la famille fondatrice du groupe. François Aspe, Antony Bâcle et Geoffroy Libaudière ont ainsi revu la plateforme de marque d'Eram, avec l'ambition "de faire revenir des gens qui n'étaient pas entrés chez Eram depuis longtemps. Les consommateurs changent, demandent davantage de services et s'engagent vers des achats plus responsables. C'est ce que l'on souhaite embrasser en ne se focalisant pas que sur la démarche transactionnelle".  

Optimisation des stocks et du réseau



Autre chantier interne, celui de l'amélioration de l'expérience opérationnelle. "Nous devons diminuer les irritants auxquels les vendeurs peuvent faire face. De nombreuses formations vont être lancées, et nous travaillons aussi à l'optimisation des approvisionnements". Le 'ship from store' (soit la livraison depuis le stock magasin) est en mode test dans une trentaine de boutiques à l'heure actuelle, en partenariat avec le spécialiste One Stock.

Eram, évoluant dans un groupe qui a mené l'an dernier un PSE occasionnant la suppression de 96 magasins (Heyraud et Texto) et de 274 postes, a effectué ces derniers temps plusieurs fermetures de magasins au fil de l'eau. "Nous avons parfois dû quitter des centres-villes en perte de vitesse, mais également relocalisé des adresses en centre commercial ou en retail park". De nouvelles formules émergent, à l'instar du bi-store imaginé en partenariat avec son enseigne sœur Bocage, plus haut de gamme. "Sept magasins communs existent aujourd'hui, et nous permettent de repositionner Eram sur des emplacements plus passants", explique François Aspe, qui indique d'autre part que le mois d'août fut bon pour l'enseigne, mais qu'elle n'a toujours pas retrouvé sa fréquentation habituelle. Avec ces projets lancés tous azimuts pour opérer la transformation d'Eram, il se montre confiant, malgré un secteur du retail particulièrement en souffrance.

Rappelons en effet qu'en cinq ans, le marché annuel de la chaussure de ville a sensiblement régressé dans l'Hexagone, de l'ordre de -19 % chez la femme (à 2,5 milliards d'euros actuellement), et de -14 % pour l'homme (1,2 milliard), rapporte Kantar. Eram saura-t-elle tout de même tirer son épingle du jeu ?

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