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Marguerite Capelle
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1 mars 2023
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Christian Dior: style existentialiste

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Marguerite Capelle
Publié le
1 mars 2023

Retour aux 1950’s chez Christian Dior, et style existentialiste revisité pour une nouvelle collection présentée ce jeudi à Paris, à l’occasion d’un défilé qui a dévoilé une garde-robe féminine aussi brillante que moderne.

La directrice de la création Dior, Maria Grazia Chiuri, s’inspire de trois icônes françaises: Catherine Dior, Edith Piaf et Juliette Greco. Chacune représente une facette différente de Paris, la ville que Dior incarne de fait plus que toute autre marque au monde.


Christian Dior - Automne-Hiver 2023 - 2024 - Prêt-à-porter féminin - France - Paris - © ImaxTree

 
La créatrice a fait défiler son casting géant de 96 tops au milieu d’une installation psychédélique, œuvre monumentale de l’artiste portugaise Joana Vasconcelos. Cette remarquable série de sphères, boules et autres gouttes organiques aux proportions massives, toutes recouvertes de tissus, cristaux, perles et plumes occupait un immense chapiteau Dior, érigé au-dessus de la plus grande fontaine du Jardin des Tuileries.

Cette collection automne-hiver 2023 est une impressionnante démonstration d’élégance – pour l’essentiel, en noir. Rien de surprenant, puisque les deux chanteuses préféraient les petites robes noires, que ce soit Piaf avec son classicisme de salle de concert, ou Greco et son aura de club existentialiste pour noctambules.

Mais il y avait aussi de spectaculaires nouveaux imprimés floraux mouchetés, hommages à Catherine Dior, l’incroyable petite sœur du fondateur. Courageuse résistante, Catherine cultivait et vendait des roses, une forme de beauté après les horreurs de la seconde guerre mondiale.

Curieusement, en pénétrant dans ce décor massif, un néophyte aurait presque pu prendre Dior pour une marque espagnole… car la moitié des spectateurs arborait la collection croisière sévillane de Maria Grazia, dur pur chic andalous. Vestes en cuir perforé, pantalons jodhpurs, bombes d’équitation et bottines – on s’attendait presque à les voir débarquer sur leur cheval blanc.

Aucune maison actuelle n’a un public plus fidèle que les aficionados de Dior. Des centaines de clients VIP du monde entier, en Dior de pied en cap, se pressaient sur les huit rangs installés pour le défilé. Au premier, les paparazzi jouaient des coudes et mitraillaient frénétiquement les actrices comme Charlize Theron ou Maisie Williams.

Pas étonnant que Bernard Arnault, patron de Dior et d’après les estimations actuelles, homme le plus riche du monde, emploie deux rugbymen costauds comme gardes du corps.

Mais le cœur de l’action, c’était le podium, où Maria Grazia dévoilait ses premiers looks en noir et blanc, jupes et robes mi-mollet plissées, cintrées par des ceintures fines et portées avec des gants en cuir d’agneau montant jusqu’aux coudes.


Christian Dior - Automne-Hiver 2023 - 2024 - Prêt-à-porter féminin - France - Paris - © ImaxTree

 
"Je pense que ces trois femmes exprimaient différents aspects de la France, et de Paris, assurément. Une indépendance, le désir de maîtriser son destin, la détermination pour briser les stéréotypes qui s’imposaient encore aux femmes de l’après-guerre", expliquait Maria Grazia, lors d’une interview avec les rédacteurs de mode italophones, avant le défilé.

Toutes trois ont mené des existences remarquables, mais marquées par la tragédie. Greco comme Dior ont connu les camps de concentration pendant la guerre. De retour à Paris, Juliette Greco, sans le sou, fut contrainte d’emprunter des tenues de garçons, et inventa ainsi le style Saint-Germain. Il est évoqué dans ce défilé par des chemises d’homme en popeline blanche, de longues redingotes masculines en cuir, ou ces blousons de cuir vernissé et froissé avec col en maille, sur jupe Corolle évasée.

Catherine en revanche, Parisienne de la Rive Droite qui partageait un appartement avec son frère, rue Royale, et finit par vendre des fleurs rue Montorgueil – toujours une excellente adresse pour les commerces de bouche – marque de son empreinte une série d’imprimés époustouflants. Alors que la saison est marquée par les motifs tavelés, ceux de Dior sont de loin les plus beaux, revisitant ingénieusement les floraux iconiques de Monsieur Dior en tissant de fil métallisé un tissu moucheté, pour un effet malléable qui brouille les contours, et produit un effet abstrait.

Maria Grazia Chiuri a ensuite associé ces superbes robes imprimées à des pulls écossais en mohair, des cardigans longs et des pardessus forme trapèze, inspirés du fameux manteau "Aventure" de Monsieur. Tout était très frais, accrocheur et facile à porter.

Edith Piaf, comme Juliette Greco, fut un personnage phare de la chanson française, qui allie musique traditionnelle et textes littéraires. Son penchant pour les robes noires toutes simples et les petits carreaux transparaissait dans beaucoup de looks dès le début du défilé, et nourrissait l’esprit d’indépendance combattive qui imprégnait globalement ce défilé.

Un décor résolument contemporain



"J’étais fascinée par l’idée des 1950’s, toutes les visions différentes qu’on peut en avoir. Je l’associe au cinéma américain, à Doris Day. Mais pour les femmes de cette époque, comme ma mère, les 1950’s, c’était Paris, Piaf, Greco et leur style. Même dans Diamants sur canapé, Audrey Hepburn voulait s’habiller à la française", explique la créatrice.

Le décor, en revanche, était résolument contemporain, et le résultat d’un échange entre Maria Grazzia Chiuri et Joana Vasconcelos. Soit l’une des installations les plus monumentales de l’histoire de la mode, dans laquelle l’artiste a mis en scène la sœur du fondateur en Valkyrie Miss Dior.

Première femme a avoir exposé au Château de Versailles, participante à la Biennale de Venise de 2005, et mise à l’honneur lors d’une rétrospective personnelle au Guggenheim de Bilbao, Joana Vasconcelos est une force créative de premier plan.


Christian Dior - Automne-Hiver 2023 - 2024 - Prêt-à-porter féminin - France - Paris - © ImaxTree


Elle célèbre Miss Dior en Valkyrie, une déesse nordique, avec une série d’îles de la Baltique réalisées en tissus mouchetés, inspirés des archives maison. Malheureusement, cela ne faisait qu’affaiblir l’évènement, dont l’énergie se dispersait à mesure que les tops se perdaient dans cet espace immense. Le défilé en tant que tel n’a donc jamais vraiment décollé, même quand la plus célèbre chanson de Piaf, Non, Je Ne Regrette Rien a retenti dans les enceintes.

Mais en matière de garde-robe existentialiste chic aussi belle que facile à porter, cette collection restera sûrement imbattable !
 

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