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Paul Kaplan
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29 sept. 2019
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Chez Balenciaga, "power dressing" et uniformes annoncent un avenir inquiétant

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Paul Kaplan
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29 sept. 2019

De nos jours, peu de marques ont autant d'influence sur le monde de la mode que Balenciaga. La vénérable maison parisienne occupe le devant de la scène grâce à la vision de son directeur artistique, le Géorgien Demna Gvasalia.

Balenciaga - Spring-Summer2020 - Womenswear - Paris - © PixelFormula


Sa vision sombre, dystopique, turbulente, presque dangereuse, s'exprimait à nouveau dans la collection et le défilé mémorables qu'il a orchestrés dimanche à Paris.

Par un matin humide, Demna Gvasalia a une fois de plus convié son public à la Cité du Cinéma, dans un quartier industriel au nord de Paris. Les invités ont découvert un gigantesque espace entièrement bleu, à mi-chemin entre la boîte de nuit et la cathédrale, lacéré de podiums entrelacés. L'énorme cabine de mannequins — 91 silhouettes — arpentait cet univers surréaliste sur une bande-son sombre, industrielle et symphonique. 

Il s'agissait de la première apparition publique de Demna Gvasalia depuis qu'il a annoncé, le 17 septembre dernier — coup de tonnerre dans le monde de la mode — son départ de la marque Vetements, projet collectif qu'il avait fondé avec son frère Guram et qui l'avait fait connaître. "J'ai accompli ma mission en tant que créateur conceptuel et designer innovant. Vetements est devenu une véritable entreprise, qui peut désormais faire évoluer son ADN et écrire un nouveau chapitre de son histoire", avait-il déclaré.

La veille du défilé, les journalistes ont reçu un message courtois mais autoritaire émanant de Balenciaga : "Cette saison, Demna ne fera pas de commentaire sur la collection, et ne donnera pas d'interview en coulisse après le défilé".
 
Le créateur n'a même pas salué après le dernier mannequin. Et c'est bien dommage, car il méritait amplement ses applaudissements après avoir présenté cette collection, peut-être la déclaration de mode la plus marquante de cette saison parisienne.


Balenciaga - Spring-Summer2020 - Womenswear - Paris - © PixelFormula


"À la fin du défilé, vous recevrez toutes les précisions sur l'événement, accompagnées de descriptions pour chaque silhouette : des informations précieuses sur la collection", concluait Balenciaga dans son message.

Précieuses ? Les pièces de la collection l'étaient, sans aucun doute. Demna Gvasalia a baptisé sa collection "New Fashion Uniforms" ("Nouveaux uniformes de mode" en VF) - une relecture sensible, artistique du power dressing, une vision contemporaine, mais aussi avant-gardiste, du vestiaire professionnel.

On ne pouvait pas manquer le travail sur la ligne d'épaule, exagérée comme dans les années 1980, surplombant l'épaule des mannequins, aussi bien féminins que masculins, de plusieurs centimètres. À commencer par les costumes classiques en laine noire, composés de vestes surdimensionnées, de pantalons évasés, portés avec des bottines à larges semelles crantées, que les passionnées de la marque devraient s'arracher au printemps prochain.

De petites robes noires portées avec des boucles d'oreilles en forme de cartes bancaires, sur lesquelles on pouvait lire "Balenciaga VIP". La folie du logo contaminait d'ailleurs toute la collection : tantôt réduit à ses consonnes BLNCG, le mot Balenciaga envahissait les charmantes robes en soie plissée à motifs graphiques ou imprimées de flacons de parfums. À l'extérieur, les ouvreurs et agents de sécurités étaient vêtus d'imperméables à logos.

Pour le soir, une série de robes à volants, imprimées de collages de papier journal, plutôt culottées, portées avec des combinaisons ultra-moulantes, dignes d'une James Bond Girl.
 
On ne peut lui retirer, Demna a propulsé la tendance des sneakers aux lignes exagérées, voire extravagantes ; cette saison, il propose un nouveau modèle, la Tyrex.

Quant au casting des mannequins, une fois de plus, il était grandiose. Quelques mannequins arboraient même des prothèses faciales — et la plupart défilaient avec une expression très concentrée, voire courroucée.. Puis soudain Bella Hadid et Nadja Auermann ont fait leur apparition, un sourire en coin.


Balenciaga - Spring-Summer2020 - Womenswear - Paris - © PixelFormula


Après une demi-douzaine de garçons empêtrés dans de gigantesques doudounes, ce sont des femmes en crinolines colorées qui ont clôturé le défilé, à la manière de derviches tourneurs repeints en rouge vif ou en doré.

En coulisse, Demna Gvasalia a évidemment reçu une pluie de félicitations de la part de ses dizaines d'admirateurs. Souriant, comme toujours, il s'est tourné vers un journaliste : "Vous savez, j'aime l'idée que mes vêtements parlent d'eux-mêmes, vous comprenez ?".

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