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Bercy veut convaincre les entreprises de fournir des masques lavables aux salariés

Publié le
8 juin 2020

Le gouvernement veut convaincre les entreprises de fournir des masques en tissu à leurs salariés plutôt que des masques chirurgicaux importés, face aux "surcapacités" dénoncées par certains industriels français reconvertis dans la fabrication de masques. Comme le révélait FashionNetwork le 5 juin, une mission dédiée à ce problème va être rapidement installée par Bercy.


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Alors qu'environ 450 entreprises françaises se sont converties à la fabrication de masques durant la crise sanitaire, parfois au prix d'investissements supplémentaires, "il y a 10% des entreprises qui se retrouvent avec des stocks sur les bras" aujourd'hui, a expliqué lundi la secrétaire d'État à l'Économie Agnès Pannier-Runacher sur RTL.

Une réunion a lieu lundi après-midi avec "l'ensemble de la filière" pour "préparer le plan d'action futur", a-t-elle ajouté. Le gouvernement veut s'efforcer de convaincre les grandes entreprises d'équiper leurs employés en masques réutilisables made in France, tout en musclant les stocks publics en masques en tissu.

"Nous avons une mission (...) dont l'objectif est de convaincre les gros acheteurs de passer du masque à usage unique au masque textile lavable réutilisable, et d'expliquer que c'est bien un équipement de protection individuelle", a-t-elle martelé. Un message qu'elle a notamment spécifiquement adressé à La Poste, précisant qu'il s'agissait d'une "transition essentielle".

Un point sur lequel s'est confié récemment Paul de Montclos, président du label France Terre Textile, à FashionNetwork. "Nos propres clients sont livrés par des employés de La Poste qui portent des masques vietnamiens. Il ne faut donc pas s'étonner qu'il y ait des problèmes derrière. Non seulement nous n'aurons peut-être plus envie de nous mobiliser, mais nous n'en aurons même peut-être plus les moyens".

L'État, artisan de la surproduction



Face aux critiques concernant le manque de projections de l'État, Agnès Pannier-Runacher répond aujourd'hui : "J'avais dès le 15 mai alerté la filière sur ce risque de surproduction". Une mise en garde que les professionnels jugent cependant tardive, et en parfait décalage avec le précédent discours de Bercy. Fin avril, le ministère pressait encore les entreprises textiles d'accélérer les cadences, et revendiquait auprès des médias son choix de privilégier les "objectifs de performance" à un encadrement strict des modèles fabriqués.

"On nous a dit 'Produisez, il y aura des besoins !' sans qu'on ait une réelle visibilité sur la taille du marché, ce qui explique pour moi une partie de notre problématique actuelle", estime Paul de Montclos. "On nous a laissés penser qu'il y avait des besoins, alors que le marché avait tendance à partir à l'exportation, voire à se saturer. Ce qui met la filière dans une position délicate. Car ce qui a été au démarrage un amortisseur à la crise se retourne contre nous. Or, certains ont investi, ont instauré des heures supplémentaires, réorganisé leurs structures, certains ont même envisagé de faire du masque une activité pérenne. Et on se retrouve finalement avec des situations très tendues dans nos filières."


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Une situation qui, indique Marc Pradal, président de l'Union des industries mode et habillement (UFIMH), a poussé le comité stratégique de filière à réclamer à Bercy un engagement de l'État : celui de reprendre les éventuels invendus d'une filière textile qu'il avait poussée à produire en quantité.

"L'État a passé des commandes vers des masques 100% français"



"C'est quand même incroyable. On a un produit qui est écologique, qui a un rapport qualité-prix imbattable", pour plus d'une dizaine d'utilisations par comparaison avec les masques à usage unique, "et néanmoins on n'arrive pas à convertir les grandes entreprises à utiliser ce masque (en tissu) ; on préfère le masque chirurgical qui, lui, est importé de Chine", a insisté la secrétaire d'État. "Ce produit n'existe que depuis deux mois, donc je peux comprendre que les employeurs n'aient pas fait tout le travail" d'identification des produits homologués et "les organisations syndicales ont pu à certains endroits être méfiantes", a-t-elle reconnu.

Par ailleurs, "l'État a passé des commandes vers des masques 100% français", d'autant qu'"un masque tissu (...) se conserve plus longtemps: il est plus rare d'avoir des moisissures sur un T-shirt que sur un masque chirurgical à usage unique", a-t-elle fait valoir. Elle réagissait notamment aux déboires de l'entreprise Les Tissages de Charlieu, qui avait tôt rejoint "l'effort de guerre" de production de masques en France.

"ll y a visiblement une offre pléthorique qui fait que les commandes s'écroulent littéralement (...) On se retrouve dans une situation compliquée, on a investi un million d'euros pour augmenter notre capacité" et "on a cette semaine un million de masques en stocks", invendus, a déploré le dirigeant de l'entreprise, Eric Boël, également interrogé sur RTL.

"Nous avons demandé à Yves Dubief, le PDG de la société Tenthorey (président de l'Union des industries textiles, ndlr), et Guillaume Gibault, le fondateur du Slip Français, de devenir les ambassadeurs des masques textiles", explique-t-on au cabinet de la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher. "Ils ont pour mission d'évangéliser le masque grand public français", a indiqué Mme Pannier-Runacher, confirmant ainsi les informations de FashionNetwork. Sans mention cependant d'un engagement de l'État à racheter les éventuels invendus, comme le souhaite la filière textile.
 
(avec AFP)

 

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