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Clémentine Martin
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9 déc. 2021
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Béhen, la marque d’upcycling qui puise dans la tradition textile et l’artisanat portugais

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
9 déc. 2021

Raconter des histoires de femmes à travers la tradition textile est le leitmotiv qui revient dans les créations de Béhen, une jeune marque portugaise d’artisanat qui fonctionne comme un collectif créatif aux faux airs de famille. Son nom vient de l’hindou et signifie "sœur". Béhen est née des voyages et s’inspire des saris traditionnels, fusionnés avec la tradition portugaise, d’où viennent les broderies caractéristiques qui émaillent les créations. Des pièces de linge de maison récupérées entament une seconde vie sous forme de vêtements originaux et contemporains. Diplômée de l’université londonienne de Kingston, la créatrice Joana Duarte n’est pas seule pour monter ce projet personnel depuis son studio au cœur du Barrio Alto de Lisbonne. À ses côtés, se trouvent les femmes passionnées de sa famille : sa grand-mère Maria, responsable de la sélection des tissus, mais aussi sa mère Natalia, chargée de la supervision globale de la marque, en passant par sa tante, ses sœurs et une bonne poignée d’amies qui n’hésitent jamais à apporter leur aide en passant devant ou derrière la caméra.


Béhen


"L’artisanat nous aide à nous rappeler de la véritable signification du temps. Confectionner les vêtements à la main prend du temps, et c’est bien normal !", s’exclame la créatrice portugaise. "Ce n’est pas bien de produire des vêtements en un temps record et de participer à une industrie qui va toujours à toute vitesse". Avec cette philosophie écoresponsable, qui veut que "les bonnes choses prennent du temps", Béhen collabore avec de petites communautés locales dans le but de partager et de préserver le savoir-faire artisanal, de donner de la visibilité aux techniques des petites entreprises qui "restent dans l’ombre à cause de leur petite taille" et de proposer une offre unique et limitée, en conservant un contrôle qualité rigoureux. "Au lieu de voler l’inspiration, nous préférons travailler avec des communautés pour développer des produits authentiques qui leur permettent de vivre de leur travail", explique-t-elle.

"Maintenir une relation avec les personnes qui créent nos produits est l’une de nos valeurs centrales. Nous pensons que la mode est de plus en plus atomisée, qu’elle perd son essence et son pouvoir de créer le lien avec les gens. Notre mission est de réunir à nouveau les personnes et nous pensons que la mode en a le pouvoir", explique Juana. Spécialisée dans la conservation de techniques traditionnelles, elle les réinterprète pour qu’elles soient appréciées des jeunes générations. "L’artisanat traditionnel est ce qu’il nous reste d’une époque où le temps semblait plus long", défend-elle.


Défilé de la collection printemps/été 2021 à ModaLisboa - Béhen


Pour ce faire, Béhen récupère des pièces de linge de maison, comme des nappes ou des draps, chinés dans des brocantes ou chez des antiquaires. De plus, les femmes qui se cachent derrière ce projet sont devenues expertes dans l’art de décortiquer le contenu d’un coffre ou d’une armoire, plongeant dans leurs respectives archives familiales. "C’est un projet collaboratif avec les voisins et les amis, et nous recevons souvent des messages sur WhatsApp et Facebook avec les photos d’une couverture ou d’un service de table. Maintenant, notre communauté de femmes s’étend dans tout le pays. Cette sororité est connectée par les broderies et les archives familiales", détaillent-elles. Pour la collection printemps-été 2022 présentée lors de la dernière édition de ModaLisboa, la marque a notamment utilisé des broderies artisanales de l’île de Madère ou de la ville portugaise de Viana do Castelo. En février dernier, la marque a aussi signé une collaboration avec Levi’s pour réinterpréter 25 modèles de la griffe de denim.

Le résultat ? Des pièces haut de gamme mais accessibles, avec des tarifs débutant à 250 euros pour de délicates chemises brodées, des ensembles imprimés originaux à coupe tailleur, des vestes colorées aux détails en fourrure synthétique réutilisée ou des corsets en crochet pour homme et femme. Les pièces sont produites à la demande dans 80% des cas. La plupart des commandes sont passées sur la boutique en ligne de Béhen, permettant une personnalisation "similaire à celle de la Haute Couture", réalisée dans les ateliers de production de la griffe à Lisbonne ou via sa collaboration avec la fondation Aga Khan, qui donne du travail et forme des femmes sans emploi à Lisbonne et à Sintra. Parmi les sous-traitants de Béhen, on trouve aussi la Coopérative de Valorisation des Déchets à Santo Tomé y Principe. En ce qui concerne la distribution physique, la marque est présente chez 100% Silk à Toronto, chez Simonett à Miami et dans sa propre boutique à Lisbonne, au numéro 52 de la Rua Poiais de São Bento.


Projet d’upcycling avec Levi’s - Béhen


Mais l’engagement de la marque va au-delà de la tradition. "La mode est politique, ou du moins, elle devrait l’être. Toutes nos collections sont profondément inspirées par des femmes, particulièrement parce que nous travaillons avec des matières directement liées aux femmes et avec lesquelles elles réalisaient leurs tâches domestiques", souligne la marque, résolument féministe. En "continuant à augmenter le nombre d’artisans impliqués dans le projet", l’histoire sera préservée et racontée aux jeunes générations, au lieu de laisser les tissus tomber dans l’oubli et se dégrader au fond des placards. Béhen entend bien continuer à lutter contre la "disparition" de l’artisanat dans ses futures collections. "Les vrais spécialistes méritent d’être reconnus", conclut Joana.

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