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Paul Kaplan
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4 mars 2019
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Balenciaga : la fièvre acheteuse des Parisiens parodiée par Demna Gvasalia

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Paul Kaplan
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4 mars 2019

Balenciaga s'est fendue d'une véritable déclaration d'amour aux Parisiens et aux Parisiennes - et à leur obsession pour le shopping. Les bras parfois chargés d'emplettes, les mannequins arpentaient le gigantesque podium d'un pas pressé, comme s'ils étaient en retard à un rendez-vous.


Balenciaga - Automne-hiver 2019 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Un défilé ambitieux : plus d'une centaine de tenues et probablement la collection la plus marquante de la saison. Balenciaga retravaille son ADN - volumes avant-gardistes, tissus étonnants, silhouettes majestueuses - pour donner naissance à une mode contemporaine et spectaculaire.

Une fois de plus, Demna Gvasalia, le directeur créatif de Balenciaga, nous a emmenés au cœur industriel du nord de Paris, à la Cité du Cinéma. Le public de 600 personnes était assis sous un plafond suspendu, gigantesque et illuminé, qui changeait de couleur au fil du défilé. Des panneaux déconseillaient l'entrée du show aux invités épileptiques.

La saison dernière, le couturier géorgien avait construit un tunnel aux allures de vortex au même endroit. Cette saison, il a utilisé chaque centimètre carré de l'espace, refoulant tous les photographes de défilé - ce qui est très inhabituel dans la mode - pour créer une « ambiance particulière et présenter notre travail de ces trois derniers mois ».

« C'est ma vision moderne du style parisien. Tout en gardant un oeil sur les codes de la maison Balenciaga, mais en les revisitant à ma manière », a-t-il expliqué.

On a donc vu de nombreuses pièces inspirées de l'oeuvre de Cristóbal Balenciaga : des robes de poupées ultra-amples, de multiples versions du manteau Cocoon et une série de manteaux matelassés rendus célèbres par le couturier espagnol.

Mais le créateur géorgien ne s'est pas contenté d'un simple hommage : il s'est aussi lancé dans une véritable modernisation, exigeante, des codes de la maison. Demna Gvasalia a particulièrement expérimenté dans le domaine du tailleur, en prenant appui sur la technique du moulage 3D, utilisée avec subtilité pour donner une ampleur légèrement exagérée à ses têtes de manches. Les vestes et les gilets n'étaient pas en reste : impeccablement coupés, ils restaient à la fois fluides et faciles à porter. 


Balenciaga - Automne-hiver 2019 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula

 
Quoi d'autre ? Des manteaux à large col, sublimes, rouge vif et vert bouteille, sans boutons, dont Demna Gvasalia considère qu'ils ont une allure « rétro ». Leur volume basculé vers l'arrière, mais pas tout à fait comme dans les années 1950, quand Balenciaga régnait en maître à Paris.
 
« Je suis retombé amoureux de Paris en m'éloignant. Sans Paris, Balenciaga n'existe pas. Cette collection, c'est notre vision contemporaine de ce que signifie aujourd'hui le style parisien », a souri Demna Gvasalia, qui habite désormais en Suisse. 

Comme à son habitude, le créateur a cédé à la douce folie de la logomania : la plupart des bottines masculines et des escarpins en cuir verni brillaient de doubles B en argent. L'initiale apparaissait également sur des mini-sacs à main, des petites gourdes, des boucles de ceinture, de grands pendentifs et même sur le gros orteil de nombreux mannequins. Le nom complet de la vénérable maison parisienne était quant à lui estampillé sur le dos d'impressionnants manteaux en nylon, bordés de col énorme, et même répété en diagonale sur un manteau aux épaules très accentuées, peut-être la tenue la plus mémorable de cette importante collection.

Les mannequins n'ont pas refait de passage groupé à la fin du défilé, qui avait lieu sur un immense podium en asphalte, qui sera recyclé - Balenciaga appartient au groupe Kering, engagé dans le développement durable - et utilisé dans les rues de la ville, en accord avec la Ville de Paris.


Balenciaga - Automne-hiver 2019 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


« C'est tout un symbole de construire de nouvelles routes à partir d'asphalte qui exhale encore le doux parfum de la mode », a plaisanté le designer géorgien, dont la famille a dû fuir l'ancien pays communiste pendant la guerre civile. Pour atterrir en plein milieu du consumérisme occidental... Une expérience troublante qui avait sa place dans le défilé puisque de nombreux mannequins arpentaient le podium munis de sacs de shopping frappés d'encore plus de logos. Il y a six mois, Demna Gvasalia avait osé utiliser des images de la tour Eiffel et revisiter en version luxe les babioles pour touristes vendues dans son ombre. Cette fois, c'est la frénésie de shopping des Parisiens qu'il a choisi de prendre pour cible.

« C'est un hommage que je rends à mes clients, à mon public : des gens qui font du shopping, qui aiment la mode. Je vais rarement dans la rue à Paris ces jours-ci, mais quand je descends, c'est ce que je vois ! »

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