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18 oct. 2022
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Avenir du recyclage textile : marques et acteurs du secteur sont appelés à partager leurs idées

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18 oct. 2022

En novembre, le gouvernement validera sa nouvelle feuille de route pour la filière dite de responsabilité élargie du producteur (REP) dans le secteur du textile, du linge de maison et des chaussures (TLC). À compter de 2023, celle-ci va modifier les relations entre l'État, les producteurs ( marques, grossistes...), collecteurs, acteurs du recyclage et éco-organismes et ceci pour les six années à venir. L'enjeu est d'envergure : quelque 600.000 tonnes de TLC sont mis chaque année sur le marché en France.


L'ambition du projet de décret est de passer de 34% à 60% la part des vêtements, linge de maisons et chaussures en fin de vie collectés - Shutterstock



Mais avant cela, l'exécutif, mené par Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'Écologie et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie, a ouvert une "grande consultation" auprès des industriels, des ONG et autres acteurs du secteur (consultable ici).

Des travaux préparatoires avec l'Union française des industries mode et habillement (Ufimh) ont déjà eu lieu et actuellement se déroulent notamment des entretiens avec les fédérations représentatives. Un guichet a aussi été ouvert en ligne afin de permettre à tout un chacun d'exprimer ses observations sur le fonctionnement de l'industrie et proposer des ajustements sur le texte déjà préparé.

Le projet de cahier des charges, qui précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations qui seront imposées aux éco-organismes, est déjà bien concret et avance l'ambition de rendre l'ensemble de l'industrie plus responsable sur le plan environnemental.

"On ne transigera pas sur l'ambition de défense de l'environnement"



"Cette consultation ce n'est pas un Grenelle ou un conseil de la refondation du textile qui va poser les problèmes pendant trois mois et élaborer des solutions pendant six mois, affirme-t-on au ministère de l'Écologie. Nous avons déjà une réflexion aboutie sur cette filière car l'Ademe travaille depuis longtemps sur ces sujets. Nous arrivons avec un projet. Et la consultation existe pour ajuster ce projet. Les axes sont développés dans le dossier technique qui cadre l'activité des industriels. L'idée est de faire remonter ce qu'il faut potentiellement ajuster sur ces points pour que cela fonctionne mieux. S'il faut ajuster la trajectoire, par exemple pour atteindre 60% de collecte, ou s'il faut réévaluer les soutiens financiers, nous verrons. Nous sommes ouverts sur tout. Mais on ne transigera pas sur l'ambition de défense de l'environnement".


Shutterstock


Pour cela, dans la nouvelle feuille de route, des thèmes ont été clairement définis. il s'agit de nouveaux cadres sur la collecte des déchets issus du textile, linge de maison et chaussures avec une ambition d'atteindre les 60% de textiles collectés contre 34% aujourd'hui. Le projet trace aussi les lignes concernant les contributions apportées aux acteurs du tri, à savoir une réévaluation des montants versés par tonne traitée. Il aborde les questions du réemploi, de la réutilisation et de la réparation des TLC et prépare surtout la mise en place d'un bonus pour les metteurs en marchés visant à favoriser l'éco-conception. Les modalités d'application qui seront validées en novembre échoient à l'éco-organisme. Dans la filière TLC, il n'en existe pour l'heure qu'un seul: ReFashion. Et, après des relations parfois complexes entre l'État et l'éco-organisme autrefois nommé Eco-TLC, la feuille de route à six ans doit selon le gouvernement permettre de transformer le secteur.

"Maintenant, c'est à l'État de fixer l'ambition"



"Les relations avec l'État et Eco TLC n'étaient pas au beau-fixe. Le résultat c'est que la réforme de la filière a été à l'arrêt pendant un certain nombre d'années. Donc on l'a fait maintenant. Depuis la loi AGEC de 2019, le monde a changé dans les filières économiques circulaires. Dans le domaine du textile, dans les années 2000 les marges de progression sur l'environnement, sur les produits circulaires, le recyclage étaient relativement importantes car le secteur partait quasiment de zéro. Il s'agissait d'un type d'accords volontaires entre filière et État. Mais à partir de 2015, entre l'augmentation générale des ambitions environnementales et le fait qu'on avait déjà épuisé tout ce qui était relativement facile à faire, nous arrivions à un blocage. Il faut maintenant aller beaucoup plus loin. On a procédé pendant dix années comme cela. Maintenant, c'est à l'État de fixer l'ambition. Compter uniquement sur un consensus de l'ensemble des producteurs, qui d'ailleurs sont très loin d'être d'accord entre eux, ça ne fonctionne plus. L'État fixe les objectifs, certains cadres pour exercer les moyens. L'éco-organisme va dire comment il va faire, avec quel contrat, quels acteurs, quel type de soutien financier, quel type d'appel d'offre... C'est bien qu'ils aient commencé ce travail sans attendre juillet 2023".

Le projet d'arrêté, sur lequel FashionNetwork.com s'est penché, donne lui déjà des informations sur les objectifs. On y apprend que l'ambition est d'atteindre 50% de TLC collectés en 2024 et 60% en 2028, mais aussi 80% de recyclage des quantités collectées et triées mais non réutilisées ou réemployées en 2027. Le document détaille ainsi comment le gouvernement entend favoriser le développement de la collecte et du tri avec des mécanismes de soutiens financiers, par exemple avec un "soutien unitaire" proposé à 125 euros la tonne pendant deux ans pour les sites de tri nouvellement créés. De quoi favoriser l'émergence de nouveau lieux.

"Entre les éco-organismes et les collecteurs de tri les négociations sont toujours très compliquées, estime-t-on au ministère. En 2017, nous étions parvenus à une demi-avancée sur ces questions. Cette fois, dans le cahier des charges, le soutien au tri est largement revalorisé. Par contre ce soutien implique de savoir ce qui se passe ensuite. Il faut arrêter de récolter pour ensuite exporter des textiles qui vont finir en décharge en Afrique ou ailleurs et polluer l'environnement. Pour nous l'important est d'atteindre l'ambition environnementale". 

L'objectif d'une augmentation de 35% des produits réparés par rapport à 2019



Autre sujet clé pour la diminution de l'impact carbone, le projet aborde aussi la question de la réparation des TLC. Dans sa version préliminaire, il fixe un objectif d'une augmentation de 35% des produits réparés par rapport à 2019, avec un fonds dédié bénéficiant d'un montant de 44 millions d'euros annuels. De même, le réemploi ou la réutilisation des TLC seront poussés avec un fonds dédié, avec l'ambition que cela soit réalisé dans un rayon de moins de 1.500 kilomètres par rapport au lieu de collecte. Des montants seront aussi alloués aux projets de recherche et développement et aux développements de techniques de recyclages. Pour l'instant, sont annoncés "600 millions d'euros sur six ans pour favoriser la réparation, le réemploi, le recyclage et aussi 350 millions pour avantager via des bonus les produits éco-conçus". Avec en trame de fond l'ambition de valoriser les acteurs qui limitent l'impact environnemental.

Dans cette idée, ReFashion - à moins qu'un autre acteur ne se crée d'ici là-, devra appliquer des modulations de contributions des marques ayant recours aux procédés durables, affichant des labels environnementaux, ou intégrant des matières recyclées dans leurs collections. Un système de bonus.


Le gouvernement entend empêcher l'envoi des TLC inutilisables dans des décharges sauvages dans des pays en développement - Shutterstock



Côté marques, le projet d'arrêté détaille les dispositifs de bonus que pourront solliciter les sociétés. Ces modulations sont réparties en trois volets, se rapportant respectivement à la durabilité des produits, à la certification par des labels environnementaux, et à l'incorporation de matières recyclées dans les productions. Des modulations de financement qui doivent théoriquement entrer en action au 1er janvier.

Même si la consultation n'est pas terminée, des chiffres sont déjà proposés dans les annexes du projet. Par exemple, sur le volet "Durabilité" du décret, le ministère chiffre à 0,50 euro par pièce la prime que toucheront les metteurs en marché durable, dans la limite des 100.000 premières pièces par catégorie de produit. Soit un "bonus" qui pourrait se monter rapidement à 50.000 euros pour inciter à l'écoconception. 

Déjà, des voix s'élèvent pour pointer du doigt qu'aucun malus n'est prévu pour ceux qui ne feront pas d'efforts pour l'environnement, ou ne prêteront pas attention à la composition des vêtements et chaussures qu'ils importeront.

"Nous optons pour la carotte plutôt que le bâton"



"Si le producteur ne sait pas ce qu'il importe, la moindre des choses c'est qu'il n'ait pas de bonus, appuie-t-on au ministère. On peut se poser la question de savoir s'il mériterait un malus. De notre côté, on pense qu'il faut tirer la filière vers le haut. On ne cherche pas à punir 90% de la filière. Politiquement, on n'est pas en train de dire qu'il faut mettre l'ensemble du textile au ban. C'est un marché qui est largement mondialisé aujourd'hui. Cela ne changera pas en un jour. Mais nous souhaitons le changer. Nous voulons avancer avec les acteurs qui ont commencé à émerger en France, comme Renaissance textile par exemple, les Tissages de Charlieu ou les jeans 1083. Nous optons pour la carotte plutôt que le bâton".

L'ambition est dans un premier lieu de généraliser la récolte et le tri des TLC et d'inciter à de meilleures pratiques. Reste que la consultation peut être l'occasion pour certains travaux d'être mis en exergue et de préparer le terrain à une incitation plus importante à l'éco-conception, à l'utilisation de matières plus responsables, voire, qui sait, à la pénalisation de pratiques représentant un contresens environnemental.

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