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15 déc. 2022
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Avec l'opération Les de(ux)mains, le secteur sensibilise le gouvernement à ses problématiques de recrutement

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15 déc. 2022

Redorer le blason des savoir-faire du luxe. C'est l'une des missions que s'est fixée le Comité Colbert. L'organisation qui rassemble la majorité des acteurs du secteur en France, a organisé du 10 au 12 décembre l'opération Les de(ux) mains du luxe à Paris dans cet objectif. Un évènement qui s'est tenu dans le temple parisien des start-up Station F et a attiré quelque 4.000 collégiens et lycéens d'Ile-de-France qui ont pu découvrir les métiers des artisans de Chanel, Louboutin, de la manufacture des Gobelins, d'Hermès ou encore de Van Cleef & Arpels, mais aussi les écoles qui forment à ces métiers. Une opération séduction imaginée par Bénédicte Epinay, directrice général du Comité Colbert, et ses équipes qui rappelle régulièrement que le secteur du luxe, tous métiers confondus, compte quelque 20.000 postes à confier, notamment dans ces métiers d'art.


Les De(ux)mains du luxe - DR


Un propos que la dirigeante n'a pu évoquer ce lundi lors des tables rondes organisées dans l'amphithéâtre de la Station F, victime d'une extinction de voix. Nicolas Bos, directeur général de Van Cleef & Arpels a donc pris la parole pour dresser l'état des lieux.

"Aujourd'hui, il y a de la tension dans quasiment tous les métiers présentés par nos entreprises. C'est très clair dans les métiers de la restauration de la gastronomie, de l'hospitalité où les besoins sont criants, mais on le voit aussi dans la mode, la maroquinerie et la joaillerie, par exemple sur des métiers de sertisseur, de polisseur ou de joailler. Il n'y a pas de secteur du Comité Colbert qui ne soit pas dans un appel d'artisans et de contributeurs".

Et pour afficher l'enjeu pour le monde du luxe, c'est donc Sidney Toledano, en tant qu'administrateur du Comité Colbert et toujours PDG de LVMH Fashion Group, qui a officié en tant que maître de cérémonie et accueilli trois ministres: Carole Grandjean pour l'Enseignement professionnel, Olivia Grégoire pour le commerce et les petites entreprises et Rima Abdul Malak pour la Culture. Un signal fort pour le secteur du luxe, désireux de voir des solutions rapidement germer face aux pénuries de talents.


Olivia Grégoire, ministre déléguée au commerce et à l'artisanat - DR


"Nous avions la volonté de porter cet engagement commun. Nous voulons qu'un lycée professionnel soit choisi par les élèves. Qu'il soit attractif désirable, pour eux, pour leur famille et pour les entreprises, avance Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels. La volonté est de travailler de manière cohérente en construisant l'offre de formation dont vous avez besoin. C'est un vrai défi de la rapprocher des enjeux économiques et sociaux pour que les jeunes prennent ce chemin de la formation professionnelle et des compétences de demain. On aura besoin de vous pour travailler sur cette carte de formation, on va avoir besoin de vous pour être des mentors pour ces jeunes, on aura besoin de vous pour les accueillir en stage, on aura besoin de vous pour aussi analyser ces enseignements et on aura besoin de vous pour être enseignants associés dans ces établissements. C'est un lycéen sur trois qui passe par la formation professionnelle, c'est notre responsabilité à tous de les emmener vers la réussite".

"Nous avons besoin de nous coordonner, a appuyé Sidney Toledano, je suis ravi que la culture, la formation, l'artisanat et le commerce, car c'est un mot qu'on n'anoblit pas assez en France, soient réunis. Nous avons réussi un petit miracle c'est de se parler entre Hermès, Vuitton, Chanel et tous ensemble autour de Colbert. Cette dynamique existe. J'espère qu'avec vos ministères nous pourrons ensemble attirer ces jeunes".

Une approche groupée également plébiscitée par Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, qui s'est rappelée que sa propre grand-mère, arrivée dans les années 1920 à Paris de sa Bretagne natale, avait appris les métiers de la couture au sein de la maison Chanel et que sa mère avait évolué chez Pierre Cardin. "A ma petite échelle, je suis un exemple de cette perte de savoir-faire depuis les années 70, car malgré ce patrimoine familial, je ne sais pas coudre un bouton. Mais je suis optimiste et c'est un bon signal que nous venions reprendre l'écriture d'une histoire qui s'est distendue et même, il faut bien le dire, a été méprisée. Aussi bien du côté des entreprises que de la formation et des artisans de l'art, on va avancer ensemble. On a une jeunesse qui cherche du sens, qui veut que se lever le matin rime à quelque chose. Je crois que ces métiers répondent à cela. De Beijing à Las Vegas et d'Athènes à Lisbonne, c'est de vous qu'on parle. C'est grâce à vos entreprises et à ces jeunes qui vont embrasser ces carrières que la France est si bien représentée. Je suis à Bercy. N'oubliez jamais que vous pesez, à vous seuls, plus que l'aéronautique et l'automobile réunis. Bombez le torse, levez le menton. Et à nous le monde!"

Continuer de séduire le monde, en emmenant et formant une nouvelle génération d'artisans, c'est bien là tout l'enjeu d'un secteur, qui, comme, le précisaient des dirigeants d'entreprises lors des tables rondes de lundi, n'est pas particulièrement inquiet sur la présence des clients du luxe dans les prochaines années mais plutôt sur la capacité des maisons de répondre à la demande.

"Nous avons un vrai sujet avec les départs à la retraite sur les cinq prochaines années, a expliqué Hubert Barrère, directeur chez Lesage, qui fait partie de la galaxie des métiers d'art de Chanel et installé au 19M de Chanel. Pour former une brodeuse cela prend cinq à dix ans, car il ne s'agit pas seulement d'apprendre un geste mais d'acquérir la rapidité, la sureté et tant qu'à faire la créativité. Le sujet de rendre désirable notre métier pour les jeunes gens qui vont venir en continuité des gens qui vont partir c'est extrêmement important".

Un questionnement que rencontre aussi Emilie Metge-Viargues, présidente de la maison d'orfèvrerie de table de Christofle, basée en Seine-Maritime, qui avance qu'elle pourrait "recruter 150 personnes dès aujourd'hui. Mais il n'y a plus d'écoles de formation d'orfèvrerie de table. C'est triste car nous sommes les ambassadeurs du bon goût à la française".

Donner l'opportunité aux collégiens de découvrir les métiers et leur pratique fait donc partie des groupes pour séduire les jeunes dès 12 ans. Que ce soit chez Hermès ou LVMH, la volonté est de permettre aux plus jeunes d'avoir une première expérience des métiers de la main. Et pour les deux groupes, l'enjeu est de développer les points de contacts avec de futurs candidats partout en France et pas seulement dans les grandes métropoles.


Carole Grandjean, Rima Abdul Ramak et Sidney Toledano - DR


Une approche également partagée par Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. "Le mot luxe rime avec plein de clichés, mais il rime surtout avec le sens, la durabilité, la qualité, l'excellence le savoir-faire, avec la transmission de génération en génération et cette image très forte de la France à l'international, a-t-elle avancé. Ce sont des emplois, de l'attractivité de tous nos territoires, ce sont des hommes et des femmes qui à tous les échelons des entreprises font vivre ces métiers et les portent au delà de nos frontières. Dès mon arrivée au ministère de la Culture, j'avais la conviction qu'il y avait un énorme potentiel dans ces métiers d'artisanat d'art et peut-être un angle mort dans la politique du ministère dont il fallait sortir pour porter un plan plus ambitieux pour ces métiers".

Un plan qui pour la ministre, passe par les régions et va s'appuyer sur le programme France 2030 déployé par le gouvernement. Dans celui-ci, la ministre entend développer des pôles territoriaux dédiés aux entreprises du design, de la mode et de l'artisanat d'art. Un appel à candidature est lancé pour faire émerger des acteurs prêts à se réunir pour développer les expertises en province et ainsi, également développer les vocations dans chaque région de France.

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