Publié le
17 févr. 2023
Temps de lecture
4 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Après une progression des ventes en 2022, le marché de l'habillement pourrait se contracter cette année

Publié le
17 févr. 2023

Après deux années de rebond des ventes en valeur du textile habillement suite à la chute de 2020 liée au Covid-19, la consommation devrait marquer le pas en France en 2023. C'est en tout cas ce qu'anticipe Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire de l'Institut français de la mode, s'appuyant sur les éléments déclaratifs de l'IFM Panel, consultant une diversité d'acteurs du secteur.


Même le scénario le plus optimiste de l' observatoire de l'IFM ne permettrait pas de revenir au niveau de ventes habillement et textiles de 2019 - IFM Panel



"L'inflation est toujours présente en 2023 et pèse sur le pouvoir d'achat, a expliqué l'économiste lors d'une présentation dans les locaux de l'Institut français de la mode, à Paris ce 16 février. Et cela devrait jouer négativement sur la demande. Nous avons dressé trois scénarios. L'un optimiste qui table sur une croissance de 3%. Un second avec une stabilité et un troisième à -3%. Le contexte d'inflation et les arbitrages de consommation me font pencher pour une situation entre les deux derniers".

Pourtant l'année 2022 a été une année de croissance pour le marché de l'habillement en France. C'est ce qu'a précisé le bilan annuel de l'observatoire économique de l'Institut français de la mode. L'an dernier, le marché d'habillement a totalisé quelque 26,2 milliards d'euros, en progression de 3,9% par rapport à l'année 2021, qui avait elle-même connue une hausse de 8,2% par rapport à 2020.

Cette progression des ventes de textile et habillement est en particulier portée par la progression des grands magasins (+22,7%) mais aussi des chaînes spécialisées (+7%) et des chaînes de grande diffusion (+5%), les hypers restent stables, les multimarques accusent un léger repli alors que les pure-players, en plein boom les années précédentes se replient de 12%.

La femme s'est bien comportée, avec une hausse de 5,2% mais c'est surtout l'homme qui a vu ses ventes progresser de 11,3%, alors que le linge et l'enfant ont souffert. A noter que les ventes de chaussures en valeur s'améliorent de 7,8% et que les ventes de textile dans les magasins de sport bondissent de 13%. Ces chiffres apparaissent positifs, notamment pour les chaînes spécialisées, avec de belles progressions dans les centres commerciaux et une forte progression de l'activité en Ile de France.


IFM Panel



Mais alors comment expliquer l'accumulation de nouvelles négatives dans le secteur: de Camaïeu, l'été dernier, à San Marina ou Kookaï récemment?

D'abord, parce que la croissance de 2022 est en "trompe l'oeil", avance Gildas Minvielle. En effet, les ventes en valeur sont encore 4,4% en deçà des ventes de 2019 (seuls les pure-players et les chaînes de grande diffusion ont vu leurs ventes progresser)... ceci alors que les prix ont augmenté de 6% en moyenne selon les déclarations des marques et enseignes. Le marché conserve donc sa tendance baissière connue depuis des années et 2023 ne devrait donc pas inverser celle-ci.

Ensuite, concernant les enseignes historiques basculant en procédures collectives, le directeur de l'observatoire de l'IFM précise que les maux ne sont pas seulement liés au contexte de crise.


IFM Panel



"Le milieu de gamme a des difficultés. Mais cela ne concerne pas tous les acteurs. Certains restent performants. Ces enseignes en difficulté ont souffert de la désaffection des centre-villes, alors que l'accessible, en zone d'activité commerciale, s'est renforcé. Et il y a des racines historiques qui font qu'elles ont hérité d'une structure qui n'est plus adaptée aujourd'hui. Elles se sont déployées dans la consommation d'habillement des années 90 et elles ont d'abord été confrontées à la concurrence de la Fast Fashion. Elles ont répondu par un développement des réseaux des années 2000 à 2015. Se focaliser sur la stratégie d'ouvertures n'était pas forcément la meilleure option à la fin des années 2010, alors que les investissements dans l'e-commerce n'ont pas été faits. Face aux Zara et H&M puis Shein, elles ont dû faire face à un changement des habitudes de consommation. Une consommation qui est plus digitale et sans doute moins "boulimique" que dans les années 90.".

Entre pression sur le portefeuille des ménages avec l'inflation et ces changements de mode de consommation, c'est probablement plus d'un demi milliard d'euros d'achat de vêtements neufs qui devrait disparaître en 2023, par rapport à 2022. Toutefois, le tableau n'est peut être pas si noir. Car les consommateurs continuent de s'habiller... mais se tournent aussi vers l'achat d'occasion.

Le poids de la mode d'occasion serait ainsi passé d'environ 1 milliard d'euros en 2018, à 6 milliards en 2022. Et l'habillement pèserait pour 4 milliards d'euros dans ce total. Aussi les marques et enseignes s'organisent pour capter cette manne face au Bon Coin et Vinted. Pas moins de 38% des acteurs consultés par l'IFM annoncent avoir développé une offre de seconde main et 24% annoncent vouloir la développer en 2023. De quoi peut être compenser le repli des ventes de produits neufs, mais aussi proposer des pièces à des prix plus abordables, alors que les prix devraient encore augmenter de 5% en moyenne en 2023.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com