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24 mai 2019
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A Sao Paulo, la Fashion Week entre en prison

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AFP
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24 mai 2019

La cour d'une prison brésilienne de haute sécurité s'est transformée mercredi soir en podium le temps d'un défilé de mannequins de la Sao Paulo Fashion Week arborant des créations en crochet confectionnées par les détenus eux-mêmes.


Défilé de mode dans une prison de Sao Paulo - AFP/M.SCHINCARIOL


Robes à franges, ponchos et bustiers multicolores : les prisonniers observent fièrement le fruit de leur travail prendre corps sur des mannequins hommes et femmes. La plupart ont des aiguilles et des pelotes mauves entre les mains et continuent de tricoter entre deux passages de mannequins.

Pas de spots aveuglants ni de flashs de photographes : la lumière du soleil filtre difficilement à travers les grilles qui empêchent la cour d'être vraiment à ciel ouvert.

« J'étais fier de voir mes créations portées par des mannequins et encore plus de savoir que ça avait plu aux gens », affirme Fidelison Borges, 41 ans, qui purge une peine de 18 ans de réclusion pour vol à main armée et trafic de drogue.

Environ 120 détenus de la prison Adriano Marrey, près de Sao Paulo, ont participé au programme de réhabilitation Ponto Firme (terme qui désigne à la fois un point de crochet et la notion de point d'ancrage), mis en place par le couturier brésilien Gustavo Silvestre en 2016. Pour les stimuler, 12 heures de crochet leur permettent de réduire leur peine d'une journée.

Au-delà de la prison, les créations sont également présentées lors de la Sao Paulo Fashion Week. Certains ex-détenus ont même défilé devant le gratin de la mode brésilienne.

Pour la dernière édition, en avril, 35 pièces ont été confectionnées en trois mois. Le thème de collection, choisi par les prisonniers, se résume en un mot : « opportunité ».

« Certains ont le désir de changer de vie, mais une fois dehors, ils souffrent de préjugés et du manque d'opportunités » sur le marché du travail, raconte Gustavo Silvestre. « Souvent, ils n'arrivent pas à franchir le pas et finissent par retomber dans la criminalité », déplore-t-il.

« Ça me calme »

L'idée de voir des criminels endurcis en train de tricoter peut sembler saugrenue, mais les détenus balaient les préjugés avec la même habileté avec laquelle ils manient les aiguilles.

« Certaines personnes disent que c'est un truc de femmes, mais je ne vois pas ça comme ça », dit Islan da Luz, 28 ans, condamné pour trafic de stupéfiants. « Je crois que ceux qui pensent comme ça sont des ignorants plein de préjugés », insiste-t-il, tout en tricotant une jupe bleu ciel pour son épouse.

Comme lui, la plupart des 2 200 détenus de la prison Adriano Marrey ont été incarcérés pour trafic de drogue. Plus des deux tiers ont quitté l'école avant la fin du primaire.

« Le crochet, ça me calme, ça m'a aidé à arrêter de fumer et de prendre de la drogue », explique Felipe Santos da Silva, 28 ans, qui purge une peine de 11 ans pour vol.

Gustavo Silvestre cite avec fierté l'exemple d'un participant au programme qui a vendu ses créations à sa sortie pour pouvoir passer le permis de conduire. « Il ne va pas continuer à faire du crochet, mais ça l'aide à tracer un nouveau chemin », dit le couturier. « Il veut être chauffeur d'Uber ou de taxi, mais c'est le crochet qui l'aide à faire ses premiers pas », conclut-il.

D'après les derniers chiffres du ministère de la Justice, le Brésil compte la troisième population carcérale au monde, avec 726 712 prisonniers en juin 2016, soit deux fois plus que la capacité officielle des prisons, la plupart dans des conditions insalubres.

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