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27 mai 2020
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A Milan, la mode reprend timidement ses droits

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27 mai 2020

Des grandes artères commerciales au Quadrilatère d'or, le commerce de mode est encore à la peine à Milan. Alors que la péninsule est sortie du confinement le 11 mai, les magasins "non alimentaires" n’ont pu rouvrir leurs portes que le 18 mai. Plus de 95% des boutiques d’habillement et d’accessoires ont répondu à l’appel à Milan. Mais après une première journée d’euphorie lors de la reprise, le rythme s'est nettement ralenti et beaucoup ont déchanté.


Peu d'affluence au cœur de Milan ce mardi 26 mai - ph Dominique Muret


Une semaine plus tard, l’affluence dans les rues les plus commerçantes de la ville était plutôt réduite. Au cœur de la ville, sur la place du Duomo, où se dresse la cathédrale emblème de Milan, tout comme dans la rue piétonne adjacente, corso Vittorio Emanuele II, bordée des enseignes les plus populaires et drainant autrefois une foule compacte de passants, on a l’impression en ce mardi 26 mai, à la mi-journée, de se trouver en plein mois d’août lorsque que la capitale lombarde se vide de ses habitants.

On ne perçoit un semblant d’animation qu’à l’entrée de quelques rares magasins, même si on est loin de la cohue habituelle. Par exemple chez Zara, où une cliente avoue avoir craqué pour "une veste en coton à très bon prix", ou chez Rinascente.

De grandes affiches colorées y clament en grosses lettres  "We are back". Mais les clients, eux, ne sont pas tous de retour. Les fameux grands magasins milanais, qui accueillent en temps normal 30.000 visiteurs par jour, n’en dénombrent plus que 3.000 au quotidien, soit 10%. "Welcome back" proclame un peu plus loin la vitrine de luxe accessible Luisa Spagnoli, même son de cloche en italien chez Zara : "Bentornati !", situé juste en face.


Zara est l'une des enseignes les plus attractives du moment - ph Dominique Muret


Dans le quartier voisin, dédié au luxe, les ruelles autour de la prestigieuse via Montenapoleone, de via della Spiga à via Gesù, sont carrément désertes. "Avant ici, il n’y avait que des touristes. Avec les aéroports fermés et les problèmes de quarantaine, aujourd’hui il n’y a plus personne. Sans compter que de nombreux employés des bureaux du centre continuent le travail à distance. Quant à la clientèle locale, elle n’achète pas de luxe", commente dépité l’un des trois vendeurs du flagship milanais de Stefano Ricci, admettant que "depuis la réouverture, nos clients réguliers ne sont pas revenus".

De fait, plusieurs boutiques de luxe ont gardé portes closes dans ce quartier trop peu fréquenté pour l’instant, préférant laisser leurs vendeurs encore au chômage technique. Les autres magasins qui s’affichent sur l'artère Montenapoleone, dont la plupart des grands noms de la mode, sont bien ouverts, mais tristement vides. Derrière les grandes portes vitrées, on distingue juste les vigiles en costume noir, le visage masqué, tripotant nerveusement dans leurs mains gantées le thermomètre frontal, qu’ils sont prêts à dégainer sur le premier visiteur qui franchira le seuil.


Les touristes ont disparu du Quadrilatère du luxe, ici Via Gesù - ph Dominique Muret


Il faut s’éloigner un peu du centre et remonter vers le très commercial corso Buenos Aires pour trouver un peu plus de monde. Ici, les slogans enjôleurs de bienvenue laissent place à des annonces de rabais alléchantes allant de -25 à -40%. Les mid season sale (soldes de mi-saison, ndlr) sont une forme de promotion autorisée en Italie, qui se terminent normalement 30 jours avant le début des soldes.

Au regard de la situation actuelle, ces ventes au rabais vont pouvoir se prolonger exceptionnellement jusqu’aux début des soldes, soit jusqu’à fin juillet. Les soldes ayant été eux-mêmes repoussés du premier samedi de juillet à début août. Une manière d’aider les détaillants à écouler les stocks accumulés pendant le confinement.

Le long de l’avenue, les vitrines sont couvertes d’affiches explicatives avec le nombre de personnes autorisées à entrer en magasin et la marche à suivre : le marquage au sol, le passage obligé à la borne de gel hydroalcoolique et des gants à enfiler, quand ce n’est pas une vendeuse qui vient directement vous accueillir avec le thermomètre frontal. Certaines enseignes sont en cours d’aménagement, comme chez Pittarosso, où des étagères sont encore vides.


Les instructions à l'entrée de Pittarosso, corso Buenos Aires - ph Dominique Muret


"Lorsque nous avons fermé en mars, nous avions la collection d’hiver, que nous avons dû renvoyer. En ce moment, c’est plutôt tranquille car il n’y a pas de touristes et pas beaucoup de monde en général", glisse une vendeuse en train de disposer des sacs sur un présentoir.

Dans la boutique de Calzedonia, seules trois clientes peuvent entrer à la fois. "A l’ouverture, nous avons eu beaucoup de monde. Il y avait la queue dehors, mais les gens sont très éduqués. Ils comprennent la situation. Puis cela s’est tassé. Nous sommes en train de prendre le pouls. L’envie d’acheter est mitigée", raconte l’une des vendeuses.

A côté, chez le concurrent Intimissimi, également spécialisé dans la lingerie, on a noté "qu’il n’y avait pas beaucoup de gens. Ce n’est pas la foule, mais ceux qui viennent dépensent assez". Non loin de là, la gérante d’une petite boutique de chemises déplore "avoir vu aussi peu de monde samedi. Je ne m’y attendais pas".


Corso Vittorio Emanuele II, le message de bienvenue de Luisa Spagnoli - ph Dominique Muret

 
 "Les premiers retours sont assez négatifs, mais il est encore tôt pour avoir un cadre clair de la situation", plaide Rocco Urga, le secrétaire de FederModaMilano, qui fédère les commerçants de Milan et de sa province. "Il y a une forte envie d’un retour à la normalité, mais aussi beaucoup de confusion et l’inquiétude que cette situation persiste."

Selon un sondage effectué par l’organisme sur la première semaine d’ouverture post-confinement, 66% des détaillants, soit les deux tiers d'entre eux, ont accusé une chute de leur chiffre d’affaires située entre 30 et 60 %, par rapport à la même période l’an dernier. Près de 18% des magasins sont restés stables et 16% ont enregistré des hausses, surtout ceux qui dépendent moins du tourisme.

Le ticket moyen s’est élevé à 108 euros. Enfin, les détaillants ont noté que les Milanais préféraient désormais payer par carte de crédit et beaucoup moins en liquide de peur de la contagion.

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