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Clémentine Martin
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16 nov. 2022
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080 Barcelona Fashion: la qualité et l’environnement en ligne de mire

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Clémentine Martin
Publié le
16 nov. 2022

Loin des agendas ultra-chargés des quatre principales Fashion Weeks internationales, celle de Barcelone s’est fait sa propre réputation, en marge des circuits traditionnels et des ostentations pompeuses. Forcée à se réinventer durant la pandémie, la semaine de la mode catalane a mis les bouchées doubles pour se digitaliser et s’est concentrée sur deux axes de travail mettant l’accent sur la qualité: le développement durable et l’innovation. Après plusieurs mois de labeur, l’événement est enfin revenu à un format physique: sa 30e édition a eu lieu du 25 au 28 octobre derniers au Recinto Modernista de Sant Pau. Vingt-trois designers et marques y ont participé.


Premier défilé d’Amlul, la marque de Gala González, à Barcelone - 080 Barcelona Fashion


“L’accueil a été très positif et les créateurs sont ravis. Nous récoltons les fruits du travail effectué au cours des derniers mois, en alliant deux stratégies: l’une centrée sur le digital pour mieux communiquer et l’autre centrée sur le monde physique de nos origines“, résumait la directrice de l’événement, Marta Coca. Elle reste malgré tout consciente des enjeux du contexte actuel.

“Les retours sont positifs, mais nous savons bien que l’inflation et les tensions géopolitiques augurent une période difficile pour la mode“, regrette-t-elle. Malgré les “bons résultats“ des trois premiers trimestres 2022, le secteur va “probablement connaître un quatrième trimestre plus compliqué et moins bon que d’habitude malgré les campagnes du Black Friday et de Noël.“

Les fripes montent sur les podiums



Le développement durable est l’une des nouvelles priorités de l’événement, organisé par la Généralité de Catalogne (conseil de la région autonome de Catalogne, ndlr) avec un budget de 3 millions d’euros par an. “Pendant longtemps, la mode écoresponsable est apparue comme une alternative pour les consommateurs modestes. Nous avons voulu lui redonner ses lettres de noblesse, car il faut faire prendre conscience aux clients de la nécessité d’arrêter de surconsommer et de choisir des matières durables“, assène Marta Coca. La plateforme s’est donné une mission pédagogique et fait maintenant défiler des pièces de seconde main sous l’étiquette 080 Reborn.

Ce projet a été mené en collaboration par l’agence de retraitement des déchets de Catalogne, le CCM et Girbau LAB, qui ont confié le stylisme à Fermin+Gilles, chargés de concevoir une collection élaborée à partir de vêtements récupérés dans des centres de tri de déchets textiles et de pièces d’occasion chinées chez Humana, Solidança, Formació i Treball, Flamingos Vintage Kilo et Las Pepitas, entre autres. Résultat: une ligne aux airs rétro et vintage, où cohabitaient des créations de Fred Perry, Dior et Dr. Martens.

“Faire connaître et donner du prestige à la mode d’occasion est fondamental. Cela ne fait pas concurrence au travail des designers et cela ne va pas entraîner de chute des ventes, contrairement à ce que craignent certains. Au contraire: les créateurs avec lesquels nous travaillons ont tout à gagner si les clients investissent plus d’argent dans des pièces de qualité qui peuvent avoir une deuxième vie dans la chaîne de valeur. La guerre entre les tendances et l’upcycling n’est pas nécessaire, il y a de la place pour tout le monde“, soutient cette professionnelle. Selon elle, l’écoconception représente l’avenir.

“Même si 080 Barcelona veut toucher la presse et offrir une visibilité aux marques, nous avons l’obligation d’effectuer un travail d’éducation et de soutenir la hausse des prix. Il faut absolument réduire la consommation de masse et faire l’éloge de l’achat réfléchi, responsable et de qualité“, martèle Marta Coca.


Défilé de Dominnico, la griffe de Domingo Rodriguez Lazaro - 080 Barcelona Fashion


Pour ce faire, 080 Barcelona Fashion planche sur un pacte de la mode circulaire pour la Catalogne. Plusieurs fabricants textiles, centres de tri, centres technologiques et organismes gouvernementaux sont déjà inscrits à ce programme volontaire, qui veut fixer des objectifs communs et organiser des tables rondes pour mieux financer et mieux communiquer sur la mode durable.

“À partir de l’année prochaine, les exigences des marques en matière de développement durable et de tailles disponibles en boutiques vont augmenter. Celles qui disposent déjà d’un certain volume de points de vente vont devoir se doter de corners d’occasion ou proposer de reprendre les vêtements usagés“, affirme Marta Coca. Ces critères devraient être encore plus importants dès 2025.

Mais certaines entreprises sont encore réticentes: les investissements leur paraissent trop importants et une hausse des prix leur fait craindre le désamour de leurs fidèles. Une peur sans fondement, selon Marta Coca : “D’ici un ou deux ans, l’effet de cette hausse aura été complètement absorbé. Comme ça, même si les lignes d’activité auxiliaires ne génèrent pas encore de bénéfices, elles ne pénaliseront pas la rentabilité des entreprises au départ.“ Elle ajoute: “Il suffit d’ouvrir la fenêtre pour constater que cette température n’a rien de normal à cette époque de l’année. Nous ne pouvons pas continuer à repousser le moment d’agir, il faut le faire immédiatement.“

À la recherche de solutions hybrides



Alliant l’innovation, l’art et la mode, la marque disruptive LR3 Louis Rubi, fondée en 2019, proposait aux visiteurs de vivre une expérience alternative avec LR3 Experience, un “parcours“ en réalité virtuelle d’une dizaine de minutes durant lesquelles elle présentait sa dernière collection. L’espace était ouvert au public pendant toute la durée de l’événement. Il rappelait une galerie d’art, avec des vêtements physiques en soie ou en velours, aux contrastes marqués entre des motifs à fleurs et des carreaux.


Yolancris faisait partie des marques qui défilaient le dernier jour - 080 Barcelona Fashion


“Nous sommes tous enchantés de retrouver un format physique, mais il est vrai que les présentations digitales nous permettent de proposer une plus grande diversité de contenus et d’interventions, et de disposer de plus de temps pour les préparer“, reconnaît Marta Coca.

La stratégie future de l’événement, concernant son format et son calendrier, sera décidée en décembre prochain, dès que la plateforme aura fini de recouper les feedbacks des participants. “En tout cas, nous n’avons pas l’intention d’opérer un changement radical“, assure la directrice. Elle rêve cependant de créer plus de liens avec la ville de Barcelone en elle-même.

“Nous savons que Barcelone est la marque commerciale de la Catalogne. Pour nos défilés, l’idéal serait de compter sur le soutien de la mairie pour nous faciliter les choses, nous ouvrir des espaces et nous permettre de créer des synergies intersectorielles. La mode est un secteur très lié à l’art de vivre, qui pourrait collaborer avec d’autres industries et se diffuser dans toute la ville pendant la Fashion Week“, argumente-t-elle, admirative du succès de Copenhague.

Des habitués et des talents émergents



En tout cas, le programme de la Fashion Week était chargé et éclectique, faisant intervenir des références du secteur comme Custo Barcelona, Lola Casademunt by Maite, Menchen Tomas, Guillermina Baeza, Lebor Gabala et Simorra. Mais d’autres griffes plus jeunes étaient aussi présentes, comme Avellaneda et ses élégants costumes mixtes, Reveligion et ses créations en tulle de style gothique ou Martin Across et ses propositions non genrées et durables.

Certaines marques issues du digital étaient aussi de la partie, comme Is Coming, créée par le fondateur de Hoss Intropia, Constan Hernández, ou Amlul, le label de pièces intemporelles produites localement de l'influenceuse galicienne Gala Gonzalez. Dominnico et Yolancris, les marques les plus internationales du calendrier barcelonais, ont séduit le public avec des propositions plus pop. Des stars de l’envergure de Rosalia et Beyoncé leur font déjà confiance, c’est dire…

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