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​Habillement: les importations de l'Union européenne stagnent en volume mais gagnent en valeur

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1 déc. 2022

La hausse des prix, l'évolution des taux de change et le Brexit redessinent sur l'année 2022 les importations européennes d'habillement. C'est ce qu'indique l'Institut Français de la Mode à l'occasion du rendez-vous Fashion Reboot du 1er décembre. Si les importations stagnent en volume, elles progressent en valeur depuis 2019, tandis que le sourcing asiatique montre le succès des concurrents de la Chine.


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Sur les neuf premiers mois de l'année, les importations européennes s'inscrivent en hausse de 42% par rapport à la même période en 2021, et de 20% par rapport à 2019, référence des niveaux d'avant-crise. Après le creux connu en 2020, il est possible d'y voir la poursuite d'une période de rattrapage, mais pas uniquement: l'IFM constatant une hausse du prix unitaire des produits (montants divisés par les volumes). Hausse induite par la hausse des coûts et l'inflation d'un côté, et par les taux de change de l'autre. Pour acheter en Chine, où les commandes se négocient en dollars, les Européens doivent consentir davantage d'euros que par le passé.

En résulte que, si les importations sont en valeur en progression de 20% par rapport à 2019, ce chiffre cache une hausse de seulement 3% des quantités importées. "Il y a clairement un 'effet dollar' fort", ce qui n'empêche pas une dynamique incontestable des importations", estime le directeur de l'Observatoire Economique de l'IFM, Gildas Minvielle. Il pointe deux phénomènes annexes passés semblerait-il sous le radar de nombreuses analyses: l'effet du Brexit et l'effet dynamisant des exportations européennes.

"Parmi les fournisseurs de l'UE il y a le Royaume-Uni, là où il était précédemment comptabilisé comme un importateur européen", indique le responsable. "Les chiffres montrent que le pays exportait précédemment vers le reste de l'UE d'énorme quantités de vêtements qu'il ne produisait pas localement, car il les importait. Or, depuis le Brexit, ces exportations britanniques vers l'Europe ont fortement diminué. Au point de tirer vers le bas les statistiques européennes. Si l'on ne tient pas compte du UK dans le calcul de nos importateurs d'habillement, la hausse des importations européennes d'habillement grimpe à +9% en volume, et pas seulement +3% que nous connaissons.

La dynamique des exportateurs tire les importations vers le haut



Un autre phénomène aidant à l'accélération des importations européennes n'est autre que la forte dynamique des exportations. "Il n'y a pas que le marché local qui a un impact sur l'import, car on constate en Europe, et notamment en France, que la dynamique des importations suit celle des exportations. Car nous exportons nous-mêmes une bonne partie de ce que nous importons", indique Gildas Minvielle. Qui mentionne notamment le fort dynamisme des exportations à destination des Etats-Unis, tirés par leur plan de relance.


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En termes de pays fournisseurs, l'IFM note que la Chine a connu une progression de 21,6% en valeur de ses exportations d'habillement vers l'Europe, si l'on compare les neufs premiers mois de 2019 et 2022. Une hausse qui est ramenée à 19% en volume. Ainsi, si l'Empire du Milieu dépasse ses niveaux d'avant-crise en valeur, il affiche des niveaux inférieurs en volume. "L'industrie locale n'est pas aidée en cela par la stratégie Zéro Covid", pointe Gildas Minvielle, à l'heure où la Chine vit ses premiers mouvements sociaux massifs contre les restrictions sanitaires.

Une situation qui amène d'autres pays, comme le Bangladesh, à profiter de la situation en dopant ses exportations vers l'UE de 61,5% en valeur et 28% en volume. Une accélération dont le vice-président de la Fédération des fabricants bangladais (BGMEA), Miran Ali, analysait récemment les fondements pour FashionNetwork.com. Pakistan, Inde, Birmanie (malgré le coup d'État de 2021) et le Vietnam (lourdement touché par le Covid l'an passé) tirent également bénéfice de la situation. Ce n'est pas le cas du Cambodge, qui ne profite plus de système de préférence généralisé (SPG), lui offrant des avantages douaniers aux portes de l'Europe.

Côté fournisseurs de proximité, seule la Turquie, troisième fournisseur de l'UE, semble tirer son épingle du jeu. Le pays affiche une progression de 28,9% en valeur et 13% en volumes depuis 2019. Le Maghreb perd lui des parts de marché, constate l'IFM, avec pour le Maroc et la Tunisie des stagnations de volumes, et une faible évolution de la valeur des marchandises exportées vers l'UE. La crise sanitaire semble avoir suspendu encore pour un temps la dynamique entourant avant crise l'approvisionnement Euromed.

Quelles stratégies de sourcing en 2022 ?



Mais cette suspension pourrait bientôt prendre fin, selon les déclarations de la centaine de marques consultées par l'IFM. Pas moins de 48% des répondants veulent l'an prochain renforcer leur approvisionnement en Méditerranée, et 39% comptent le stabiliser. A ceux-ci s'ajoutent 39% souhaitant renforcer leurs commandes en Europe, de l'est comme de l'ouest, et 61% entendent les stabiliser.


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Une situation qui contraste avec les déclarations entourant le sourcing asiatique (hors-Chine). Pas moins de 65% et 33% des répondants veulent respectivement y réduire et stabiliser leur approvisionnement. "Il y a surtout dans ces chiffres une volonté de se désengager de la Chine", pointe Gildas Minvielle. En effet, en incluant les réponses liées au sourcing chinois, les chiffres grimpent à 73% de répondants souhaitant réduire leurs commandes.

Vers - 4,9% de consommation d'habillement



Dans les stratégies d'approvisionnement se pose naturellement la question des débouchés. Au printemps, l'IFM formulait trois scénarii pour la consommation tricolore, dont le plus optimiste était un retour aux niveaux de 2019. Hélas, il semblerait que c'est le scénario le plus pessimiste qui se matérialise finalement. Encore dans l'attente des chiffres de novembre et décembre, l'IFM projette désormais que l'année se terminera sur une hausse d'environ 3,3% des ventes par rapport à 2021, impliquant une chute de près de 4,9% par rapport aux niveaux de 2019.

"Ce n'est pas vraiment une surprise et, pour 2023, nous ne comptons pas sur une croissance", prévient le directeur de l'Observatoire Economique. "Au sein d'une consommation qui ne progressera pas, notre secteur connaitra vraisemblablement une année ressemblant à 2022. Dans un marché qui a par le passé toujours été très en attente de valeur, la croissance n'est plus tellement d'actualité. La logique du "moins mais mieux" affichée par les consommateurs va, d'une certaine manière, s'appliquer au marché lui-même".

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