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22 févr. 2018
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Fosun veut faire de Lanvin sa figure de proue

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22 févr. 2018

Fosun, qui a confirmé ce jeudi avoir pris le contrôle de la maison de couture Lanvin, n'est pas encore le groupe le plus introduit dans le monde de la mode, mais n'est pas un novice non plus. Ce conglomérat chinois tentaculaire, connu pour ses acquisitions tous azimuts dans une multitude de secteurs d'activités, a déjà des participations majoritaires ou au moins conséquentes dans cinq marques via Fosun Fashion Group : Folli Follie (Grêce), St John (US), Caruso (Italie), Tom Tailor (Allemagne) et Iro (France).


Collection été 2018 - Lanvin

 
Outre Lanvin, le groupe au 9,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2016 envisagerait (ou tout du moins l'envisageait il y a peu encore) d’ajouter un autre nom à cette liste : celui de La Perla. La griffe de luxe italienne, spécialiste de la lingerie ayant élargi ses activités au prêt-à-porter féminin, avait en effet ouvert des négociations exclusives avec Fosun en décembre dernier. La période de négociations serait terminée, mais aucun des deux acteurs ne commentent aujourd’hui le sujet, n’écartant ni l’hypothèse d’un échec des discussions, ni celle de leur poursuite.
 
Deux maisons ciblées sur le terrain du luxe, un domaine sur lequel le groupe s’est déjà aventuré avec le joaillier Fabergé, mais aussi avec la marque américaine féminine traditionnelle St John, spécialiste de la maille. Les autres participations de Fosun sont plus diverses en positionnement : Iro, dont le groupe est actionnaire majoritaire depuis l’été 2016, investit le segment du prêt-à-porter premium et mixte, avec 36 boutiques dans le monde. Le haut de gamme est également le terrain de jeu de Caruso, la griffe masculine italienne. Un peu plus abordable, la marque d’accessoires et de bijoux grecque Folli Follie, et carrément beaucoup plus accessible, l’allemand Tom Tailor, dont le groupe est le premier actionnaire à hauteur de 30%, avec son profil d’enseigne d’habillement familiale de cœur de marché.

Fosun Fashion Group opère donc sur plusieurs tableaux à la fois, que ce soit en termes de taille des sociétés ou de positionnement. Mais Lanvin doit bien devenir la nouvelle référence du groupe, en fer de lance de sa division mode, tant la maison parisienne offre notoriété, histoire et potentiel international aux yeux de son nouveau propriétaire.

Jusque là, c'était plutôt le Club Med que le groupe privé fondé en 1992 par des étudiants de la prestigieuse université Fudan à Shanghai mettait en avant. Le conglomérat géant, dont les activités vont de la finance à la pharmacie en passant par le tourisme, avait mis la main début 2015 sur le spécialiste des villages-vacances, après une âpre bataille de deux ans. Depuis, il développe vigoureusement ses activités en Chine. C'est d'ailleurs cette réussite qu'un porte-parole du groupe cite pour expliciter quelle pourrait être la stratégie avec Lanvin. « C'est le meilleur exemple de ce que Fosun peut et veut faire. La stratégie pour le Club Med et Lanvin est similaire : travailler en proximité avec l'entreprise, lui apporter son soutien d'abord, puis la développer à l'international, naturellement en Chine, mais pas seulement, à l'image du dernier village-vacances ouvert au Japon », commente ce porte-parole du conglomérat chinois.

Soutenir financièrement en premier lieu, pour remettre Lanvin à flot, tant la situation comptable de la maison était périlleuse, et développer ensuite. Pour l'instant, pas de piste privilégiée en matière de positionnement pour les collections : il reste encore à découvrir si le nouveau propriétaire validera le virage créatif pris avec l'arrivée d'Olivier Lapidus l'été dernier à la tête des collections femme, qui cristallise les critiques et a accentué l'érosion des ventes.

Fosun a réalisé entre 2013 et 2017 pour au moins 13,5 milliards de dollars (11 milliards d'euros) d'acquisitions à l'étranger, selon la firme financière Dealogic. Une frénésie de rachats dans des secteurs éclectiques, ponctuée de coups d'éclat. En France, Fosun est engagé dans de longs pourparlers pour entrer au capital de la Compagnie des Alpes, leader mondial de l'exploitation des domaines skiables.


Guo Guangchang, président du conglomérat Fosun - STR/AFP/Archives


Le conglomérat possède également des participations importantes dans le "Cirque du Soleil" canadien, le voyagiste britannique Thomas Cook, la première banque privée portugaise BCP... Aucun secteur ne lui échappe: il s'est proposé de racheter aussi bien le géant indien du médicament Gland Pharma que l'emblématique joaillier de luxe Fabergé. Le groupe ne dédaigne pas les opérations plus modestes : en 2017, il a pris le contrôle des français Paref, spécialiste de la gestion immobilière, et Tridem, expert de la distribution de médicaments en Afrique.

Cette fièvre d'acquisitions, financées largement par l'endettement, a fini par inquiéter les régulateurs chinois, qui ont ordonné l'an dernier des vérifications sur des prêts à risques contractés par les grands conglomérats privés du pays.

Les géants Wanda et HNA, dans la tourmente et lourdement endettés, ont multiplié ces dernières semaines les cessions d'actifs pour renflouer leurs comptes. Mais le directeur général de Fosun, Wang Qunbin, avait démenti en août « une quelconque enquête formelle des régulateurs » contre le groupe, tout en saluant le durcissement de Pékin contre les investissements « irrationnels ».

L'emblématique président de Fosun, Guo Guangchang, est selon Forbes la 16e fortune chinoise avec des actifs d'environ 9 milliards de dollars. Très connecté politiquement, il est volontiers vu comme un oracle des marchés et qualifié de "Warren Buffett" local. Sa mystérieuse disparition durant quelques jours fin 2015 avait fait l'effet d'un coup de tonnerre dans la communauté des affaires. Fosun avait tardivement indiqué que Guo Guangchang apportait « son aide à des enquêtes judiciaires ». Le milliardaire avait refait surface peu après.
 
Cela n’a donc pas éteint la soif d’investissements du multimilliardaire, s’adjugeant aujourd'hui Lanvin, avant probablement d’autres acquisitions mode à venir.

Anaïs Lerévérend avec AFP

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