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Thierry Perusat : "Burton of London doit afficher un nouvel état d’esprit entre la fast-fashion et le premium"

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4 juin 2018

PDG de l’enseigne mixte du groupe français Omnium (Devred 1902, Bouchara) depuis deux ans, après avoir dirigé La Fée Maraboutée, Thierry Perusat a engagé un chantier de modernisation visant à remettre au goût du jour la collection féminine, notamment par le biais de collaborations, tout en lançant un nouveau service chez l’homme, à savoir la personnalisation de costumes. Il expose à FashionNetwork.com les clés de la restructuration de cette marque créée en 1903 dans le nord de l'Angleterre par un tailleur d'origine russe de 18 ans, et dont la filiale française a été reprise en 1981 par Rallye, avant d'être revendue à Omnium en 1991.


L’enseigne est arrivée en France en 1946 avec quatre magasins. - Burton of London


FashionNetwork.com : Quel travail avez-vous entamé depuis votre arrivée à la tête de Burton of London ?

Thierry Perusat :
L’entreprise méritait une restructuration, qui depuis deux ans a pris deux formes : la reconstitution d’une équipe de direction cohérente et une refonte de la plateforme de marque. Pierre-Olivier Bazin nous a rejoint en tant que directeur retail il y a deux ans, Béatrice Mariton a pris la direction marketing et digitale, tandis que la tête du style a été revue : Véronique Boute supervise la collection femme, tandis que Sucilia Basilio dirige la collection masculine. Toutes deux travaillent sous la houlette d’une directrice artistique, Sophie Lechat, qui travaille en free-lance pour nous depuis deux ans et dont l’objectif est de redonner une cohérence entre l’homme et la femme, et de parvenir en termes de ventes à un équilibre 50/50. Car la dynamique s’est inversée au fil des années, la ligne féminine - qui représente 48 % du chiffre d’affaires aujourd’hui, contre 70 % il y a une quinzaine d’années - vieillissait tandis que l’homme, lui, se modernisait.

FNW : Que mettez-vous en place pour retrouver cet équilibre ?

TP : La clé réside dans l’évolution produit. L'offre masculine était pertinente, mais l'homme était un peu timide et conservait un certain classicisme. La marque va aller plus loin dans ses propositions stylistiques et cela se ressentira vraiment sur la collection automne-hiver 2018/19. On lance également le costume personnalisé : le client choisit entre trois coupes différentes, puis son tissu parmi 300 échantillons, sa doublure, ses boutons et la possibilité de l’enrichir d’une broderie. L’ourlet du pantalon et la longueur de manches sont aussi adaptés à sa taille, pour un ensemble unique vendu entre 700 et 900 euros.  

Le renouveau de la ligne femme, qui a été un peu délaissée par le passé, est moins évident à mettre en œuvre, sur un secteur très compétitif. Nous avons identifié plusieurs axes : tout d’abord la focalisation sur nos produits forts (la grosse pièce, la maille et le pantalon) conduisant à la clarification de l’offre. Mais aussi le renforcement d’une identité propre par la création d’imprimés exclusifs, ce qui n’était pas le cas auparavant. Savoir se différencier, cela passe aussi par la mise en place de collaborations. Nous le faisons depuis un an et demi. Après Virginie Guarisco, nous avons choisi de nouer un partenariat cet été avec Liberty.

Enfin, le processus d’achat a totalement changé. Avant, 100 % des achats étaient effectués avant la saison, soit huit mois en amont. Depuis l’an passé, ce taux est tombé à 65 % ; l’actualisation et le réassort complètent les gammes, avec une livraison en huit semaines. C’est une vraie révolution pour Burton.


Collaboration avec Liberty, été 2018 - Burton of London

 
FNW : Comment évolue votre réseau de magasins ?

TP :
Le parc reste stable avec 134 points de vente en France, il n’y a pas eu d’ouverture de nouveaux points de vente. Pour relancer la machine petit à petit, nous réfléchissons à déployer l’affiliation, uniquement pour l’homme et par le biais de magasins de 110 à 120 mètres carrés. Le marché de la mode masculine est plus simple que celui de la femme, avec moins d’acteurs. Et, quand une marque trouve son juste positionnement, l’homme reste plus fidèle à celle-ci que la femme.

FNW : L’e-commerce apparaît-il comme un axe de développement ?

TP :
Les ventes du site progressent de 20 à 30 % par an, même si celles-ci ne représentent encore que 3 % de notre chiffre d’affaires global. L’objectif est fixé à 5-6 %. Nous restons très pragmatiques. Ce qui est significatif, c’est la clientèle que nous attirons : elle est plus jeune de 10 ans que celle qui fréquente nos magasins. L’entreprise projette en outre de lancer une nouvelle plateforme web et de digitaliser tous ses fonctionnements. Nous sommes en discussion actuellement avec le groupe Omnium pour chiffrer et obtenir cet investissement.

FNW : La marque souffre-t-elle d’un déficit d’image ?

TP : Burton est moins une marque vieillissante qu’une marque endormie. La problématique, c’est la visibilité et la notoriété, plutôt qu’un souci d’image. Nous devons être bien meilleurs sur les réseaux sociaux, surtout auprès des gens qui ne nous connaissent pas. En ce sens, les collaborations s’imposent comme un vrai vecteur de communication. D’ailleurs, et c’est assez nouveau, nous sommes sollicités par des blogueurs pour nouer des partenariats, par exemple avec le site Comme un Camion, qui est venu vers nous.

FNW : Souhaitez-vous donc attirer une nouvelle clientèle ?

TP : Notre leitmotiv, c’est la réinvention. Burton est bien ancrée dans l’imaginaire des Français, on se doit de capitaliser sur la qualité et le bien-aller, c’est tout de même une marque tailoring née au Royaume-Uni il y a plus de 100 ans. Notre cœur de cible reste toujours les 35-55 ans, cependant, la clientèle de l’enseigne est un peu vieillissante. Elle doit afficher un nouvel état d’esprit, qui n’est pas celui de Devred ou d’une marque jeune, entre la fast-fashion jetable et le premium inabordable.

Nous avons identifié deux groupes cibles : "les dénicheurs", des trentenaires qui redécouvrent des marques fortes et s’en saisissent ; et les adeptes du "moins mais mieux", qui ont envie de produits coup de cœur qui durent. Les vêtements Burton of London doivent s’imposer comme des compagnons de route, à la mode et portables, et à la fois marqueur de personnalité et objet
de bien-être.

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