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21 févr. 2017
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Textile : les acheteurs se tournent de plus en plus vers l'Ouest, au détriment de la Chine

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Reuters
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21 févr. 2017

La hausse des coûts du travail, des matières premières et de l'énergie érodent en effet peu à peu la compétitivité de la Chine. Les acheteurs internationaux du secteur textile se détournent de plus en plus de l'Empire du Milieu au profit de fournisseurs occidentaux.

Le salaire horaire d'un tisseur chinois était l'an dernier de 3,52 dollars, en hausse de 25 % par rapport à 2014 - Reuters


À Biella, une petite ville au pied des Alpes, au nord de l'Italie, là où l'industrie de la laine est installée, les propriétaires d'usine ont constaté un retour des clients haut de gamme, en raison à la fois de la réduction progressive des différences de prix avec la Chine et de leur capacité à fournir une production de qualité.

Dans les bureaux de son entreprise familiale, Alessandro Berberis Canonico raconte comment un important client européen l'a récemment appelé pour l'informer qu'il n'allait plus se fournir en Chine, à cause de la hausse des coûts et d'un besoin croissant de qualité. « Il a tenté sa chance à l'étranger. Les choses ne se sont pas bien passées, donc il est de retour », déclare ainsi ce dernier.

Sans conteste, la Chine reste le principal pays producteur de textile. Le pays emploie 4,6 millions de personnes, le secteur représente un dixième du PIB et les exportations se montaient à 284 milliards de dollars en 2015, selon les données du Bureau chinois des statistiques, du ministère de l'Industrie et de la Chambre de commerce du secteur textile et de l'habillement.

Mais les salaires y ont augmenté à un taux moyen dépassant les 12 % par an, soit nettement plus que la croissance de l'économie. En même temps, le secteur textile chinois doit faire face à la hausse du coût de matières premières comme le coton et la laine, à de lourds droits d'importation pour les équipements de production et à des règles environnementales de plus en plus strictes.

Le plan à cinq ans du gouvernement pour le secteur textile, dévoilé en septembre dernier, a reconnu le fait que la hausse des coûts érode progressivement l'avantage concurrentiel du pays sur les marchés internationaux, qui doit aujourd'hui faire face à la concurrence à la fois des pays développés – comme l'Italie –, qui disposent d'une technologie plus avancée et des pays en voie de développement, dont le coût du travail est plus faible.

Selon les chiffres de la Fédération internationale du textile, l'écart entre les coûts du travail italien et chinois dans le secteur textile s'est réduit de 30 % entre 2008 et 2016. Le salaire horaire d'un tisseur chinois était l'an dernier de 3,52 dollars, selon la Fédération, soit une hausse de 25 % depuis 2014, ce qui, il est vrai, ne représente encore qu'une fraction du coût du travail en Italie, qui est de 27,25 dollars par heure.

« Alors que les salaires chinois ne sont plus si bas, la perspective de devoir transporter les matériaux jusqu'en Chine pour ensuite expédier les produits vers l'Europe devient de moins en moins attractive, selon Shiu Lo Mo-ching, le président de la Chambre des textiles de Hong Kong et PDG du fabricant Wah Fung Group. Ils préfèrent alors rapatrier la production en Europe. Cette tendance est très visible. »

Cette proximité devient aussi un avantage alors que les marques occidentales sont sous pression pour créer de plus en plus de collections et que les consommateurs demandent de plus en plus des produits personnalisés. Les fournisseurs doivent donc être plus proches et plus rapides.

Les importations textiles italiennes ont chuté de 8,7 % au cours des 10 premiers mois de l'année dernière, à 347 millions d'euros, selon le SMI, l'association italienne des producteurs textiles. Ses exportations vers la Chine ont progressé de 2,8 %, à 165 millions d'euros, sur la même période, même si les exportations totales ont reculé de 2 %, à 4,3 milliards d'euros.

Selon Alessandro Brun, professeur au Milan Politecnico, les marques sont aussi de plus en plus sensibles aux problèmes de traçabilité et souhaitent éviter de voir leur réputation écornée. Même si les producteurs, pour des raisons de confidentialité, ne souhaitent pas nommer les marques qu'ils fournissent, plusieurs grandes marques internationales ont décidé de se tourner vers les usines italiennes afin de pouvoir se différencier de la concurrence. L'Italien Benetton a ainsi déclaré utiliser la laine de Tollegno 1900 pour fabriquer sa nouvelle ligne Made in Italy de pulls en laine sans couture.

A plus de 9 000 km de Biella, au salon commercial de Canton, des acheteurs confirment aussi avoir commencé à quitter la Chine. « Nous achetons déjà 60 % moins en Chine par rapport à il y a deux ans », a ainsi confirmé Olesia Pryimak, dont l'entreprise ukrainienne Opri est spécialisée dans les grandes tailles. Elle a ajouté que son entreprise se tourne de plus en plus vers la Turquie pour se fournir en tissus, pour des raisons de qualité, prix et proximité.

Toutefois, les producteurs et acheteurs estiment qu'il est encore trop tôt pour que cette tendance se traduise au niveau des chiffres. Si les exportations textiles de la Chine vers l'Union européenne ont progressé de 1,4 % au cours des 10 premiers mois de l'année dernière, elles ont chuté de 4,1 % en octobre, selon les statistiques chinoises.

A Zhuhai, au cœur de la ceinture industrielle du sud de la Chine, des travailleurs chargent des ballots de laine blanche destinée à la teinture dans une grande usine du groupe hongkongais Novetex Holdings, qui fournit les grandes marques internationales comme Burberry et Max Mara en laine et cachemire. L'entreprise emploie environ 1 100 travailleurs durant la haute saison, mais la hausse des salaires a entraîné une augmentation des investissements en équipements d'automatisation. D'ici deux ans, la force de travail sera réduite des deux tiers.

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