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Paul Kaplan
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10 sept. 2017
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New York Fashion Week : la douce nostalgie des créateurs américains

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
10 sept. 2017

Bienvenue dans l'ère de la nostalgie. Les souvenirs ont assailli la dernière Semaine de la mode new-yorkaise. Comme si les créateurs regrettaient un bon vieux temps aujourd'hui perdu, dont la mémoire est d'autant plus douce que le présent est amer. 

Les défilés des trois premiers jours étaient clairement tournés vers un passé alors plus optimiste, quand le pays croyait à un futur heureux - et à son rôle d'amuseur et d'éclaireur du monde. Peu enclins à suivre l'appel du président Trump à « Make America Great Again » (redonner sa grandeur à l'Amérique), les créateurs de New York semblent conscients, non sans en souffrir, que la réputation des États-Unis a été malmenée sur le plan international, notamment à cause du retrait de l'Accord de Paris sur le climat et de la politique d'immigration de la nouvelle administration républicaine.


Creatures of the Wind - printemps-été 2018 - New York - Indigital.tv


Prenons le cas d'Adam Selman, qui a pris pour référence principale l'une des artistes féminines les plus connues d'Amérique, Georgia O'Keeffe. Il a choisi de baser sa collection sur la fameuse chemise à carreaux de la peintre moderniste, tout en y injectant de la fougue et de l'énergie. Au lieu de répéter les chemises à col boutonné qu'adorait Georgia O'Keeffe, Adam Selman a proposé des combinaisons courtes ou une spectaculaire robe-chemise longue jusqu'à la cheville, portée ouverte sur un soutien-gorge en satin rouge - une tenue qui dévoilait beaucoup de peau. Côté denim, ses jeans brodés très seventies rappelaient l'allure pleine d'assurance d'une époque souvent appelée « The Me Decade » (la décennie du moi). 

« J'en ai assez d'entendre : à bas l'Amérique », s'est expliqué Adam Selman en coulisse.

Kate Spade New York a proposé la présentation la plus drôle de la saison, sous les arcades de la gare Grand Central Station, à l'intérieur d'une véritable institution new-yorkaise, l'Oyster Bar. Les rédactrices sirotaient des cocktails de Bellini et des huîtres iodées toutes fraîches, tandis que le Preservation Hall Jazz Band - tout droit débarqué de La Nouvelle-Orléans - paradait parmi la foule. La directrice artistique de Kate Spade New York, Deborah Llyod, a fait référence à la ville de Louisiane pour capturer un sentiment d'insouciance perdu - robes à fleurs toutes en transparences, tenues noir profond ou à carreaux blancs, portées avec des casquettes de baseball brodées de slogan : « Work it » (au boulot). « J'ai voulu redonner vie à un certain esprit de l'Amérique », a raconté Deborah Lloyd - hasard du calendrier, son défilé avait lieu juste avant le passage de l'ouragan Irma, qui a rappelé au pays tout entier le douloureux souvenir de l'ouragan Katrina, qui avait détruit une grande partie de La Nouvelle-Orléans.

Le meilleur défilé de jeune créateur du week-end - Creatures of the Wind - faisait référence aux contre-cultures des sixties, à une époque où la possibilité d'un réel changement par la révolution galvanisait toute une génération. Chez Christian Cowan, le nouveau talent qui a présenté sa collection à NoHo dans le fameux restaurant Indochine, on trouvait plutôt un désir de glamour déjanté, un retour à l'optimisme un peu grisant des années 1970 - et une partie de sa collection semblait avoir été inspirée par Trash & Vaudeville, une friperie légendaire de l'East Village, qui attirait les stars de glam rock avec son mélange de style victorien, ses articles de cabaret et son imagerie « Space Age ». 

De fait, Christian Cowan a présenté des tops à manches Renaissance, des trenchs en argent métallisé et un tailleur-pantalon noir et blanc, coupé dans un tissu imprimé à motif film d'horreur. Christian Cowan connaît visiblement son histoire de la mode et le passage le plus mémorable de ce défilé intelligent était un tailleur-pantalon en tweed rose, composé d'un pantalon-jarretelle fort échancré, d'un soutien-gorge et d'un sombrero assortis; un clin d'oeil farfelu à Coco Chanel, porté par un mannequin qui tenait un pékinois en laisse rose.

Brandon Maxwell avait sorti le grand jeu hollywoodien des années 1950. Le talentueux Texan semble regretter cette période plus douce et polie, à des années-lumière des bassesses de la classe politique américaine actuelle.


Brandon Maxwell - printemps-été 2018 - New York - © PixelFormula

 
Un peu à part, le défilé le plus attendu de la saison, Calvin Klein, portait plutôt sur la face sombre du rêve américain - du rodéo jusqu'au concert de rock. Malgré ce thème, Raf Simons, l'avant-gardiste belge, semble résolument tourné vers le futur et réinvente les codes de la mode avec audace. 


Calvin Klein - printemps-été 2018 - New York - © PixelFormula


La Fashion Week comprenait aussi une autre grande tradition américaine : une manifestation. Sur la Cinquième Avenue, l'une des artères les plus connues de la ville, une groupe de la Ligue de Défense des Animaux est parvenue à empêcher la présentation de Banana Republic. Sous quel motif ? Rien de particulier dans la collection en elle-même, mais le fait que l'égérie de la marque soit Olivia Palermo, mannequin et blogueuse, connue pour porter régulièrement de la fourrure.

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