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Paul Kaplan
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31 juil. 2017
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Must-see : l'exposition Christian Dior, couturier du rêve

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Paul Kaplan
Publié le
31 juil. 2017

Cet été et jusqu'à l'automne, l'exposition mode la plus incontournable du moment est à coup sûr Christian Dior, couturier du rêve, organisée pour célébrer les 70 ans du « New Look » et de cette maison mythique. 

FashionNetwork.com a rencontré le conservateur Olivier Gabet à l'occasion d'une visite guidée.
 

La robe Gruau, coupée en 1949 en satin de soie par Monsieur Dior


Donnant à voir plus de 300 pièces Dior, l'exposition comprend les silhouettes des 10 créateurs qui se sont succédé à la tête de la maison, y compris son fondateur. Les stars incontestables de cette rétrospective sont, évidemment, Christian Dior et John Galliano, son quatrième successeur. L'exposition a ouvert en juillet au Musée des Arts décoratifs, une des ailes du Palais du Louvre, au cours d'un vernissage qui a réuni 2 000 invités, juste après le défilé de la collection haute couture Dior automne-hiver 2017, dessinée par Maria Grazia Chiuri.

Vu l'importance de cet événement, FashionNetwork.com a rencontré le commissaire d'exposition et directeur du musée, Olivier Gabet, pour une visite guidée de cette rétrospective mémorable.

« Nous voulions considérer Dior depuis un point de vue purement artistique. Le but n'était pas de faire la promotion commerciale de la marque », assure Olivier Gabet, qui nous a accueilli devant le fameux tailleur Bar - une veste à cinq boutons en soie Shantung, pincée à la taille, portée avec une jupe évasée en crêpe de laine, que les dames pouvaient porter au comptoir d'un bar à cocktails, d'où le nom - ensemble équilibré et élégant qui a fait sensation dans la collection New Look du 12 février 1947.

L'exposition s'ouvre sur un retour détaillé de l'éducation de Dior; des jours heureux de sa jeunesse passée à la villa Les Rhumbs, la maison familiale Belle Époque perchée sur une falaise normande à Granville, face à la mer - jusqu'aux années passées à diriger sa propre galerie d'art, à deux pas des Champs-Élysées, dans les Années Folles. La famille Dior était si bourgeoise et conservatrice que son père n'a accepté de financer sa galerie qu'à condition qu'elle ne porte pas son nom. Ironie du sort quand on pense aux montagnes d'or amassées depuis grâce au logo Dior.

« Mis à part quelques initiés, la plupart des gens ne savent pas qui était Christian Dior. C'est pourquoi nous avons voulu insister sur ses années de formation », précise Olivier Gabet, qui a conçu l'exposition avec Florence Müller.

On sent bien que Christian Dior savait repérer le talent. La photographie d'une exposition célèbre dans sa petite galerie d'art laisse voir des oeuvres de Giacometti ou de Picasso. « Nous avons conservé trois oeuvres originales de cette Exposition surréaliste de 1933; l'une de Dali, Pharmacie de Marcel Duchamp et le premier métronome-oeil de Man Ray », ajoute Olivier Gabet.
 
Après que la crise financière a balayé le marché de l'art, Christian Dior s'est peu à peu tourné vers la mode, créant des robes de bal pour des soirées de gala - avant d'apprendre véritablement son métier auprès du couturier Lucien Lelong. De nos jours, les créateurs présentent leurs premières collections au cours de défilés de fin d'année de grandes écoles de mode. Christian Dior, lui, a attendu 42 ans.

L'inspiration tirée des grands bals mondains est captée dans une superbe photo de Cecil Beaton : on y voit la princesse Margaret dans une robe de soirée ravissante. « Il était rare, à l'époque, qu'une princesse anglaise passe commande auprès d'un couturier français », note le commissaire d'exposition.

Pourtant, Christian Dior n'a jamais laissé de côté sa première vocation, consacrée aux beaux-arts. On le voit dans cet ornement sculptural d'une robe de cocktail de 1947 en micro-plissé orange sanguine ou dans cette petite robe noire de 1948, qui bourgeonne d'un plumage en faille de soie, comme une figurine religieuse. On note aussi l'amour du voyage; Christian Dior a visité Moscou dans les années 1930, bien avant la Guerre Froide, a ouvert très tôt un magasin à Londres et a même organisé des défilés à Caracas. Une tradition poursuivie par ses successeurs - on se souvient des mémorables robes tribales de John Galliano, quand le perlage africain rencontrait le savoir-faire extraordinaire de l'atelier Dior.
 
« Avec du recul, je pense que Galliano est le plus fidèle de tous les successeurs », avance Olivier Gabet. Le créateur britannique, viré du jour au lendemain après un scandale retentissant - une vidéo de lui, ivre et drogué, le montrant menaçant et antisémite à la terrasse d'un café parisien -, est en quelque sorte réhabilité par l'exposition, qui donne à voir la bravoure et la beauté évidentes de ses collections pour Dior.


Robe bustier de 2004 par John Galliano


« Dior dispose d'archives remarquablement sophistiquées. Et, je dois le dire, ils ont eu l'élégance et le professionnalisme de nous donner carte blanche », a souligné Olivier Gabet.

Les multiples facettes de l'identité Dior, comme sa tradition artistique, sont évidentes dans une soie imprimée du temps de Raf Simons, inspirée d'un tableau de Sterling Ruby. De fait, une pièce a été consacrée à chacun des principaux successeurs de Dior, avec des vidéos de ces célèbres créateurs de mode et des explications sur leurs méthodes de travail; depuis la directrice artistique actuelle, Maria Grazia Chiuri, et ses gigantesques planches d'inspiration, riches et intéressantes, jusqu'à la sophistication mondaine d'Yves Saint Laurent et de son trapèze haute couture, en passant par les imposants livres d'inspiration que John Galliano préparait chaque saison et la collection de statues anciennes méticuleusement rassemblée par Gianfranco Ferré, associées aux robes qu'elles ont inspirées.


La robe imprimée Sterling Ruby de 2012 (Raf Simons pour Dior); La robe "Jardin Fleuri"de 2017 (Maria Grazia Chiuri pour Dior)


Le clou du spectacle se trouve dans la nef principale du musée, décorée comme pour un bal, remplie des robes portées par Grace Kelly, Lady Diana, Charlize Theron ou Jennifer Lawrence. D'immenses écrans vidéo diffusent des extraits de légendes du cinéma - Brigitte Bardot, Elizabeth Taylor, Marlene Dietrich ou Sophia Loren - habillées en Dior dans des films célèbres.

« Anna Wintour m'a dit qu'elle trouvait cette idée très commerciale. Fou, non ? Je pense qu'elle doit être un peu jalouse. C'est drôle venant d'elle, non ? » a glissé Olivier Gabet.
 
Quoi qu'il en soit, la pièce la plus envoûtante est indubitablement celle qui contient les toiles blanches réalisées pour chaque collection. Hommage à la colonne vertébrale de l'illustre maison, les « petites mains », qui continuent de construire avec dévotion les rêves de tous les créateurs passés par ce monument du style français, depuis la mort subite de Monsieur Dior, pendant une cure en Italie, en 1957.
 
Christian Dior, couturier du rêve, au Musée des Arts Décoratifs, jusqu'au 7 janvier 2018.

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