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9 mars 2014
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Lison de Caunes, une créatrice qui trouve de l'or dans les bottes de paille

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9 mars 2014

PARIS, 08 mars 2014 (AFP) - Depuis près de 40 ans, la paille est sa passion et elle en a fait une source de création. Lison de Caunes travaille ce matériau venu des champs pour les plus grandes maisons, sortant la marqueterie de paille de l'oubli.

Quand elle a commencé, autour de 1975, personne n'y croyait. L'art de travailler la paille était "complètement oublié, démodé" et on le "confondait avec la vannerie ou le rempaillage de chaises", dit-elle aujourd'hui dans son atelier du VIe arrondissement de Paris.

Lison de Caunes travaille le matériau venu des champs pour les plus grandes maisons, sortant de l'oubli la marqueterie de paille, un artisanat d'art traditionnel français datant du XVIIe siècle. Photo AFP -| Franck Fife


Fille du journaliste Georges de Caunes et de l'écrivain Benoîte Groult, et sœur d'Antoine de Caunes, cette élégante femme de 65 ans est allée à rebours de cette famille très médiatique. Mais elle a simplement remonté une génération, son grand-père, André Groult, ayant été décorateur dans la période Art déco et l'un des seuls à utiliser le produit céréalier pour orner les meubles.

"Mon grand-père m'apportait de la paille", se souvient Lison de Caunes, "une matière que je trouvais très belle".

Après des cours de reliure et d'ébénisterie, elle tombe très vite dans la paille: "quand j'ai dit aux décorateurs que je pouvais restaurer (la marqueterie), ils étaient aux anges, donc j'ai abandonné la reliure", explique-t-elle à l'AFP.

Dans les années 1980, la créatrice monte une exposition à Paris qui suscite "vraiment un intérêt". Elle écrit aussi plusieurs ouvrages sur le sujet, mais le "vrai déclencheur" aura été sa nomination comme "maître d'art" en 1998.

Avec tout ça, "j'ai sorti la marqueterie de paille de l'oubli. Aujourd'hui, c'est vraiment à la mode" et la technique est même de nouveau enseignée dans les écoles prestigieuses comme l'école Boulle, se félicite Mme de Caunes.

Après avoir travaillé 20 ans toute seule, elle a aujourd'hui cinq employés - dont son élève Valérie Colas des Francs, 49 ans -, qui l'aident à réaliser ses pièces parfois pour des grands noms comme Guerlain, Hermès ou Vuitton.

- L'or des pauvres -

La paille, explique la maître d'art, a longtemps été l'"or des pauvres", en raison de sa "brillance naturelle", ou l'art de "comment faire chic avec une matière humble".

Le matériau a connu des hauts et des bas depuis le XVIIe siècle, et a notamment été travaillé dans les bagnes et par les prisonniers de guerre.

"Aujourd'hui, c'est cher et il faut que ça reste cher parce que ça prend du temps et parce que c'est luxueux", estime la créatrice.

Elle se fournit auprès d'un céréalier de Bourgogne pour 50 à 60 euros la botte. La matière est vernie naturellement et brille grâce à la silice absorbée par la plante. Pour la marqueterie, le brin est ensuite écrasé avec un "plioir" en os, puis collé sur le support.

Selon Mme de Caunes, il n'existe que quatre ou cinq ateliers du même type dans le monde, le sien se consacrant aussi bien à la restauration (environ 20% de l'activité) qu'à la création.

"Ce n'est pas toujours rentable", mais "on se débrouille", souligne-t-elle. "Je ne suis pas une angoissée de nature, ça tombe bien".

A ses débuts, son père n'était pas vraiment convaincu. La figure du petit écran "disait que je faisais du cartonnage", se souvient-elle, ajoutant que sa mère, féministe, était aussi "choquée" par l'absence de femmes dans le milieu.

Mais, précise Lison de Caunes, "petit à petit, ils se sont rendu compte que je réussissais".

Elle désigne fièrement la mention de la Légion d'honneur affichée au mur. "Je récolte les fruits de 20 ans de travail. On sort de l'ombre, c'est assez agréable".

Pour elle, les deux mots clés du métier sont "patience et passion", deux vertus que possède Valérie. Issue du marketing, elle a décidé après la naissance de ses jumeaux, de changer de voie, quitte à diviser son salaire par deux (1.400 euros nets par mois aujourd'hui).

Lison de Caunes est fière de son équipe qui compte aussi un ancien comptable et un ex-électricien. Et elle relève en souriant: "La paille conserve, on ne fait pas notre âge".Par Charlotte HILL

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