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Les couturiers irakiens font un retour timide sur les podiums

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19 déc. 2007

BAGDAD, 19 déc 2007 (AFP) - Plus de quatre ans après les pillages de leurs créations qui ont suivi l'entrée des troupes américaines à Bagdad, les oeuvres sans prix de couturiers irakiens, spécialisés dans la confection de vêtements mésopotamiens ou sumériens, font un timide retour sur les podiums. Et ils rêvent de présenter leurs collections dans le monde entier... sauf à Bagdad.


Un modèle irakien présente une création dans la Maison de la mode irakienne de Bagdad - Photo : Sabah Arar/AFP

"Nous travaillons comme des papillons, en silence", explique May Rammo, la directrice générale de la Maison de la mode irakienne, financée par les autorités. "Nous ne voulons pas attirer l'attention. Si vous travaillez pour le gouvernement, vous devenez une cible" pour les insurgés, ajoute-t-elle.

Installée dans un immeuble discret de trois étages de Bagdad, une équipe de 307 couturiers, stylistes, designers, dessinateurs recréent des robes et des costumes qui étaient portés dans cette région il y a 5 000 ans.

Ces vêtements brodés à la main avec les seuls matériaux disponibles à l'époque peuvent représenter la période sumérienne (5000-2300 av. J-C), babylonienne (2300-1750 av. J-C) ou assyrienne (1800-613 av. J-C). "Ils sont sans prix et ne sont donc pas à vendre", souligne Mme Rammo.

"Il a fallu dans certains cas un an pour confectionner une pièce. Comment mettre un prix à cela ? Nous faisons ces vêtements pour préserver notre culture. Ils servent juste au plaisir des yeux".

Ces robes et vêtements, imitant ceux portés par les rois et reines de Mésopotamie, "sont faits seulement avec de la soie, du coton et de la laine, il n'y a aucune fibre synthétique", explique cette ancienne ingénieur civile.

Financée par le ministère de la Culture, la Maison de la mode a été créée en 1970 dans le but de préserver la culture irakienne. Des centaines de robes ont vu le jour, "peut-être des milliers", glisse le numéro deux de la Maison, Shireen Mohammed.

Mais ces trésors ont été pillés, comme bien d'autres oeuvres d'art, dans le chaos qui a suivi l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003.

Mme Mohammed s'attendait au pire lorsque, en avril 2003, elle est allée constatée les dégâts à la Maison de la mode. "Trente-trois ans de travail avaient été détruits en un seul jour. Tout était en ruine. J'étais choquée". Hanna Sadiq, chargée de la section des couturiers, soutient que plus d'un millier de vêtements ont été volés ou détruits lors de ces événements.

Mais passé la colère et la tristesse, les employés de la Maison de la mode se sont remis au travail, avec acharnement, pour faire renaître leur culture.

"Nous avons présenté quelques collections", dont une cette année à Alger et une autre à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien (nord), dit Mme Rammo.

"Nous sommes prêts à voyager à l'étranger de nouveau. Nous aimerions aller à New York ou Paris, mais il nous faut un soutien financier", ajoute-t-elle.

Le visage anguleux et des yeux de braise, le mannequin Zaman Hussein se dit fière d'être "le porte-étendard de l'ancienne civilisation" de son pays.

"Nous ne présentons pas des défilés à l'occidental, ce sont des choses plus folkloriques, culturels et artistiques", poursuit-elle.

La possibilité de présenter des créations modernes à l'occidental s'est évanouie, selon elle, en raison des violences interconfessionnelles qui déchirent l'Irak depuis l'attentat contre une mosquée de Samarra en février 2006.

De crainte des extrémistes, Houda Aarim cherche elle à garder secret le fait qu'elle travaille comme modèle.

"La société nous juge mal. Elle estime que ce genre de travail n'a pas sa place dans la société arabe. J'aimerais que la vision de la femme de notre société change", lance cette fausse blonde.

Par Bryan PEARSON

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