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Hyères : mode et technologie, l’éternel débat

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4 mai 2017

La technologie peut-elle aider la création, en quels termes et jusqu’où ? La création doit-elle se protéger de l’intrusion technologique ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles ont tenté de répondre les intervenants de la table ronde « Fashion Tech et création de mode », qui s’est tenue à Hyères durant le festival de mode et de photographie, dans le cadre des Rencontres internationales de la mode.  

Le débat sur technologie et création a animé les Rencontresinternationales de la mode - PixelFormula

 
Sans aucun doute, ce débat a été l’un des plus animés de cette 17ème édition des Rencontres, qui sont organisées chaque année à Hyères pendant le festival par la Fédération française de la couture avec le soutien du Defi et la collaboration de l’Institut Français de la Mode. La discussion a souligné une fois de plus, en effet, le profond désaccord qui subsiste entre high-tech et création pure.
 
« Ce sont deux mondes qui s’ignoraient encore jusqu’à peu. Mais dans un futur proche, avec les vêtements connectés, on va forcément y arriver », résume Carole Sabas, journaliste basée aux Etats-Unis, auteur de la collection de guides « The Fashion Guides ». Pour elle, l’embauche par Apple en 2013 de la directrice générale de Burberry, Angela Ahrendts, est un signe qui ne trompe pas quant au fort intérêt porté par le secteur technologique pour la mode.

Le problème semble surtout être celui de l’approche de la technologie envers le monde fashion. « D’un côté, il faudrait que la technologie disparaisse pour laisser place à la créativité. De l’autre, les sociétés high-tech veulent que leur nom apparaisse, comme on l’a vu avec les montres connectées », souligne la journaliste, qui croit toutefois en un dialogue possible. « Il faut juste faire se rencontrer ces deux secteurs et après, ils pourront parcourir une nouvelle voie ensemble. »
 
« Les sociétés high-tech s’en fichent des créateurs. Elles n’ont aucun intérêt de recherche dans ce domaine. Elles ne comprennent pas comment les vêtements fonctionnent sur le corps », renchérit Amanda J. Parkes, chercheuse et entrepreneure américaine spécialisée dans les matériaux innovants et la technologie portable. A la tête de BuildFashion, le studio high-tech qu’elle a fondé, elle estime que « la technologie devrait devenir invisible, s’intégrer directement au processus de développement et réalisation du vêtement ». A condition de bien connaître les techniques de construction du vêtement.
 
Spécialisé dans l’intelligence artificielle, consultant en communication et stratégie, Charles Thurat repousse ces affirmations. « L’intelligence artificielle va pouvoir aider les designers à organiser leur processus créatif à travers des recherches visuelles sur le Web. On pourra créer des bases de données qui permettront de fusionner les inspirations entre elles, par exemple en trouvant différentes applications pour un même motif ou forme. »
 
« La machine humaine est déjà parfaite ! Les designers n’ont pas besoin d’ordinateur pour traduire leurs idées », tacle Bradly Dunn Klerks, le directeur général de la maison Iris Van Herpen, en dénonçant l’actuelle confusion autour du thème high-tech.
 
« On ne veut pas être submergé d’électronique. La technologie doit donner toute liberté au créateur. Par exemple, l’impression 3D permet de créer des prototypes impossibles sinon à réaliser à la main. Mais aujourd’hui, cette technique est utilisée pour une production de masse qui n’a pas de sens et tue la créativité », poursuit cet expert en 3D.
 
« Le désir a besoin d’exister et la technologie peut être l’un des outils pour réaliser ces créations porteuses de rêve et de désir. Le futur se jouera sur les nouvelles fibres et matières. Il faut faire la différence, toutefois, entre ce qui est possible et ce qui est juste du domaine du gadget », conclut Amanda J. Parkes.
 
Comme le note malicieusement l’un des intervenants, « la France est un pays d’ingénieurs et de créateurs. On ne va pas demander aux stylistes de devenir des ingénieurs... mais qu'ils dialoguent au moins les uns avec les autres ». Sans doute, dans quelques années, le souvenir de ces vifs débats fera sourire le public du festival de Hyères, très probablement converti, d'ici là, à la technologie portable...

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