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23 mars 2017
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Devoir de vigilance : le Conseil constitutionnel retoque les amendes aux multinationales

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23 mars 2017

Le Conseil constitutionnel a validé jeudi l'obligation faites aux multinationales d'établir un plan de vigilance chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger, afin d'éviter des drames comme l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, mais a censuré les dispositions prévoyant des amendes. Hasard du calendrier, la Commission du développement du Parlement européen votait au même moment la mise en place de règles contraignantes concernant les normes de travail et environnementales, ainsi que les droits de l'homme, dans la chaîne logistique de l'habillement.

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Les sages du Palais-Royal ont jugé que « le législateur avait défini l'obligation qu'il instituait en des termes insuffisamment clairs et précis pour qu'une sanction puisse être infligée en cas de manquement », selon un communiqué du Conseil.

Le Parlement avait adopté le 21 février, par un vote unanime de la gauche, la proposition de loi sur le « devoir de vigilance » des multinationales, provoquant la joie des ONG mais aussi le courroux du Medef.

L'objectif est d'éviter des drames comme l'effondrement du Rana Plaza, survenu au Bangladesh en avril 2013. Cet immeuble abritait des ateliers de confection pour de grandes marques occidentales. L'accident avait tué plus d'un millier d'ouvriers et blessé plus de 2 000 autres.

Ce texte prévoit que les 150 plus grandes entreprises françaises (celles de plus de 5 000 salariés) aient l'obligation d'élaborer un plan de vigilance destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement » chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger avec qui elles ont "une relation commerciale durable ».

La loi prévoyait à l'origine une amende allant jusqu'à dix millions d'euros pour les sociétés ne respectant pas cette obligation. Opposés à ce dispositif, 60 députés et 60 sénateurs Les Républicains avaient saisi le Conseil constitutionnel, dénonçant une « loi punitive à l'égard des grandes entreprises françaises ».

Dans son communiqué, la plus haute juridiction française a « jugé conforme à la Constitution l'obligation instituée par la loi d'établir un plan de vigilance, le mécanisme de mise en demeure, la possibilité pour le juge de soumettre la société concernée à une injonction et la possibilité d'engager sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations ».

Mais elle a aussi estimé que certains termes, tels que « mesures de vigilance raisonnable », « droits humains » ou « libertés fondamentales », étaient trop généraux ou indéterminés, et que le périmètre des sociétés, entreprises et activités entrant dans le champ de l'infraction était « très étendu ».

Tout en jugeant nécessaire de renforcer la vigilance, l'Afep (Association française des entreprises privées) a regretté l'imposition « par la loi de contraintes fortes à caractère large et indéterminé pouvant engager leur responsabilité civile », disant craindre des « conséquences négatives pour les entreprises françaises », de « fortes incertitudes juridiques » et au final « une perte de compétitivité ».

Le Medef a été moins virulent : « cette décision nous rassure un peu sur les conséquences très néfastes que cela aurait pu avoir sur l'économie française dans sa globalité », a réagi auprès de l'AFP un porte-parole, en estimant que les amendes auraient "pénalisé les entreprises françaises » vis-à-vis de leurs concurrentes.
Mais pour les ONG qui soutenaient ardemment le texte, cette décision en « demi-teinte » est une « déception ».

Elle « vide en grande partie la loi de sa substance », a déploré Caroline Dorémus-Mège, directrice du plaidoyer au CCFD. « Ce texte fait progresser la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Mais en termes d'efficacité, on sait très bien que s'il n'y a pas de contrainte, ça n'avance pas, ou du moins pas assez vite », a-t-elle souligné.

Pour Sandra Cossart, de Sherpa, le devoir de vigilance est toutefois « consacré ». « C'est une première étape », abonde Sabine Gagnier, chargée de plaidoyer Entreprises et droits humains pour Amnesty international. « On espère que les entreprises vont être de bonne foi et vont appliquer ce devoir de vigilance », a-t-elle espéré.

Dans un communiqué, le ministre de l'Économie et des finances, Michel Sapin, s'est lui félicité du fait que la loi ne portait pas atteinte « à la liberté d'entreprendre ». « Il conviendra d'apporter les précisions législatives rendues nécessaires pour compléter le texte et lui redonner toute sa dimension », a-t-il souligné.

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