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Arnaud Faye (chef étoilé) : "Aujourd’hui, les jeunes sont beaucoup moins bling bling, plus réservés"

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3 août 2016

Si le comportement des adeptes du luxe évolue fortement depuis quelques années face aux griffes de luxe, il en est de même dans la restauration. Chef deux fois étoilé qui a rejoint cet été le Relais-Château la Chèvre d’Or sur la Côte d’Azur, à Eze, entre Nice et Monaco, Arnaud Faye est aussi passé par le Ritz, le Mandarin Oriental et l’auberge du Jeu de Paume à Chantilly. Il dévoile dans FashionMag.com les changements constatés.
 

Arnaud Faye


FashionMag : C’est quoi le luxe pour vous aujourd’hui ?

 
Arnaud Faye : Cela dépend de la personne évidemment. Pour certains, cela peut être une voiture, d'autres des bijoux, d’autres encore un très bon repas. En restauration comme d’ailleurs en mode, on voit se développer une vraie prise de conscience du patrimoine et de sa valeur. On le voit avec les Maisons Dior, Chanel, etc. On retrouve cela avec de jolies assiettes, de beaux produits issus des territoires.

FM : Faut-il être riche pour accéder au luxe ?
 
AF : C’est beaucoup plus entremêlé aujourd’hui. Les marques de vêtements et de maroquinerie ont fait beaucoup d’efforts pour atteindre un plus grand nombre de clients et créer l’envie. Pour autant, la notion de rareté existe toujours. C’est vrai là aussi dans la mode avec la haute couture, dans l’art avec des séries limitées. Mais disons que ça ne se voit pas car ce luxe-là, les plus riches se le partagent entre eux.
 
FM : Ressentez-vous de grands changements dans les comportements de la clientèle dans la restauration de luxe ?

 
AF : Il y a encore très peu d’années, on voyait notamment des Russes avec des tenues pailletées, des téléphones avec des diamants. Ils prenaient des bouteilles forcément très chères. Aujourd’hui, les jeunes sont beaucoup moins bling bling, plus réservés. Il y a sans doute plusieurs raisons. Déjà, la conjoncture morose conduit à moins mettre certaines choses en avant. Les gens étalent moins leurs richesses. J’ai l’impression que les jeunes notamment font plus attention à la vision des autres, à leur environnement. Mais un peu comme pour le retour à des valeurs du patrimoine, on revient vers du classique, de l’intemporel.
 
FM : Les raisons à votre avis ?
 
AF : Là encore, il y en a plusieurs. Les clients sont à la recherche de valeurs refuge. Ils veulent être rassurés. Mais aussi, ils attendent d’être surpris, de vivre une expérience. C’est d‘autant plus vrai quand on a tout ou presque.
 
FM : Comme cela se traduit dans votre métier ?
 
AF : Il faut savoir remettre en avant le goût du produit, savoir créer une émotion et du plaisir. En fait, c’est intéressant de voir les différentes étapes d’évolution dans la cuisine, que l’on retrouve sûrement dans la mode par exemple. Il y a un bon moment, c’était le maître d’hôtel qui était le roi dans un restaurant, qui faisait son show. Puis ce fut le règne des chefs qui sont sortis de leur cuisine. C’est la période de Loiseau, de Bocuse. Aujourd’hui, il faut retrouver un équilibre entre savoir-faire et savoir-être. Un client qui passe trois à quatre heures à table entend oublier ses soucis. Et cela réhabilite l’équipe de la salle, qui doit être bien formée. C’est pareil, j’imagine dans la mode. Le créateur roi n’est pas dans la boutique face aux clients pour lui vendre son produit. C’est le vendeur qui est au centre. Il faut qu’il accueille bien le client, qu’il ne le juge pas même s'il est en Nike et en jeans. Dans les grands restaurants, il n’y a pas si longtemps, on regardait de travers un client en jeans et tennis. Aujourd'hui, si on faisait cela, on gênerait la majorité de la clientèle.

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