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29 févr. 2004
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AGA-F, bureau d'achats parisien de Bergdorf Goodman

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29 févr. 2004

Virginie Maunier, pouvez-vous nous présenter le bureau d’achat AGA-F ? Le bureau d’achat AGAF travaille pour plusieurs grands magasins dans le monde, principalement basés aux Etats-Unis, au Canada et à Hong Kong. Nos bureaux sont basés à Paris, Milan, Florence, Londres et New-York. Nous nous divisons le travail par clients et domaines particuliers. Pour ma part, je m’occupe du client Bergdorf Goodman et de tous les domaines qu’il regroupe (mode, déco, accessoires…). Pour Neiman Marcus par exemple, trois personnes se divisent les différents marchés. Pour chaque magasin, des personnes s’occupent exclusivement du suivi des commandes et de l'administration des ventes. Quelles sont les différentes activités d’un bureau d’achat ? Un bureau d’achat a 2 fonctions : - chercheur de tendance, de collections, de nouveautés. - les yeux et les oreilles à Paris et sur l’Europe de ces grands magasins. Pouvez-vous nous présenter votre travail auprès de Bergdorf Goodman ? Bergdorf Goodman est un grand magasin new-yorkais qui appartient au groupe Neiman Marcus mais qui constitue une entité à part. Les acheteurs viennent très régulièrement à Paris, au moment des collections, des salons,… Notre rôle est d’organiser, avant qu’ils arrivent, des rendez-vous avec de nouvelles marques en plus de celles qu’ils voient habituellement. Le but est de faire en sorte qu’ils repartent de Paris avec une nouvelle collection par département. Nous tâchons d’être toujours précurseurs, de ne rien laisser passer. Nous avons fini par connaître leurs besoins et leurs goûts, il nous est donc facile de bien cibler. De plus, ces magasins sont positionnés dans le luxe. Cela limite la recherche. Etes-vous sans cesse à la recherche de nouveaux créateurs ? Oui, tout à fait. Mais nous recherchons des produits de luxe. Il faut que le créateur soit positionné dans le haut de gamme. Même si Bergdorf Goodman est une grande institution et que nous aurions tendance à imaginer que les acheteurs sont uniquement focalisés sur les grands noms, ils s’intéressent tout de même aux jeunes marques. Le business a été très difficile après le 11 septembre mais il y a eu une véritable reprise. L’intérêt est là de nouveau. Depuis combien de temps avez-vous l’impression que le marché américain reprend du poids ? Depuis un an. Nous n’avons pas constaté de boycott au niveau du luxe. Les américains continuent à aimer le luxe à la française. Le fait qu’ils viennent à Paris et qu’ils attendent de nous que nous leur présentions de nouveaux produits est très motivant. En cela la France est assez différente de l’Italie où ils ont l’habitude de faire de grosses commandes et où ils restent fidèles à certaines marques. A Paris, ils s’intéressent davantage à la créativité. Pouvez-vous nous dire quels sont les marchés les plus porteurs en Europe ? L’Italie tout d’abord, la touche italienne est extraordinaire. La qualité de la maille y est inégalable. Ensuite, en ce qui concerne la créativité, la France bien sûr, et les pays satellites, la Belgique, la Hollande. Vous occupez-vous également de ces pays satellites ? Oui, tout à fait. Ce sont des pays à observer de près car ils ont de très bonnes écoles de mode: l’Académie d’Anvers, La Cambre à Bruxelles et l’école Arnhem en Hollande dont sont issus Viktor&Rolf. Il m’est arrivé de faire partie du jury de La Cambre. Il est nécessaire de voir ce qui se prépare. Nous nous occupons également de l’Espagne, qui est un pays prometteur mais qui a encore ses preuves à faire au niveau de la qualité. Il ne sont pas encore vraiment positionnés dans le haut de gamme. Comment s'organise votre travail avec les acheteurs américains? Pour la semaine des défilés, une vingtaine de personnes viennent à Paris. C’est très hiérarchisé, il y a l’acheteur, le responsable du rayon, le responsable de plusieurs rayons. Ils se divisent en groupes et chacun à son planning, ses rendez-vous. Il faut trouver de nouvelles collections pour les différents domaines : créateurs pointus, tenues de soirée, accessoires. L’idéal est qu’ils repartent avec une nouveauté pour chaque rayon. Pour cela, il faut leur en présenter 4 ou 5 dans chaque domaine. Nous redoutons toujours de ne pas trouver mais nous y parvenons. Le fait est que nous sommes très sollicités. Il y a peu de bureaux d’achat à Paris et nous sommes connus. Les marques viennent nous présenter leurs collections. Nous sommes également à l’affût de nouveautés dans les magazines et sur les salons. Puis, nous organisons des réunions régulières pour nous briefer sur ce que nous avons pu découvrir. Depuis un peu plus d'un an, je suis fashion director. Il est donc de mon ressort d’orienter les tendances sur lesquelles on va guider les acheteurs américains. Pour cela, nous réalisons des books afin d’illustrer les tendances parisiennes. C’est un travail relativement important que nous divisons par rayons. Une personne s’occupe des accessoires, une autre de la déco… Quel est le bilan des salons ? Je n’ai suivi que la déco car j’avais des acheteurs à Paris pour ce domaine. Je n’ai pas vu le prêt-à-porter mais deux de mes collaboratrices se sont concentrées sur ce salon. Nous nous réunissions ensuite pour faire le point et partager nos impressions. En ce qui concerne le salon de la lingerie, les acheteurs semblaient très contents. Les collections de haute-couture ont beaucoup plu également. Le prêt-à-porter masculin, en revanche, est un peu plus difficile car beaucoup moins classique qu’en Italie. Avez-vous le pouvoir d’acheter ? Non, nous sommes vraiment des intermédiaires. Nous les conseillons. Combien de personnes travaillent ici ? Nous sommes une dizaine, répartis par magasins. Il y a la pièce Lane Crawford (Hong Kong), la pièce Neiman Marcus, la pièce Bergdorf Goodman… Pour Bergorf Goodman, nous sommes deux. Ma collaboratrice est en charge du suivi des commandes, des livraisons, des paiements. Il y a de plus en plus d’exigences au niveau des douanes américaines. C'est un travail considérable. Je m’occupe personnellement de la recherche. Je passe au moins 50% de mon temps en dehors de mon bureau à prospecter. De plus, je suis en contact direct avec une douzaine de personnes aux USA qui me posent des questions en permanence. S’ils montent un nouveau concept, ils me demandent des conseils. Une seule de leurs questions engendre un gros investissement : de la recherche, des prises de contacts,… Allez-vous souvent aux Etats-Unis afin d’observer le marché ? J’y vais environ une fois par an. J'observe les magasins qui sont en constant changement: la façon dont ils ont évolué, les rénovations, les nouveaux rayons. J'essaye de comprendre comment s’agencent les marques, quel créateur va à quel étage, comment se fait l’équilibre. Notre métier consiste à travailler avec des personnes de culture différente. Il faut essayer de les comprendre. Il est également primordial de voir ce que fait la concurrence. Aux USA, le marché est très concurrentiel. Ils veulent tous être les premiers. Comment s’organise une journée type ? En général, je prends mes rendez-vous dans la matinée puisque, avec les Etats-Unis, nous communiquons l’après-midi. Nous organisons également des réunions quotidiennes avec mes collaboratrices. Une bonne communication interne est essentielle. Nous n’avons pas forcément toutes les mêmes besoins mais nous avons besoin des informations des unes et des autres. Nous nous partageons le travail car beaucoup de personnes nous sollicitent. Généralement, sur 100 personnes, 10 vont nous intéresser. Mais nous ne pouvons pas dire non. C’est, à mon avis, le principe du bureau de rencontrer toutes les marques. C’est ce que j’ai toujours fait. Il faut recevoir les gens, et leur expliquer pourquoi leur produit ne nous convient pas. Tellement de jeunes créateurs se lancent, ils ont un tel enthousiasme, je ne veux pas les décourager. Comment sélectionnez-vous les produits ? Ce n’est pas compliqué car nous sommes dans le luxe. Si nous travaillions dans un autre créneau ce serait probablement moins facile. Dans le domaine du luxe, il n’y a pas tant de gens. On se rend facilement compte si la qualité est standard ou exceptionnelle. Nous avons quelques critères tels que la fabrication, le tissu, le style. C’est très rapide. Il y a une part de flair également. Il faut que cela reflète une certaine tendance de la mode. Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ? Ma priorité est de continuer à bien conseiller Bergorf Goodman. Nous formons une bonne équipe en leur offrant un bon relais à Paris. Ils savent qu’ils peuvent nous faire confiance. S’ils ont une question, nous sommes prêts à y répondre, à leur apporter des solutions, que ce soit dans la création ou sur un problème de commande. Mon souhait est bien sûr que les affaires restent bonnes, qu’ils gagnent de l’argent avec la France et qu’ils continuent à être enthousiastes à chaque fois qu’ils viennent ici. Malheureusement, cette saison risque d’être un peu plus difficile étant donné le taux du dollar. Du point de vue de la France, je continue à recevoir les gens qui se présentent et je reste à l’affût des nouvelles collections. Enfin, j'espére qu’il y aura toujours, à Paris, ce foisonnement de créativité qui nous motive. Propos recueillis par Sonia Chevalier

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